1914-1918: rupture pour l’Europe
Les Français commémorent ce jour le 11 novembre 1918, date de l’armistice qui met fin aux combats de la Grande Guerre (1914-1918). Celle-ci marque une rupture majeure dans l’histoire de l’Europe, si l’on compare sa situation avant et après.
Avant la Première Guerre mondiale
Cela paraît tellement loin qu’il faut le rappeler. C’est en Europe qu’est née la Révolution industrielle. Apparue au Royaume-Uni dans la seconde moitié du XVIIe siècle, elle se diffuse progressivement en Europe au XIXe siècle, selon des calendriers différents en fonction de la localisation et des sociétés. L’Europe est aussi productrice d’idéologies: l’Etat-nation, le libéralisme et le socialisme. Son prestige culturel semble alors une évidence. Au tournant du XXe siècle, la production des Etats-Unis dépasse celle du Royaume-Uni, mais l’Europe compte outre le Royaume-Uni d’autres puissances industrielles, dont l’Allemagne et la France. L’Europe est alors le banquier du monde. Sa puissance financière lui permet notamment de financer des expéditions coloniales. Au début du XXe siècle, le Royaume-Uni est la première puissance coloniale du monde, la France la deuxième. Et bien d’autres pays européens se sont accaparés des territoires, parce que la colonisation sert de support à l’expression du nationalisme et à la quête de puissance.
Après la Première Guerre mondiale
Au terme de 4 ans et demi de combats, l’Europe est saignée à blanc : 8,5 millions de morts qui appartenaient presque tous aux générations actives. Visiter les cimetières de Verdun ou de la Somme permet d’en prendre conscience. Cela rend également évident le sacrifice des soldats Canadiens et Américains. En outre, il résulte du conflit un déficit de naissances immédiat et à moyen terme. Les destructions matérielles sont immenses, avec des zones entières où il ne subsiste presque plus de bâtiments antérieurs à 1914, par exemple dans les environs d’Albert (France, Somme). Les pays européens sont désormais endettés, souvent auprès des Etats-Unis qui deviennent à leur tour les créanciers du monde. Les valeurs démocratiques et libérales sont en crise, ce qui débouche notamment en Italie sur le fascisme et plus tard en Allemagne sur le nazisme. Les soldats originaires des colonies qui ont été contraints de se battre en Europe ont découvert que “la civilisation européenne” porte en elle une barbarie qui réduit singulièrement son prestige. La contestation du colonialisme est en ravivée, notamment en Inde, Egypte, Tunisie, Libye et aux Indes néerlandaises. Autrement dit, le prestige de l’Europe décline. La montée en puissance des Etats-Unis s’affirme pendant que le régime soviétique, né de la Révolution d’Octobre 1917, se met en place via la guerre civile puis la collectivisation des terres.
Paradoxe: la paix n’est plus au début des années 2000 un thème porteur pour l’idée européenne
Aristide Briand essuie cependant un échec en 1929-1930 lorsqu’il propose la création d’un lien fédéral entre pays européens, s’appuyant sur l’économique. Ce n’est qu’au sortir de la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945) que l’idée d’une Communauté économique européenne (CEE) s’impose en 1957 à six pays: République fédérale d’Allemagne (Ouest), France, Italie, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg. Durant les années 1950, 1960, 1970 voire 1980, la construction européenne tire avec un certain succès bénéfice de l’affirmation suivante :”L’Europe, c’est la paix”. Une fois la Guerre froide terminée (1990), cette affirmation pourtant assez pertinente perd en efficacité auprès d’une partie des opinions. En 2005, lors du référendum en France pour le projet de traité constitutionnel, ce message sonne creux pour beaucoup, particulièrement dans les jeunes générations. Dans le même temps, les deux guerres mondiales pèsent lourd dans la relation inhibée des Européens à la guerre comme à la puissance. Et dans la professionnalisation des armées, par exemple en France, pose question sur la relation entre le Soldat et la Nation, comme l’a démontré Catherine Durandin.
Chaque jour, l’Europe doit se réinventer.
Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’Ecole des affaires publiques et internationales de Glendon.