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Un président pour l’éternité (12)

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Un président pour l’éternité (12)

Puisqu’il est difficile de savoir exactement ce qui se passe en Corée du Nord et dans l’entourage du clan Kim, le mieux c’est parfois de l’inventer… Voici mon roman sur la succession de Kim Jong-Il, douzième partie.

Chapitre VIII

A Pyongyang, l’atmosphère est tendue. Dans l’immense bureau du Cher dirigeant, père et fils se concertent sur l’attitude à adopter. Les conseillers sont couchés depuis bien longtemps, ou tout simplement envoyés dans des camps de travail pour leur incompétence en temps de crise. Il ne reste plus qu’un tandem présidant aux destinées de la glorieuse nation. Cellule de crise réduite au strict minimum. La famille Kim est bien le dernier rempart de la République Démocratique de Corée.

Plus ulcéré que jamais, le Cher dirigeant est au bord de la crise de nerfs.

– On ne peut pas laisser cette situation pourrir plus longtemps. Il faut agir, rapidement. Trouver une solution, sans quoi nous sommes finis. Et comme c’est moi qui dirige officiellement ce pays, je vais m’en prendre plein la gueule. Quelles sont les dernières nouvelles, toi qui reste toujours collé devant Internet ?

– Les pays de l’ASEAN se sont ralliés aux efforts de nos voisins pour condamner nos agissements et exiger des explications au plus vite. Ces gens-là n’ont décidément rien d’autre à foutre ! Est-ce qu’on se permet de leur donner des leçons ? Bref, là n’est pas l’essentiel. Nous sommes de plus en plus isolés. Nous ne disposons d’aucun allié de poids. Je ne vois pas comment nous allons pouvoir nous en sortir. Tokyo et Séoul nous harcellent, Moscou refuse de nous parler, Pékin nous a lâchés – ce qui n’est pas une grande surprise d’ailleurs – et Washington demande des éclaircissements dans les meilleurs délais, sans quoi ils pourraient passer à l’attaque. Ces petits cons nous ont vraiment foutus dans la merde. On est à deux doigts d’une bonne guerre.

– C’est du bluff. Nous savons bien que c’est du bluff. Il faudrait être vraiment con pour ne pas le savoir. Jamais ils n’oseront passer à l’attaque. Ils sont suffisamment occupés ailleurs. Ils ne peuvent pas se le permettre. C’est la seule chose qui nous reste d’ailleurs, et qui fait que nous sommes encore là pour en parler.

– Ça, ça dépend. S’ils savent qu’ils ne risquent rien en nous attaquant, et qu’ils pourront être ici, à Pyongyang, en l’espace de quelques jours, je suis prêt à parier tout ce que j’ai qu’ils n’hésiteront pas longtemps. Ils auraient tort de se priver d’ailleurs. Moi, si on m’offrait Séoul sur un plateau, je ne me ferais pas prier longtemps. Et je suis sûr que tu ne me contrediras pas sur ce point.

– Mais alors qu’est-ce qu’on doit faire ? Jeter les armes ? Tout avouer, et risquer de se retrouver au Tribunal Pénal International, avec tous les autres idiots qui ont pensé qu’une justice au-dessus des Etats serait susceptible de les défendre de manière équitable, et se sont jetés dans la gueule du loup ?

– Je ne sais pas pour toi, mais moi je n’ai pas envie de finir comme ça. D’autant qu’avec tes antécédents et mon statut, surtout avec mon statut, ils seraient bien foutus de nous foutre à l’asile. Ou alors je vais devenir une bête de foire, comme ces deux crétins qu’on exhibe sur tous les plateaux de télévision. Ah ça ils ont l’air bien cons tous les deux. Mais au final, c’est pour notre pomme.

– Mais alors que faire ?

– Réfléchissons un instant. Mais réfléchissons bien. Nous n’avons pas d’allié, soit. Mais reconnaissons-le, nous n’en avons jamais vraiment eu de toute façon.

– Tu oublies les Russes et les Chinois quand même !

