L’Europe face à Trump: dégâts et opportunités
Au carrefour des inquiétudes et de la prise de conscience des alliés des États-Unis
Ou bien les européens décident d’améliorer leur efficacité stratégique, deviennent des acteurs engagés de leur propre destin, y compris sur le plan militaire, et nous verrions alors naître une «Europe plus» – une Europe qui cesserait d’agacer outre-Atlantique par sa pusillanimité et trouverait grâce davantage aux yeux des décideurs et des analystes états-uniens, sans Trump ou même avec lui. Ou bien les Européens sortiront de l’histoire.
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Y a-t-il alors, derrière cette attitude trumpienne, une folie négatrice de la réalité du système international actuel? Ou plutôt un néo-reaganisme en plus iconoclaste, mais avec le même mot d’ordre subliminal: «America is back»? Doit-on lire dans la cacophonie diplomatique américaine actuelle un isolationnisme véritable, qui pourrait conduire à un retrait américain tant redouté depuis 1945 – à savoir une remise en cause de la Grande Stratégie américaine en vigueur depuis la Seconde Guerre mondiale, qui consiste à privilégier la capacité d’engagement militaire d’une part, le soutien à une gouvernance libérale du monde d’autre part, et la pratique du multilatéralisme enfin? Ou bien s’agit-il en réalité d’un néo-nationalisme ne mettant pas en cause le leadership américain, mais plus exigeant avec ses alliés comme pouvait l’être celui de Reagan, mâtiné d’un style volontiers grossier déjà présent sous Nixon, mais qui restait à l’époque méconnu car non relayé par les réseaux sociaux?
La réponse à ces questions est d’importance car elle déterminera l’attitude que les européens devront opposer à leur allié américain. L’Europe doit naturellement éviter d’abord le chaos pour elle-même, en ces temps de Brexit, de populisme et de divisions multiples. Les récentes élections européennes ayant montré précisément que les partis nationalistes d’une part et les partis libéraux d’autre part (possiblement alliés aux écologistes), comptaient parmi les forces montantes, appelées à s’affronter dans les prochains mois. Si cette confusion persistait, nous aurions affaire à une Europe-chaos peu intéressante pour Washington, quelle que soit l’administration au pouvoir.
Mais le temps n’est plus à décoder les intentions de la Maison-Blanche, mais à mesurer les résultats de ses choix. Le premier de ces résultats est indéniablement la double inquiétude des alliés des États-Unis vis-à-vis de la garantie de sécurité américaine d’une part, et du comportement de Donald Trump dans des régions à risque d’autre part. Néanmoins – et c’est le second point, paradoxal – cette diplomatie américaine brutale, au moins à court terme, génère parfois des évolutions positives, voire des opportunités ou des ouvertures pour l’Europe. Au final, les européens doivent retrouver les chemins de la réflexion stratégique afin de bien appréhender la nature de ce trumpisme dont rien ne dit qu’il s’arrêtera en 2020, et pour forger en retour, enfin, une vision stratégique pertinente.
Au final, les Européens doivent retrouver les chemins de la réflexion stratégique afin de bien appréhender la nature de cetrumpisme dont rien ne dit qu’il s’arrêtera en 2020, et pour forger en retour, enfin, une vision stratégique pertinente.
Les dégâts: des alliés inquiets
La présidence de Donald Trump a déjà fait mal à l’Europe – d’abord en ravivant la flamme de l’antiaméricanisme dans les démocraties libérales, de la France jusqu’à l’Allemagne. Plus généralement, les enquêtes d’opinion, comme celles du Pew Research Center, montrent une forte érosion de la confiance en l’Amérique parmi les alliés de celles-ci. En quelques semaines, l’image des États-Unis dans les opinions, qui s’était nettement améliorée sous Barack Obama par rapport aux années néoconservatrices de George W. Bush, s’est à nouveau dégradée. Le président américain a donné l’impression qu’il pouvait devenir l’ennemi – ce qui, dans l’histoire européenne, est hautement ironique compte tenu de l’engagement américain auprès des Alliés dans les deux guerres mondiales, du rôle des États-Unis dans la reconstruction de cette même Europe après 1945, et de sa protection par l’OTAN dans la Guerre froide.
