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Le Consensus de Beijing

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Le Consensus de Beijing

Le Consensus de Beijing est-il en train de remplacer le Consensus de Washington? C’est ce que suggérait, de façon périphérique j’en conviens, un article que j’ai lu dans Le monde plus tôt cette semaine.

Pour appliquer le Consensus de Washington, les pays en voie de développement se devaient d’adopter des politiques néolibérales, axées sur les principes du libre-échange. Le soi-disant Consensus de Washington atteint son apogée au début des années 1990; les pays en voie de développement se voient alors forcés par le FMI et la Banque mondiale d’adopter des politiques favorisant l’ouverture de leurs marchés, afin de ne pas perde le support, lire l’appui financier, de la communauté internationale. Le Consensus de Washington a été fortement critiqué pour de multiples raisons; surtout, la croissance économique record promise n’est jamais venue. Pire, pour certaines régions, certains pays, il est possible de parler de décennie perdue. Les grandes institutions internationales ont généralement admises qu’elles étaient allées trop loin. Peu de spécialistes du développement maintenant favorisent une approche aussi drastique.

Sommes-nous, donc, maintenant à l’ère du Consensus de Beijing? Cette transition sous-entend que les USA sont en train de perdent de l’influence alors que la Chine elle est en train de devenir de plus en plus puissante. La Chine est toujours plus présente en Afrique; elle y investit des sommes colossales pour assurer son accès aux ressources premières du continent. Il ne fait pas de doute que la Chine est en voie de devenir un acteur de premier plan en ce qui concerne le développement international. Je continue à avoir des doutes et ne suis pas encore prêt à dire que la Chine est une grande puissance. Elle le deviendra peut-être mais bien des choses peuvent déraper. J’ai aussi des doutes quant au Consensus de Beijing.

Qu’est-ce exactement que le Consensus de Beijing? L’expression reste assez vague. Ce nouveau Consensus se caractérise par un pouvoir politique fort, accordant peu de place à la dissidence, et un contrôle ferme sur l’économie, favorisant l’exportation de produits à bas prix. La Chine devient le modèle du développement.

Première observation, le modèle chinois n’est pas universellement applicable, comme ne l’était pas non plus le Consensus de Washington. La croissance chinoise est le résultat de plusieurs facteurs spécifiques à la Chine, comme une population assez homogène. Il devient plus difficile à appliquer dans des États multiethniques. L’époque coloniale n’a pas laissé le même héritage en Chine, qui n’a pas vraiment été colonisé, qu’en Afrique. La croissance des autres États asiatiques a aussi favorisée la croissance chinoise.

Deuxième observation, le Consensus de Beijing semble justifier la dictature. Certains chefs d’États africains y voient peut-être une façon d’asseoir leur pouvoir. La croissance économique chinoise ne masque pas les abus des droits de la personne, elle ne fait pas tout oublier. N’oublions pas qu’il est possible de se développer de façon démocratique, c’est le cas de l’Inde.

Troisième observation, le Consensus de Beijing ne règlera pas le problème de la corruption. La Chine a de gros problèmes de corruption, surtout au niveau local. Le Consensus de Beijing pourrait amplifier la tendance à la corruption dans les pays en voie de développement, plutôt que de la diminuer.

Le Consensus de Beijing pourrait-il s’avérer être une forme de néo-colonialisme à la chinoise? Il ne faut quand même pas hésiter à poser la question.

Le Consensus de Washington était idéologique; le Consensus de Beijing l’est tout autant. Il n’y a pas de modèle parfait de développement. Pour se développer, les États doivent faire preuve de pragmatisme, favoriser le possible, de petits pas en petits pas, tout en gardant toujours en tête les objectifs finaux, la prospérité et l’égalité des chances. Le Consensus de Beijing, si vraiment c’est vers là que l’on se dirige, risque de causer bien des torts.

Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

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3 Comments

  1. Flavia February 9, 2010

    The substitution of the Washington consensus with the Beijing one seems to dictate a shift from the ideological to the economic Although China’s behaviour in the International arena seems to support this statement, I cannot perceive China as an economic entity disassociated with its domestic context, namely a communist regime. Despite its economic development China has an almost non-existing middle class (considering its ratio to the entire population), and a poor human rights record and thus should not be a model of development for developing countries. It is important to emphasize that development paradigms cannot be solely based on economic reformation; the political element is crucial to development and should go hand in hand with the economic reforms. The International community ignores the historic and domestic contexts of the developing countries. Neither the Washington nor the Bejing consensus can be applied to the diverse conditions and complexities within developing countries today. The latter should not be coerced to adopt models that are doomed to fail from the start as they fail to account for the domestic and historic conditions that shape the political culture and the common psyche of the their respective societies.

  2. Pik van der Stroop February 11, 2010

    Peut-on réellement parler d’un “modèle chinois” en Afrique ? Il semble plutôt que la principale caractéristique des acteurs chinois sur le continent soit la mise à l’écart des considérations politiques pour privilégier leur intérêt propre. La Chine délaisse donc les faux-semblants de la communauté internationale en ce qui concerne l’Afrique. On ne peut donc à ce titre parler de modèle, mais de pragmatisme, voire de realpolitik.

    Un pouvoir politique fort n’est absolument pas nécessaire au commerce chinois, qui s’accommode d’une grande variété de modèles politiques, que les ressources du pays soient gérées plus ou moins directement par l’Etat (voir la différence des modèles du Niger et du Botswana). C’est toute la force de la stratégie, capable de cyniquement refuser de s’impliquer au Darfour par exemple. Le cas chinois est-il en cela différent de la coopération menée par les pays industrialisés ? Ceux-ci aussi ne s’embarrassent que rarement de préoccupations éthiques quand il s’agit d’accès aux matières premières. De plus, le principe de conditionnalité de l’aide au développement s’est avéré à géométrie variable. L’aide au développement a en cela été avant tout un outil politique, apportant certes un soutien aux populations bénéficiaires mais dont la répartition n’est jamais innocente. Enfin, en matière de contrats publics, la question de la corruption est assez ironique : ne peut-on pas plutôt y voir les accusations de pays occidentaux mis sur la touche par des concurrents chinois ayant tout comme eux recours aux malversations mais de façon plus efficace ?

    La réalité actuelle est que la Chine aujourd’hui a un besoin croissant d’alliés et de matières premières pour permettre son décollage économique et politique : elle est en mesure d’offrir des partenariats aux pays africains beaucoup moins coûteux que ceux des pays industrialisés. Les entreprises chinoises apportent des infrastructures peu onéreuses et sans exigences politiques. Cette pratique connaît certes des dérives (et ne permet pas par exemple de transfert de compétence) mais évite les impasses de l’importation d’un modèle occidental.

    Après la mort du très idéologique consensus de Washington et alors qu’aux Etats-Unis, en Angleterre, en France, le rapport à l’Afrique demeure paternaliste, la Chine propose aux pays du continent une relation de strict business. N’est-il pas possible d’y voir également certains avantages pour les pays d’Afrique bénéficiaire ? Soumise à nombreuses critiques, la stratégie chinoise appelle avant tout à la révision des travers des pratiques occidentales. La politique extérieure chinoise en Afrique n’est pas un modèle, mais plutôt un miroir qui renvoie aux réalités des pays industrialisés.

  3. Ian Roberge February 12, 2010

    Si je comprends bien le dernier commentaire, la Chine est simplement moins hypocrite que ne le sont les pays occidentaux. Le commerce avant tout! Ne parlons pas modèle, parlons relations d’affaires!

    Nous connaissons tous, je pense, la réponse. L’Afrique a besoin de paix, d’autonomie, de stabilité et d’une croissance économique durable et équitable. À moins que ce point de vue ne soit trop occidental… Comment aider les pays africains dans leur développement sans s’imposer? Comment être partenaire sans piler sur les pieds? Il me semble que le Consensus de Beijing n’offre pas plus cette possibilité que ne l’offrait le Consensus de Washington. Il est peut-être paternaliste de le dire, mais le vrai développement ne s’impose pas. Il doit être généré par la force populaire. En espérant encore que l’Afrique moderne trouve sa voix et sa voie!

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