– Allons, ça date de Mathusalem. Tu n’étais qu’un gosse, et moi j’étais loin de penser que je me retrouverais un jour là, avec toi, dans ce bureau, à jouer aux billes tandis que tu prends des décisions importantes. C’était la Guerre froide, et je ne rêvais pas encore de devenir un président pour l’éternité. J’étais jeune et insouciant. C’est une autre époque tout ça. Et puis de toute façon, que ce soit les Russes ou les Chinois, on ne peut pas vraiment dire que leur amitié était désintéressée. Le coup des volontaires chinois qui sont venus nous apporter une aide par pure fraternité pendant la grande guerre, fallait vraiment être débile pour avaler un truc pareil. Non, sérieusement, nous n’avons jamais vraiment eu d’alliés. Et même si nous en avions, rien ne prouve qu’ils nous viennent en aide. On compte toujours plus facilement ses alliés quand les choses vont bien que quand la situation se gâte. C’est une règle presque mathématique. C’est l’arithmétique des relations internationales : nous allons bien tous ensemble, je suis dans la merde tout seul. Et c’est le cas maintenant, comme ça l’est depuis pas mal de temps, avant même que je meure d’ailleurs. Rien de nouveau donc, pas de quoi se faire une crise existentielle. La solitude, c’est quelque chose qu’on connaît par cœur ici. On devrait presque monter des programmes universitaires sur la question. On se ferait une réputation planétaire en un rien de temps…

– Oui mais si ne pas avoir d’allié en temps de paix ne pose pas problème, être tout seul en pleine crise, c’est le risque assuré, c’est la menace aux portes, c’est le changement de régime à tous les coups.

– Ne nous emballons pas. Je ne t’ai donc rien appris ? Nous pouvons toujours trouver des alliés. Ce n’est pas ça qui manque. Et toi-même tu t’en es très bien tiré, et à plusieurs reprises. Je suis fier de toi sur ce point d’ailleurs. Tu m’as bien succédé, et tu as bien préparé le terrain pour mon retour.

– Mais enfin, soyons lucides. Comment trouver des alliés dans notre situation ? Nous n’avons aucun ami.

– Qui dit allié ne signifie pas forcément ami.

– J’entends bien. Mais il faut bien qu’il soit un minimum disposé à nous aider quand même.

– Pourquoi ça ? Il ne faut pas être aussi sectaire. Le principal, c’est que notre allié nous vienne en aide. Qu’il le fasse avec enthousiasme ou non n’a aucune espèce d’importance. D’ailleurs, quelle que soit notre situation, je ne suis vraiment pas sûr que nous ne puissions jamais trouver un allié qui nous vienne en aide de manière spontanée, sans la moindre arrière-pensée. Ou alors c’est qu’il est vraiment complètement con. Parce que si c’était moi, il faudrait vraiment trouver les arguments pour me convaincre de venir en aide à la Corée du Nord ! Soyons sérieux. Seul le résultat compte, et le résultat, c’est qu’un allié nous vienne en aide. Alors qu’il le veuille ou non, je m’en fiche éperdument.

– En d’autres termes, l’idée est de contraindre quelqu’un à nous apporter l’assistance dont nous avons besoin.

– Absolument.

– Et qui serait susceptible de faire une chose pareille ?

– Les Etats-Unis.

– Ha ha, elle est bien bonne celle-là. Non, sérieusement, qui ?

– Les Etats-Unis. Washington, l’Oncle Sam, les Ricains, les Yankees. Appelle-les comme tu veux. C’est du pareil au même. Ce sont eux qui vont nous apporter l’assistance qu’il nous faut. Avec la participation active et non amicale, ça va sans dire, du Japon et de la Corée du Sud. Avec un peu de chance, on peut même se démerder pour foutre les Russes et les Chinois dans la partie. Les Européens, ce serait la cerise sur le gâteau, et comme il leur faudra de toute façon des années de concertations et de débats entre grands et petits pour prendre une décision, plus quelques traités qui seront réformés deux mois plus tard, ne rêvons pas. Mais avec les Américains, les Japonais, les traitres du Sud et les autres, je crois qu’on a toutes les chances de s’en sortir.

– Nous nageons en plein délire. Je me tue à essayer de sauver un pays qui sombre dans le chaos et m’est à peine reconnaissant du travail considérable que je fournis, sans compter qu’il ne jure que par ton nom, et toi tu me sors une liste complètement farfelue. Ce sont justement les pays les plus virulents à notre encontre. Ceux qui soit nous menacent de nous taper dessus, soit font des pieds et des mains pour nous couper les vires. Et c’est sur eux qu’il faudrait compter pour nous en sortir ?

– Oui. Ce sont nos meilleurs alliés, et notre seule chance. Ils viendront tous. A reculons, certes. En nous maudissant, sans doute. En brûlant ton effigie dans des grands rassemblements populaires plus ou moins spontanés, très certainement. Mais ils viendront. Parce qu’ils n’auront pas le choix.

– Moi je veux bien, mais nous ne sommes pas vraiment en position de force. Je ne vois pas comment on peut les contraindre à nous aider, dans la situation dans laquelle nous sommes.