Mais le style Trump a heurté, d’abord par l’image qu’il a donnée lors de la campagne électorale, et ensuite dans ses premières déclarations. Sa propension à l’insulte (vis-à-vis des femmes, des étrangers et, entre autres, d’un journaliste handicapé), si elle était faite pour conforter un certain électorat américain, a inquiété la vieille culture sociale-démocrate européenne. Et sa délectation à incarner la caricature d’une Amérique que certains aiment détester – à partir d’une image de milliardaire grossier, inculte et misogyne, soutenant la possession d’armes à feu et flirtant avec la suprématie blanche – a rendu la tâche difficile à tous ceux qui défendent la relation avec Washington.
Ensuite, Trump a touché aux garanties de sécurité américaines. En refusant de souscrire explicitement à l’article 5 du traité de l’OTAN, il a provoqué un sentiment de panique. Au malaise initial sur l’article 5 se sont ajoutées des critiques adressées aux alliés, et même des immixtions dans leurs affaires (soutenant le Brexit au Royaume-Uni, ou estimant que Boris Johnson ferait «un très bon Premier ministre»). Sa vulgarité envers Angela Merkel (refusant publiquement de lui serrer la main en mars 2017) et ses passes d’armes avec Emmanuel Macron tranchent avec le fait qu’il paraît s’entendre, du moins personnellement, avec Vladimir Poutine.
Ce dernier point tout particulièrement inquiète, aussi bien de par l’éventuel rapprochement qu’il implique avec la Russie (contre laquelle les États-Unis sont censés protéger) que pour la déstabilisation de l’exécutif à Washington. L’enquête et le rapport Mueller sur les possibles collusions russes de l’actuel président (dont les conclusions font l’objet d’interprétations variées), la nature exacte de sa relation économique, politique et personnelle avec Moscou, le nombre étonnant de décisions «trumpiennes» qui paraissent aller dans le sens des intérêts russes (surtout la fragilisation de l’OTAN, l’encouragement à un Brexit dur et le détricotage de l’Union européenne), constituent un ensemble de plus problématiques. Trump joue-t-il la carte de Moscou contre Pékin, comme Nixon avait fait l’inverse jadis? Est-il plus simplement fasciné par la personne de Poutine? Est-il tenu à une complaisance vis-à-vis du Kremlin du fait de quelques dossiers compromettants? Quelle que soit la réponse, la question elle-même est inédite à ce niveau du pouvoir américain.
Le sentiment que le locataire de la Maison-Blanche a plus d’appétence pour quelques émules ou partenaires autocratiques que pour ses alliés de longue date, qu’il est plus prompt à défendre le prince héritier saoudien à la suite de l’affaire Khashoggi qu’à soutenir les démocrates européens, qu’il est davantage intéressé par Kim Jong-un que par une discussion de fond sur l’OTAN, sont autant d’éléments d’ambiance. En envisageant l’adhésion du Brésil à l’alliance atlantique (au printemps 2019), il confirme à la fois son amateurisme politique, son mépris des affaires européennes, et son goût pour l’autoritarisme – de quoi inquiéter le Vieux continent. En jugeant l’alliance «obsolète», il fait peser le spectre d’un retrait américain, qui serait fatal à l’organisation et à la sécurité de l’Europe.
Plus encore, et même si le président n’est pas censé s’en occuper lui-même, le soutien apporté par son entourage ou ses ex-coéquipiers aux partis et mouvements nationalistes en Europe pose question. La visite européenne de son ancien conseiller Steve Bannon, à la veille des élections de mai 2019, montre que l’intention existe d’y fédérer les mouvements populistes à travers sa fondation «Le mouvement». Il y a, de toute évidence, une volonté trumpienne de susciter la progression et la victoire d’un courant «dur» dans une Europe jugée trop molle. Contre qui? C’est là toute la question. Au début de la Guerre froide, l’influence américaine en Europe était plus forte encore, mais agissait en faveur d’une démarche libérale contre le régime communiste soviétique. Désormais, le président américain favorise les acteurs illibéraux, ceux-là mêmes qui sont également choyés par Moscou. Dans les capitales qui n’ont pas succombé à la tentation populiste, on s’en inquiète forcément.
