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Quels partenaires internationaux pour Emmanuel Macron ?

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Quels partenaires internationaux pour Emmanuel Macron ?

Rarement un chef de l’exécutif européen avait fait des débuts si commentés sur la scène internationale. En se posant en premier contradicteur de Donald Trump et en assumant pleinement ses désaccords avec Vladimir lors d’une conférence de presse commune, le nouveau président français prend de front les deux mâles dominants des relations internationales, que semble lier par ailleurs une relation de complicité. En invitant les chercheurs, ingénieurs ou entrepreneurs américains à venir s’installer en France après le retrait de Trump de l’accord de Paris sur le climat, il bouscule les codes diplomatiques. Par sa fameuse formule « make the planet great again », il vient concurrencer (voire provoquer) le locataire de la Maison Blanche sur ses deux terrains préférés : le sens de la formule… et Twitter. En s’affichant proche d’Angela Merkel et de Justin Trudeau, il choisit sa famille : celle des démocrates libéraux assumés. Reste que ce trio Paris – Berlin – Ottawa ne suffira pas à braver seul l’autoritarisme, le nationalisme et le repli, qui gagnent du terrain y compris dans le monde démocratique.

En Europe, Angela Merkel apparaît comme l’allié privilégié de la France. Sa lutte contre les populismes, sa méfiance vis-à-vis de Trump et de Poutine, le rôle du couple franco-allemand dans la relance de l’Union européenne, font de Berlin le binôme de Paris. Pour survivre en tant que puissances, les deux capitales doivent travailler ensemble, et stopper les éloignements stratégiques des dernières années (sur l’intervention militaire ou le nucléaire). Mais la Chancelière, si elle est réélue, risque de connaître l’usure du pouvoir. Son libéralisme lui a été reproché, tout comme son ouverture au monde (sur l’accueil de réfugiés). En dépit d’efforts militaires annoncés, Berlin, contrairement à Londres, n’est pas friand d’interventions militaires extérieures. Paris risque de se trouver seul dans ses prochaines demandes de solidarité européenne.

Le Royaume-Uni reste également un partenaire nécessaire. Londres combat le même fléau terroriste, dispose de la même culture stratégique appuyée sur une armée aguerrie dont les interventions sont soutenues par l’opinion publique, partage l’expérience d’une puissance nucléaire membre permanente du Conseil de Sécurité des Nations Unies, et le souhait de se maintenir comme puissance à vocation globale. Mais les discussions sur le Brexit s’annoncent dures, et l’opposition Macron-Trump qui se dessine sera de nature à gêner Downing Street.

Outre-Atlantique, une proximité de génération et de style rapproche Macron et Trudeau, lequel a tourné la page du néo-conservatisme de Harper. Mais Ottawa ne peut aller trop loin dans la brouille avec son grand allié américain, et, sur le plan stratégique, ne peut s’y substituer comme garantie de sécurité pour les Européens. Voila pour le monde occidental, sauf à y ajouter l’Australie, partenaire de plus en plus important de la France, mais dans une région bien spécifique (le Pacifique Sud).

Ailleurs, il sera difficile d’engager les émergents dans un agenda libéral qui n’est ni dans leur culture, ni, pour certains d’entre eux, dans leur intérêt. La recomposition imposée par les dernières évolutions internationales pourrait resserrer les partenariats stratégiques avec l’Inde, ou favoriser un dialogue avec une Chine qui soigne son image de puissance responsable et globale (sur le climat, le libre-échange, la route de la Soie…). Mais une véritable politique de main tendue aux grandes puissances non-occidentales va se heurter à de nombreuses contradictions. Se rapprocher à la fois de New Dehli et de Pékin, de Pékin et de Tokyo, de Tokyo et de Séoul, est une gageure. Mêmes problèmes au Proche-Orient, avec les partenaires saoudiens, iraniens, qatari… Le Brésil, pour l’heure malade de ses impasses politiques intérieures, n’est pas prêt non plus à dépasser le cadre d’un leadership régional, pour se lancer dans une ambition mondiale.

Un axe des démocraties affiché comme tel mais excluant l’Amérique de Trump (par exemple, hors d’Europe, avec le Canada, l’Australie, l’Inde, le Brésil, le Japon, la Corée du Sud et d’autres) risque d’aliéner plus profondément encore Washington, de fragiliser l’OTAN, et d’irriter Pékin, pour un résultat encore hypothétique, et des convergences stratégiques qui restent à trouver. Un axe des leaders modernes et ouverts sur le monde (sorte de contre-pied à l’entente Bush – Aznar – Berlusconi des années 2003), constituerait un affichage alléchant, mais disposerait de peu de moyens de hard power. Une juxtaposition de « lunes de miel » bilatérales (comme on le vit récemment avec l’Arabie Saoudite) apparaît à la fois insuffisante pour faire figure de « grande stratégie », et parfois incompatible avec les valeurs défendues.

La marge de manœuvre française, pour l’heure, est donc étroite. Les cercles d’appartenance traditionnels sont en crise (l’UE et l’OTAN), mais un changement d’alliance est exclu (les relations avec Moscou ne sont pas meilleures, et Pékin a des centres d’intérêt trop éloignés). Les environnements stratégiques directs (la Russie à l’est, le monde arabe au sud, la Turquie au sud-est…) sont de plus en plus parsemés d’obstacles, mais pour autant continuent d’exiger un dialogue soutenu. Les nouveaux centres stratégiques du monde doivent être privilégiés (Asie Pacifique principalement), mais leur éloignement ne fait pas de la France un acteur majeur naturel dans ces zones.

Cette situation n’est pas nouvelle. Le général de Gaulle dans les années 1960, François Mitterrand dans les années 1980, ont connu des problématiques comparables, à ceci près que le cadre bipolaire fixait quelques règles générales. Ils y ont répondu par un mélange de fidélité aux cercles d’appartenance (Europe, OTAN, francophonie) mais aussi d’universalisme, et surtout de pragmatisme, qui a fait la marque de fabrique de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le « gaullo-mitterrandisme » (prolongé ensuite par Jacques Chirac). Qu’Emmanuel Macron s’en réclame désormais peut paraître sage. Il conviendra néanmoins d’en réinventer les modalités d’application, pour les adapter aux années qui viennent. Il peut compter, bien plus qu’aux époques antérieures, sur un village global très réceptif aux nouvelles communications, sur des mobilisations citoyennes rapides et capables de peser sur les plus puissants dans le sens de l’universalisme et de l’ouverture. Des fenêtres d’opportunité pour des recompositions profondes sont accessibles et peuvent être explorées. Au moins en attendant le reflux du trumpisme, et de quelques autres de ses avatars nationaux.

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