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Et Romney est arrivé…

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Et Romney est arrivé…

Il y a quatre ans, le parti républicain cherchait à s’unir, parfois dans la discorde, derrière la candidature de John McCain. Le sénateur d’Arizona, ancien héros de la guerre du Vietnam, est régulièrement cité comme l’une des principales pointures au Congrès en matière de politique étrangère, et personne aux Etats-Unis ne se permettrait de discuter son expérience. On le voyait encore, quelques heures après le drame de Benghazi, commenter la mort de l’ambassadeur Christopher Stevens, qu’il avait rencontré en Libye, sur CNN. En vrai homme d’Etat, McCain sut comme souvent trouver les mots justes pour condamner avec la plus grande force cet assassinat, mais dans le même temps inviter au calme et à la prudence, notamment en évitant tout amalgame entre l’opération qui toucha le diplomate américain et les manifestations relevées dans le même temps au Caire. De son côté, Barack Obama ne perdit pas non plus de temps pour rendre hommage au travail de ceux qui sont en première ligne de la politique étrangère américaine, condamnant avec la même force et la même nuance que son adversaire de novembre 2008.

Mitt Romney n’est pas de la trempe de John McCain et de Barack Obama. Ce qui pouvait encore hier être un jugement est désormais un fait avéré et moqué bien au-delà du camp démocrate. Sa maitrise des dossiers de politique étrangère n’en fait pas un candidat crédible pour occuper la fonction suprême, et sa récupération politique – qualifiée de basse par Obama et soutenue en dépit de tout par esprit partisan, mais du bout des lèvres et sans aucune conviction, par McCain – est tout simplement indigne. En s’attaquant frontalement à l’administration Obama plutôt que de prendre le temps de déchiffrer l’activité et d’endosser un costume présidentiel, circonstance oblige, il s’est affiché au mieux comme un imbécile, au pire comme un charognard. D’un point de vue cynique, l’occasion était pourtant belle, et le candidat républicain avait tout à gagner d’une situation dans laquelle il se plaçait au même niveau que son adversaire et président sortant, et passait ainsi avec brio son examen de « qualifiable » pour le job. Au lieu de cela, même certains membres du parti républicain lui conseillent aujourd’hui de se concentrer sur les sujets qu’il connaît, comme l’économie, et donc en conséquence d’éviter de parler de ce qu’il ne connaît pas.

Alors pourquoi une telle attitude, moquée dans les médias américains de manière quasi unanime, et dont on pourrait considérer qu’elle constitue un tournant dans la campagne. La réponse est peut-être à chercher du côté de John McCain, homme politique de grande qualité, mais qui commit une erreur irréparable en 2008 : le choix de Sarah Palin comme colistière. McCain, républicain convaincu mais homme du consensus et partisan d’un débat politique apaisé et respectueux, parvenait difficilement à séduire l’aile droite de son parti, qu’on disait alors démobilisée. Et puis après tout, ils lui avaient déjà préféré George W. Bush lors des Primaires en 2000. Ses conseillers trouvèrent l’idée géniale (sic) de l’entourer d’une championne de la droite conservatrice. On connaît la suite : Palin accumula les bourdes, fit perdre pied à McCain sur la question de l’inexpérience d’Obama, quand des journalistes attirèrent l’attention sur le fait que la gouverneure d’Alaska serait présidente des Etats-Unis en cas de problème majeur de santé d’un McCain à la Maison Blanche… Les analystes (et les cinéastes) n’ont par ailleurs pas manqué de mentionner ensuite qu’en raison du profil d’Obama, et du rejet viscéral dont il fait l’objet dans les milieux conservateurs les plus rigides, McCain n’avait pas besoin de se lancer dans une grande opération séduction pour s’assurer leur soutien. Ce qu’il n’a pas gagné d’un côté, il l’a perdu de l’autre, en faisant fuir les modérés, sidérés de voir à quoi pourrait ressembler leur future vice-présidente. Rarement une telle erreur de casting fut relevée dans une élection américaine.

Mitt Romney souffre du syndrome McCain dans sa relation avec l’aile droite du parti républicain. Sa fortune l’éloigne d’un électorat populaire et rural, qui constitue dans de nombreux Etats la base partisane. Son profil ne plait pas à une Amérique qui se cherche des héros à la Reagan, et non des hommes d’affaires fortunés de la côte Est. Ses positions sur les questions sociétales ne sont pas jugées crédibles par les milieux conservateurs qui ont déjà rejeté sa candidature en 2008 et se sont cette fois finalement résignés à lui donner l’investiture, faute de mieux. Nombreux sont les Républicains qui, le 6 novembre, voteront à contre cœur pour Romney. Mais ils voteront malgré tout, leur motivation étant de se débarrasser de Barack Obama, dont ils attendent avec impatience la chute depuis bientôt quatre ans. D’une certaine manière, Mitt Romney a de la chance d’être opposé au président le plus détesté des milieux conservateurs (même Bill Clinton n’a jamais été à ce point détesté, et le facteur racial n’y est évidemment pas étranger). Il n’a qu’à chercher à séduire les déçus de la politique actuelle (ce qu’il avait d’ailleurs un moment envisagé en s’attaquant au bilan, mais avec maladresse et surtout sans proposer la moindre alternative, au point d’être moqué par Clinton et Obama lors de la convention démocrate de Charlotte comme un candidat rétrograde), et surtout se montrer à la hauteur de la fonction, pour éviter que l’une des questions posées aux électeurs le 6 novembre soit : êtes-vous prêts à confier les clefs de la Maison Blanche à quelqu’un d’aussi inexpérimenté que Mitt Romney ? Les élections se jouent sur des programmes politiques, elles se gagnent sur une rencontre avec la fonction, elles se perdent sur des détails. Il a quatre ans, Sarah Palin est arrivée dans la campagne sans qu’on s’y attende vraiment, et on connaît la suite. Paul Ryan (lui aussi champion des conservateurs) se montre pour le moment assez sage et moins gaffeur, mais finalement, Romney n’avait visiblement pas besoin qu’on lui sabote sa campagne de ce côté.

Et Sarah Palin, qu’est-ce qu’elle en pense de l’assaut contre le consulat américain de Benghazi ?

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

The opinions expressed in this blog are personal and do not necessarily reflect the views of Global Brief or the Glendon School of Public and International Affairs.

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