D’autant que ces pratiques d’immixtion dans les affaires nationales se conjuguent également sur le plan international, dans la parfaite logique de l’illibéralisme, lorsqu’il s’agit de s’opposer au multilatéralisme, aux traités internationaux et à tout dialogue institutionnalisé. Cette offensive est inquiétante pour l’Union européenne parce que c’est précisément sur ce terrain multilatéral que celle-ci était parvenue, notamment dans les négociations commerciales, à trouver une vitesse de croisière, tandis qu’elle reste plus maladroite dans les domaines stratégiques du hard power. La remise en cause par Trump – au mépris de l’engagement de l’État américain – des accords de la COP 21 et d’un certain nombre d’accords commerciaux, vient ruiner l’un des piliers de la tranquillité des européens, qui se sentaient en phase avec l’Amérique (avec laquelle ils avaient beaucoup travaillé) sur ces sujets.
Bref, en revenant sur des ententes forgées de concert avec leurs alliés, et en déclarant leur hostilité au principe du dialogue multilatéral dans des instances libérales, les États-Unis déstabilisent profondément l’Europe: «un monde s’effondre», pour reprendre le tweet prémonitoire de l’ambassadeur de France à Washington, Gérard Araud, au soir de la victoire électorale de Donald Trump.
Les opportunités: vers la prise de conscience des européens
Dans sa volonté de provoquer et de régir les relations internationales de la première puissance du monde avec des intérimaires, et dans des rebondissements dignes de la télé-réalité (comme la nomination de la journaliste Heather Nauert à la représentation américaine aux Nations Unies, finalement annulée par l’intéressée elle-même), Trump a aussi généré des tensions vives avec plusieurs autres pays du monde. Si les relations tendues avec le Mexique (depuis la volonté d’imposer, y compris contre le Congrès, le financement de la construction d’un mur à la frontière et les tarifs douaniers comme punition pour les flux migratoires) ainsi que le Canada demeurent une affaire du continent américain, d’autres mesures ou postures ont des répercussions directes sur l’Europe. Les mesures prises pour interdire l’accès au territoire américain pour les ressortissants de plusieurs pays arabes et les propos tenus à l’encontre des musulmans entrent naturellement en contradiction avec l’impératif européen de maintenir de bonnes relations avec l’autre rive de la Méditerranée. Après l’«Executive Order» 13769 de janvier 2017, censé protéger la nation contre l’entrée de terroristes sur le sol américain (plus communément appelé le «Muslim ban»), certains européens ont pris conscience qu’ils avaient un rôle à jouer pour éviter un nouvel embrasement global, lequel se terminerait par un regain d’anti-occidentalisme en Méditerranée et un néo-mccarthysme aux États-Unis, dans un esprit de choc des civilisations.
On en était revenu, en quelque sorte, aux années néoconservatrices. Avec la dénonciation de l’accord sur le nucléaire iranien signé en juillet 2015, et aujourd’hui la rhétorique guerrière de John Bolton, c’est une nouvelle facette de l’unilatéralisme trumpien qui est apparue. Elle signifiait que l’Amérique ne respecterait plus les résultats d’efforts communs obtenus avec les alliés, sans même informer ces derniers, et sans tenir compte de leur position. En conséquence, on prit acte à Paris ou Berlin de la nécessité de s’organiser seuls, voire d’être en mesure de contourner à l’avenir les positions américaines. Les intérêts européens (comme les nombreuses reprises de contact qui avaient déjà eu lieu avec Téhéran) ont été traités comme quantité négligeable à Washington. Ce n’était certes pas la première fois dans l’histoire récente, mais jamais avec autant d’ostentation.
Plus grave encore peut-être, les décisions unilatérales de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël (décembre 2017) et d’y installer l’ambassade américaine, l’intention annoncée de reconnaître l’annexion israélienne du plateau du Golan, l’arrêt de la contribution américaine à l’UNRWA, la fermeture de la représentation palestinienne aux États-Unis (septembre 2018) et le consulat général des États-Unis auprès de la Palestine à jérusalem, ont tiré un trait sur l’implication américaine dans le processus de paix lancé à Oslo en 1991 puis à Washington en 1993. Ces gestes ont annulé des années d’engagement occidental concerté, dans lequel l’Europe avait notamment financé de nombreux processus tout comme de nombreuses infrastructures. Là encore, les européens se trouvent dans l’obligation de mettre sur pied une nouvelle diplomatie méditerranéenne, seuls sans l’ancien partenaire américain.
