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L’alliance atlantique après l’Afghanistan et la Libye

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L’alliance atlantique après l’Afghanistan et la Libye

L’alliance atlantique après l’Afghanistan et la Libye

L’alliance atlantique a-t-elle un avenir ? Tout en démentant sa relativisation au profit d’un nouvel engagement dans le Pacifique, les Etats-Unis annoncent bien un recentrage de leurs efforts vers les questions stratégiques asiatiques, et ne cachent plus leur résignation face à l’incapacité européenne à constituer un acteur international digne de ce nom. Tout en craignant un tel désengagement américain en Europe, les Européens ne semblent pas pour autant désirer s’investir davantage dans les questions de défense pour rassurer leur grand allié. Il est temps de faire le point et d’envisager un nouvel avenir.

Quelques remarques préliminaires

1- Cette question de la perte de la centralité de l’Atlantique dans les relations internationales (un siècle après celle de la perte de la centralité de l’Europe) se pose pour la première fois avec une telle acuité. Elle se pose en effet à la fois du point de vue économique (avec la crise de l’euro face à un autre pôle – l’Asie – autrement plus dynamique), et du point de vue de la sécurité (le Vieux Continent n’est plus l’objet des tensions de jadis, concentrées davantage aujourd’hui sur l’Asie et le Proche-Orient).

2- L’existence d’une alliance atlantico-centrée s’érigeant en « gendarme du monde » pose dès lors une question de légitimité : au nom de quoi une telle alliance devrait-elle intervenir dans l’ensemble du monde, sinon au nom d’une identité occidentale dont on connaît les réactions qu’elle suscite ? Autant l’on pouvait, depuis Brasilia, Pékin, Pretoria ou New Dehli, comprendre l’existence d’une alliance de l’Atlantique Nord cherchant à défendre cette zone face au Pacte de Varsovie, autant l’implication du même partenariat à Pristina, Kaboul ou Benghazi suscite d’autres interrogations.

3- Au sein de cette alliance atlantique, les relations bilatérales connaissent elles aussi des évolutions. La relation franco-américaine a connu sous le mandat de Nicolas Sarkozy une lune de miel probablement inédite, mais le couple franco-allemand est en crise. Le refus par l’Allemagne de souscrire à la résolution 1973 sur la Libye, son soutien à une Europe dénucléarisée alors même que la France considère la dissuasion comme la clef de voûte de sa doctrine de défense, l’ont illustré cruellement. Dans le même temps, les restriction budgétaires drastiques imposées à la Grande-Bretagne en matière de défense relativisent son statut de partenaire si efficace pour les Etats-Unis dans le Special Relationship.

Et demain ?

Ceci étant dit, quelles leçons peut-on tirer des développements récents ? Certains points sont de nature à resserrer enfin les liens entre des alliés dont la cohésion a été mise à rude épreuve dans la dernière décennie. En premier lieu, la sortie d’Afghanistan obligera les partenaires à repenser plus sereinement une alliance qui s’était focalisée sur ce dossier épineux, sans doute trop lointain et trop lourd en pertes humaines pour être consensuel. Une fois cette page tournée, l’Europe sera plus à l’aise dans l’exercice intellectuel consistant à repenser l’alliance, que dans la fourniture de troupes.

Pour autant, l’après Afghanistan porte son lot de défis. Le dossier de la défense anti-missiles va diviser les partenaires, dont une immense majorité estime en Europe – contre la France et peut-être contre la Grande-Bretagne – que la responsabilité politique qu’implique la possession d’armes nucléaires est obsolète, si la protection américaine suffit à vivre dans un monde sans menace. La question des partenariats globaux va faire débat également, entre ceux qui estiment qu’elle constitue l’avenir de l’OTAN, et ceux qui craindront l’image négative d’une OTAN gendarme du monde. Enfin, appartiendra-t-il aux Alliés de s’exprimer ensemble sur des dossiers du voisinage européen, tels que le conflit israélo-arabe ou les lendemains de soulèvement au sud de la Méditerranée ?

Pour terminer ce tableau, prenons garde à deux malentendus possibles. Le premier concerne le « retour français » dans les instances intégrées de l’OTAN. Celui-ci a très vraisemblablement eu le mérite de faire mieux comprendre aux Etats-Unis que si la France émettait parfois des analyses stratégiques différentes des leurs, ce n’était pas par anti-américanisme primaire. En cela, ce rapprochement est positif. Mais il pourrait ne pas le rester s’il ne se traduit pas (comme c’en était aussi l’objectif) par une relance de l’Europe politique en général, et de la défense en particulier. Une Europe forte reste en effet, qu’on le veuille ou non, indispensable à une alliance atlantique digne de ce nom. Un deuxième malentendu possible concerne les leçons à tirer de l’intervention en Libye de 2011. Cette opération a certes montré les alliés sur la même longueur d’onde, et agissant dans une véritable complémentarité. Vue d’Europe, elle constitue donc un précédent vertueux (une initiative européenne bien inspirée, à laquelle ont aidé les Etats-Unis). Vue de l’autre côté de l’Atlantique en revanche, elle a souligné à la fois les difficultés des Européens à agir seuls, leur incapacité à s’accorder entre eux au-delà d’une vieille habitude de travail commune franco-britannique, et les ambiguïtés du concept américain de Leadership from behind, en réalité rejeté vivement par toute une partie des décideurs à Washington. Soyons donc certains de bien tirer, de part et d’autres, des éléments constructifs de cette expérience, plutôt que de rester sur un qui pro quo.

Au final, l’alliance atlantique donne l’impression à la fois d’être entrée dans une nouvelle ère sans pour autant se donner les moyens de discuter sereinement de l’ensemble des problèmes à résoudre, de fournir néanmoins un cadre d’action irremplaçable pour ses membres, mais d’avoir perdu la centralité qu’elle avait réussi à conserver contre toute attente après la fin de la bipolarité. Sa réinvention est devenue impérative. Elle est loin d’être impossible.

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Ces analyses sont proposées à titre personnel par l’auteur, et n’engagent donc ni Global Brief, ni aucune institution à laquelle l’auteur pourrait appartenir par ailleurs.

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