– Ils nous aideront parce que nous allons les menacer.

– Les menacer ? C’est ridicule, enfin. Papa, nous avons changé d’époque, c’est toi-même qui le répète toujours. Fais preuve de réalisme. Ils savent très bien à présent que nous ne sommes capables de rien. Et d’ailleurs, c’est ce qu’on a toujours tenu comme ligne officielle ici : si nous n’avons plus les moyens d’être menaçants pour survivre, nous sommes foutus. C’est même toi qui l’a écrit, ou signé en tout cas.

– Ça, c’est une interprétation de la ligne officielle du Juche. Mais je peux t’en donner une autre : c’est en donnant l’impression d’être menaçant qu’on parviendra toujours à s’en sortir.

– Comment ça ?

– Les relations internationales sont sans doute la seule discipline dite scientifique qui ne repose sur aucun fait réel. Juste des interprétations. Juste la perception des choses, et des jugements parti-pris qu’on vient greffer dessus. Cette discipline s’appuie sur un nombre effrayant de sciences de toutes natures : l’économie, l’histoire, la géographie, la démographie, la philosophie, la psychologie… et j’en passe. Mais à chaque fois, ces sciences sont analysées, interprétées et au final totalement déformées. Apprivoisées et rendues dociles, elles ne deviennent que des outils au service d’une perception, qu’on appelle pompeusement la science politique. Elles sont instrumentalisées pour servir une cause, qu’une rhétorique bien modelée vient enrober, pour en faire quelque chose de présentable. Ainsi, ce n’est pas un hasard si nous trouvons les mêmes faits, interprétés de façon différente, et parfois même totalement opposée, par ceux qui s’en revendiquent les héritiers. Qui a gagné telle guerre ? Quelles sont les richesses nationales ? Quel est l’état réel de l’économie ? Où s’arrête l’intérêt vital d’un Etat ? Quelles sont les règles les plus justes de la gouvernance ? Comment définir le droit international et quel est son champ d’application ? Qu’est que la morale dans les relations internationales ? Tant de questions qui devraient n’avoir qu’une seule réponse, et sont pourtant sujettes à toutes les interprétations possibles et imaginables.

– Tout ça c’est bien joli. Mais c’est de la théorie. Rien de plus que de la théorie. Et ce n’est pas avec des théories qu’on s’en sort dans une situation comme la nôtre.

– Bien sûr que si. Et c’est justement parce que nos ennemis, de leur côté, négligent de tels aspects, que nous sortirons une fois de plus vainqueurs. Ils s’imaginent investis d’une sorte de mission, et engagés dans une œuvre qui privilégie le bon droit, et combat les injustices. Ils sont tellement imprégnés de certitudes qu’ils en oublient, ces imbéciles, que leur position n’est ni plus défendable ni plus détestable que la nôtre. Question de perception, rien de plus. Ils se croient dans la peau du Bien combattant le Mal, et devant nécessairement triompher, parce que le Bien l’emporte toujours. Comme dans ces films américains que tu affectionnes tant. Cette certitude est leur principale faiblesse, elle est aussi notre force. Car nous, au moins, nous ne cherchons pas à nous convaincre que nous valons mieux que quiconque. Nous savons que nous sommes des salopards, nous ne nous en cachons même pas, et c’est pour ça que nous allons encore nous en sortir cette fois.

– Encore une fois, tout ça c’est bien joli, mais concrètement, on fait comment ? Parce que si c’est pour nous ressortir des traités entiers de stratégie pour entrer dans la postérité, je veux bien, mais ça risque de ne pas nous servir à grand-chose.

– On va leur faire croire qu’on a la bombe atomique.

– Encore ?

– Oui.

– Mais on a déjà fait le coup. Les meilleures plaisanteries sont les plus courtes, à ce qu’on dit.

– Sans doute. Mais ça a déjà marché, et ça marchera encore.

– Moi je veux bien ? Mais nous n’avons absolument rien nous permettant de faire état d’une chose pareille.

– Cela n’a aucune importance.

– Cela n’a aucune importance ! C’est tout ce que tu trouves à dire ? Ton optimisme me sidère. Tu as dû rester trop longtemps le nez plongé dans tes bouquins de théorie. Comment veux-tu qu’on se présente comme puissance nucléaire si on n’a rien du tout. A l’époque, c’était différent. On avait un programme. On avait des choses à proposer. Rien de terrible, mais suffisamment quand même pour leur foutre les foies. Mais là, rien du tout.