Qui plus est, l’embrasement que risquent de susciter les décisions américaines aura lieu dans l’environnement stratégique immédiat d’une Union européenne qui n’a nullement été consultée. Alors même que la gauche israélienne demeure sceptique sur l’utilité de telles provocations, dont se démarquent également certaines organisations juives américaines comme J-Street, Trump persiste dans sa volonté de ne plus tenir compte de situations géopolitiques régionales, mais seulement d’alliances objectives avec des leaders, partis ou mouvements qui lui ressemblent. Plus qu’Israël, c’est benjamin Netanyahu qui est le récipiendaire de ces mesures. Plus qu’une vision stratégique méditerranéenne incluant les européens, c’est une affinité élective, voire électorale, qui semble guider l’hypothétique boussole de la Maison-Blanche soumise à la «peur» suscitée par l’administration Trump, pour reprendre le titre de l’ouvrage Fear de Bob Woodward.
Néanmoins, sur d’autres terrains, la méthode brutale de Trump semble pouvoir obtenir quelques résultats, même si ceux-ci ne sont pas définitifs. En Corée du Nord, après un moment de confrontation extrême, de bruits de bottes et de déclarations fracassantes (envisageant de «détruire totalement» le pays en septembre 2017), la nouvelle diplomatie américaine est parvenue à des rencontres directes et inédites avec un dictateur jusque-là hermétique. Si l’on peut reprocher à Trump ses embrassades avec Kim Jong-un à l’heure même où il vexait ses vieux alliés européens, au moins doit-on lui reconnaître que, contrairement aux néoconservateurs au pouvoir dans les années 2000, il ne refuse pas le dialogue avec quiconque n’est pas d’accord avec lui.
Trump a voulu d’une part secouer fortement ses alliés, et d’autre part mettre un coup d’arrêt à l’idée de plus en plus répandue que le déclin américain et occidental face aux nouvelles puissances montantes était désormais inéluctable.
La quasi-percée diplomatique coréenne a manifestement pu inquiéter Tokyo ou Séoul, soucieux de voir leur protecteur américain discuter directement avec Pyongyang, mais elle a surtout irrité la Chine, érigée sous l’ère Trump au rang de nouvel ennemi numéro un. En fait, la nouvelle posture de Washington à l’égard de Pékin cherche à modifier un rapport de force qui semblait de plus en plus favorable à la Chine. L’engrenage observable depuis les pressions engagées sur la firme Huawei pourrait soit obliger les autorités chinoises à rechercher un apaisement, soit, à l’inverse, radicaliser l’affrontement. En déclenchant un début de guerre commerciale avec son nouveau peer competitor à un moment où celui-ci connaissait précisément un essoufflement de sa croissance, Trump a obtenu des négociations de la part d’une puissance montante qui arborait jusque-là un ton beaucoup plus inflexible. Même si l’issue de cette tension commerciale n’est pas encore connue, on doit observer que l’Amérique a rassuré certains de ses alliés asiatiques, au Japon et au Taïwan, qui voient désormais en Trump l’homme fort que Barack Obama se refusait d’incarner, campé dans une posture de «patience stratégique» plus inquiétante pour eux car synonyme d’hésitation, voire de recul, face à une puissance autoritaire chinoise conquérante. En d’autres termes, Trump a voulu d’une part secouer fortement ses alliés, et d’autre part mettre un coup d’arrêt à l’idée de plus en plus répandue que le déclin américain et occidental face aux nouvelles puissances montantes était désormais inéluctable.
