L’Asie-Pacifique au cœur de la politique étrangère américaine
En période de campagne électorale aux Etats-Unis, il faut souvent lire entre les lignes ou identifier quelques phrases lâchées au cours de discours essentiellement consacrés aux questions de politique intérieure pour déchiffrer quelles seront les grandes orientations en matière de politique étrangère une fois le locataire de la Maison Blanche désigné. Les deux conventions, à Tampa et Charlotte, et le discours tant attendu de chacun des deux candidats, n’a pas trahi cette réalité. Et comme c’est souvent le cas, on y parla plus de bilan que de prospectives en la matière. Il y a quatre ans, Barack Obama s’était cependant montré engagé et ferme sur la question irakienne, annonçant un retrait militaire en cas d’élection, ce qu’il respecta (à cela s’ajoute le retrait programmé en 2014 d’Afghanistan). Il avait également indiqué son intention de dialoguer avec l’ensemble des partenaires, mais aussi adversaires, de Washington. Une fois arrivé à la Maison Blanche, le président démocrate se montra plus engagé en Asie-Pacifique que son prédécesseur George W. Bush, tenant compte des impératifs d’un changement de pivot vers cette région, tant pour des motifs économiques que stratégiques.
Ce scrutin 2012 est moins riche en promesses en matière de politique étrangère, et à l’exception de quelques phrases indiquant (ou plus exactement rappelant) que les Etats-Unis demeurent le principal allié d’Israël, énoncées à la fois par les camps démocrate et républicain, les questions internationales sont marginalisées par une situation économique et sociale difficile, et l’omniprésence du vote identitaire qui s’est imposé comme un des principaux enjeux de cette élection. Il est en revanche d’ores et déjà acquis que le prochain occupant de la Maison Blanche, quelle que soit sa couleur politique, fera face à de multiples défis en Asie-Pacifique, au point que cette région s’impose comme la priorité en matière de politique étrangère. Cette réalité s’explique par le poids grandissant des économies asiatiques bien sûr, mais aussi par de multiples enjeux sécuritaires que les récentes crises diplomatiques pour des différends frontaliers (impliquant Chine, Japon, Taiwan, Corée du Sud, Vietnam et même Philippines) ne font que confirmer. A cela s’ajoute bien sûr les inquiétudes, qui dépassent les clivages politiques américains, entourant la montée en puissance de la Chine, tant dans ses aspects économiques que politiques et militaires. Le président des Etats-Unis devra, qu’il le veuille ou non, reconnaître que l’Asie-Pacifique est désormais au centre de la politique étrangère de la première puissance mondiale.
Un second mandat de Barack Obama confirmerait ainsi les orientations déjà prises au cours des quatre dernières années, avec un positionnement de plus en plus affirmé en Asie-Pacifique, au détriment d’ensembles régionaux tels que l’Europe et, dans une moindre mesure, le Moyen-Orient. D’ailleurs, le président sortant n’a pas hésité à rappeler, juste avant la convention démocrate de Charlotte, que l’Asie-Pacifique serait au centre de sa politique étrangère, évoquant ainsi un ton plus strict à l’égard de la Corée du Nord, un renforcement des alliances avec Tokyo et Séoul, mais aussi une diplomatie plus musclée à l’égard de la Chine. Ce redéploiement se ferait en marge d’un désengagement au Moyen-Orient, traditionnellement au centre de la politique étrangère et de défense des Etats-Unis.
En cas de victoire de Mitt Romney, il faudra également s’attendre à un recadrage de la politique étrangère américaine en direction de l’Asie-Pacifique. Certes, le candidat républicain ne s’est pas longuement étendu sur son programme de politique étrangère, sujet sur lequel il fait figure de novice (et Barack Obama ne s’est pas gardé d’insister sur ce point lors de son discours à la convention démocrate de Charlotte). Il s’est néanmoins prononcé à plusieurs reprises, en des termes forts, sur la relation avec la Chine, au point d’attirer l’attention sur le fait qu’une présidence républicaine pourrait être marquée par un bras de fer avec Pékin. Que ce soit pour montrer du doigt la politique monétaire de Pékin ou insister sur l’importance de gonfler le budget de défense afin de faire face aux défis sécuritaires dans le Pacifique (et donc en relation avec la Chine), le candidat républicain a clairement dévoilé les priorités de sa politique étrangère, insistant sur les incidences directes sur l’emploi aux Etats-Unis, et la reprise de la croissance.
Jamais depuis la fin de la guerre froide un objectif stratégique n’a été à ce point l’objet de convergences entre Républicains et Démocrates, et un enjeu crucial, avec des effets directs sur la politique intérieure américaine.