– Qui a décrété qu’il est nécessaire d’avoir des bombes atomiques pour dissuader ? L’important dans la dissuasion n’est pas tant d’avoir des capacités que de faire croire qu’on en a. On peut très bien les menacer avec nos bombes, même si elles n’existent pas. Tout est question de perception. Tant qu’ils croient ce qu’on leur raconte, et que nous ne sommes pas forcés d’utiliser notre arsenal inexistant, nous sommes en position de force. Alors qu’on ait l’arme nucléaire ou non, ça n’a absolument aucune importance.

– Même pas une petite bombe ?

– Même pas.

– Et un essai ?

– Ah ça on peut. C’est même recommandé. Rien de tel pour leur faire croire qu’on a quelque chose de concret.

– Oui, mais si on est capable de faire un essai, c’est qu’on est parvenu à mettre au point une bombe, alors ça revient au même finalement.

– Pas du tout. Qui a dit qu’il fallait une bombe pour faire un essai ?

– Bah…

– Je m’explique. Un essai, on peut toujours le truquer. Faire péter des tonnes de TNT et faire croire qu’il s’agissait d’une seule bombe. Comme ça, toutes ces saloperies qu’ils utilisent pour nous espionner, leurs relevés antisismiques et tout le reste, tout se mettra en marche et s’affolera. Mais rien ne leur permettra de prouver qu’il ne s’agissait pas d’une explosion nucléaire. Surtout si on publie des communiqués officiels dans lesquels on se réjouit de notre coup. On peut même leur faire croire qu’il y a eu des fuites radioactives et que les choses ne se sont pas complètement passées comme prévu. Ça paraitra plus crédible, et ça leur foutra encore plus les foies.

– Et s’ils découvrent le pot aux roses ?

– Nous n’avons qu’à leur détourner l’attention. C’est bien d’être au centre du jeu, mais il est parfois nécessaire de s’éclipser, de laisser la place à d’autres, le temps de se refaire une santé.

– Ça risque de ne pas être facile !

– Ne sois pas pessimiste comme ça. Décidément, tu déposes les armes à la moindre alerte. Tu t’en sors plutôt bien comme dirigeant, je l’avoue, mais quand les choses se compliquent, il n’y a plus personne. Réfléchis un peu. Nous avons de l’avance sur eux. Ce qui veut dire que quand ils réagissent à nos actions, nous sommes déjà en train de préparer la prochaine. Et ça, c’est le bien le plus précieux. Toutes les armées du monde, même les plus sophistiquées, ne peuvent rien faire contre un tel avantage. Dans notre situation, il faut que nous trouvions un moyen d’internationaliser la crise. Si on se régionalise, on réduit nos ambitions, et on va droit dans le mur. A l’inverse, si on parvient à faire de notre problème un danger pour la communauté internationale, c’est bingo.

– Mais comment s’y prendre ?

– Comme nous l’avons toujours fait. Nous allons leur faire croire que nous souhaitons vendre toute notre technologie aux plus offrants ; et que nous avons déjà commencé les trafics. Et dans les heures qui suivent, tu vas voir tous ces messieurs s’affoler, et se concerter pour mettre au point des mesures de contrôle des flux de marchandises, de personnes, et tout le toutim. Ils seront tellement occupés à essayer d’éviter une prolifération à grande échelle qu’ils nous foutront la paix. On nous montrera du doigt comme l’origine de tous les maux, mais ça, nous en avons l’habitude de toute façon. Mais au lieu de s’en prendre à nous, ils feront chier des petites dictatures dont nous n’avons jamais entendu parler pour les liens supposés qu’elles auraient avec nous. Ils pourraient même en bombarder ou envahir quelques-unes, pour l’exemple. Si ça les amuse de se lancer dans une nouvelle croisade contre des ennemis imaginaires, ce n’est pas notre problème. Ce ne sera pas la première fois d’ailleurs. Et puis les pays en question, on s’en fout complètement de toute façon. Qu’ils se démocratisent ou non ne change rien, sinon qu’on nous foutra la paix. Tant pis pour eux, et tant mieux pour nous. On ne va quand même pas verser dans l’humanitaire.

– Et comme d’habitude, c’est sur moi que tout va retomber.

– Sur toi ? Comment ça sur toi ?

– Eh bien on va à nouveau me présenter comme l’ennemi public numéro 1. On va me mettre à la une des journaux du monde entier avec des commentaires insultants. Quelques crétins vont même s’amuser à mettre sur Internet des jeux dans lesquels d’autres crétins pourront m’envoyer des trucs à la tronche, ou me donner un coup de pied au cul pour m’envoyer le plus loin possible. Et je ne parle même pas des dirigeants du monde entier, qui vont s’en donner à cœur joie sur moi. Ils pourront faire ce qu’ils veulent. Tant que je serai là, ils se défendront de leurs actes en disant qu’il y a toujours pire, et que ce pire, c’est moi.