D’une certaine manière, on peut déjà considérer que le réveil des européens est un premier résultat positif du style Trump. En les exhortant à dépenser plus pour leur défense et en menaçant d’un nouveau «deal» moins avantageux, le président américain ne fait que répéter un agacement déjà exprimé par les administrations précédentes, même démocrates – certes dans un style plus déroutant, et surtout en assortissant ses mises en garde de la terrible perspective de ne plus offrir aux européens le bouclier de sécurité automatique américain. On peut considérer aujourd’hui que l’électrochoc a produit ses premiers effets, d’autant qu’il survient à un moment où les initiatives russes effraient.
Par rapport à 2014, les membres européens de l’OTAN, avec le Canada, dépenseront 100 milliards d’euros en plus en 2020. L’alliance semble réveillée. En 2018, sept membres ont dépensé deux pour cent de leur budget pour la défense. Une majorité consacre plus de 20 pour cent de ces dépenses à des équipements majeurs. La Force de réaction rapide compte un personnel de 40 000, et une force d’élite a été créée («high-readiness spearhead force»). L’imposant exercice militaire mené à l’automne 2018 en Norvège (Trident Juncture 18) a impliqué 31 pays (les 29 de l’OTAN plus la Finlande et la Suède), avec un personnel de 50 000, 250 avions, 65 navires et 10 000 véhicules terrestres. Il y a aujourd’hui plus de 20 000 soldats de l’OTAN en mission, de l’Afghanistan au Kosovo en passant par l’Irak, la Baltique ou la Pologne.
Certes, l’Amérique reste le garant de l’efficacité du système, et à ce titre l’attitude du président trump reste scrutée avec attention. Mais les européens ont pris conscience de leur vulnérabilité. Le scénario le plus vraisemblable est de les voir désormais augmenter légèrement la moyenne de leur budget de défense pendant quelques années, en espérant qu’après Trump il sera possible de revenir à une situation de «business as usual». Ce serait une nouvelle politique de l’autruche, à laquelle l’Europe a souvent habitué le monde. Car Trump n’est que le symptôme d’un monde qui change, et qui ne reviendra pas à la normale.
L’autre scénario, plus optimiste, mais à ce jour difficile à entrevoir, serait de voir les européens se structurer davantage en tirant toutes les leçons de l’épisode Trump. Ils ne pourront le faire unanimement, tant ils sont divisés entre eux sur ce que signifie Trump lui-même (en réalité admiré dans plusieurs chancelleries de l’UE), et sur les enjeux que celui-ci mobilise (la Russie, l’OTAN, Israël, les migrations, le rapport au sud, entre autres). Mais une avant-garde européenne peut voir le jour, qui sur le noyau dur de quelques pays clés (France, Allemagne, autres membres fondateurs, quelques pays scandinaves, plus le Royaume-Uni même sorti de l’UE) pourrait refonder l’approche sécuritaire par des coopérations renforcées à géométrie variable, et par l’adoption d’une définition plus large de la sécurité, qui inclurait la sécurité économique et commerciale (donc une position dure dans les négociations commerciales de bloc à bloc).
La réunion de la France et de l’Allemagne dans cette direction serait une condition essentielle, mais non suffisante. En-dessous d’une dizaine de membres parmi les plus influents (les six fondateurs, plus d’autres comme l’Espagne, le Portugal, quelques pays nordiques, et au moins un ou deux pays d’Europe centrale), l’initiative serait vouée à l’échec et prononcerait l’éclatement de l’Union.
Cette approche serait celle de quelques pays seulement, mais leurs progrès en la matière deviendrait vite difficile à gérer pour ceux qui refuseraient de s’y joindre. Tout dépendra bien sûr du nombre d’États qui accepteraient de jouer ce jeu. La réunion de la France et de l’Allemagne dans cette direction serait une condition essentielle, mais non suffisante. En-dessous d’une dizaine de membres parmi les plus influents (les six fondateurs, plus d’autres comme l’Espagne, le Portugal, quelques pays nordiques, et au moins un ou deux pays d’Europe centrale), l’initiative serait vouée à l’échec et prononcerait l’éclatement de l’Union. Mais si cette masse critique minimum est atteinte, une renaissance de l’Europe puissance est possible, par dynamique d’entraînement. Elle ne se comptera pas à 28. Mais elle aura enfin une signification.
Frédéric Charillon est professeur des Universités à l’Université de Clermont Auvergne et coordonnateur des Questions Internationales à l’ENA.