– Et alors ?

– Et alors ? Tu ne crois pas que j’en ai marre de passer pour le salopard de service ?

– Ne te plains pas. Après tout, tu diriges un pays. Ce n’est peut-être pas la première puissance mondiale, mais au moins personne ne te fait chier pour prendre ta place. Regarde ma situation, je dois faire le mort. Tu crois que c’est mieux ?

– Au moins, on te fout la paix. Il n’y a que les historiens pour s’en prendre à toi. Mais le reste du monde te laisse tranquille. Et puis franchement, reconnais quand même que c’est de ta faute si on en est arrivé là.

– Tu es bien nerveux. Tu devrais arrêter de boire autant de cognac. A ce rythme là, je vais me retrouver au pouvoir plus vite que je ne le pensais. Et ça, je ne veux pas. Pas encore en tout cas. Fais-moi confiance, et tout se passera bien. Ils ne nous attaqueront pas, et toute cette histoire va retomber aussi vite qu’elle a été montée. Il suffit de remplacer un évènement important par un autre, et le tour est joué. Les gens auront tellement la trouille de voir la planète disparaître du jour au lendemain avec une bonne guerre nucléaire qu’ils vont oublier tout le reste. Dans deux semaines, plus personnes ne se souviendra de l’épisode des deux clones, et entre temps, les apôtres de l’apocalypse auront semé leurs discours aux quatre coins du monde. Grâce à eux, nous serons en première page de tous les journaux, mais pas pour la même raison. Tu verras, tout se passera bien cette fois encore. Le monde n’a finalement pas beaucoup changé depuis le temps où je dirigeais ce pays, et rencontrais Staline ou Mao. Tout est question de savoir s’adapter sans rien changer. Le changement, c’est ce qui nous perdrait. C’est ce qui nous expose le plus à notre disparition. Nous allons ressortir les bonnes vieilles méthodes, et tout rentrera dans l’ordre. Crois-en mon expérience.

– Pas changé, pas changé, tu y vas fort quand même. Les choses ne sont pas aussi faciles qu’avant. Surtout avec ces acteurs non étatiques qui viennent nous faire chier.

– Nous faire chier ? Pas toujours. Tu devrais être un peu plus reconnaissant. Quand ils font péter leurs trucs, on nous fout la paix. Et puis comparé à eux, nous passons pour des gens très respectables. Tu peux être la pire des crapules, tant que tu es à la tête d’un pays, tu ne passes pas pour un terroriste. C’est sûr que s’ils pouvaient faire quelque chose maintenant, ça nous arrangerait bien.

– Evidemment. Mais ils ne sont jamais là quand on a besoin d’eux. Ils me font chier ceux-là, à être aussi imprévisibles.

– C’est sûr que si on avait des contacts avec eux, ce serait plus facile.

– Des contacts avec des terroristes ? Non mais tu délires. Ça se saurait si nous avions des contacts avec eux. Il n’y a vraiment que les Américains pour croire à des imbécilités pareilles d’ailleurs. Tu vois, on en revient toujours à la même chose. Les Américains nous veulent du mal, alors nous sommes dans la merde. Il parait que tout est question de perception dans les relations internationales. Comme tu le dis si bien. Et notre perception, faut reconnaître qu’elle n’est pas terrible quand même.

– C’est bien pour ça que nous allons mettre le paquet sur la bombe. C’est notre meilleure chance. Ça l’a toujours été d’ailleurs, et c’est en grande partie grâce à elle si nous sommes encore là. Et puis je t’avoue que je n’ai pas l’intention de baisser les bras si près du but. Je veux redevenir président. C’est dans la logique des choses. C’est mon destin. Rien ni personne ne m’arrêtera. Convoquons notre état-major, rassemblons le parti des travailleurs une fois de plus si c’est nécessaire, histoire de bien montrer à quel point nous sommes sérieux, et lançons les informations dès que possible. Il faut que d’ici quelques heures, le monde entier sache que nous avons la bombe, et que nous n’hésiterons pas à nous en servir si on nous fait encore chier. Et puis d’ici une semaine ou deux, nous annoncerons que nous sommes prêts à négocier, et que nous ne sommes pas opposés à une dénucléarisation complète de la péninsule. Ils se mettront à nos pieds, comme d’habitude. Et comme d’habitude, tout se passera bien, tu verras.

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