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Et Taiwan rayonna à Shanghai

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Et Taiwan rayonna à Shanghai

Evènement de l’année 2010, l’Exposition universelle de Shanghai fut un véritable succès. Record du nombre de visiteurs battu (73 millions, soit 9 de plus que le précédent record, à Osaka en 1970), qualité des infrastructures louée unanimement, organisation sans faille, et une image de la Chine soignée au maximum. On pourra bien sûr arguer du fait que les visiteurs étaient dans leur grande majorité Chinois et que la « communion entre les peuples » n’a pas été si forte qu’annoncée, mais pouvait-on s’attendre à autre chose dans la plus grande agglomération du pays le plus peuplé de la planète ? Quant à la ville de Shanghai elle-même, très fortement modernisée pour l’occasion, elle confirma son entrée dans le cercle restreint des mégalopoles de premier plan, profitant de son Exposition comme avaient su le faire en leur temps des villes comme Londres ou Paris. Deux ans plus tôt, les Jeux Olympiques de Pékin avaient été une immense réussite, l’Exposition de Shanghai une incontestable confirmation de ce que la Chine est désormais capable d’offrir au monde, au point de s’interroger sur la capacité des autres puissances à rivaliser avec Pékin dans ce domaine.

Parmi les dizaines de pavillons (et même centaines) dans lesquels se ruaient les visiteurs, celui de Taiwan fut l’un des plus symboliques, l’un des plus appréciés aussi. Curiosité pour l’entité rivale, envie de découvrir ce que Taiwan peut offrir, ou tout simplement fascination pour l’architecture très réussie du pavillon : pour de multiples raisons les visiteurs chinois se pressaient tout autour, le consacrant comme l’une des principales attractions de l’Exposition, avec le pavillon chinois, bien entendu. Les pavillons d’autres pays suscitant naturellement la curiosité, comme la Corée du Nord, la Birmanie ou dans un autre registre les Etats-Unis, ne bénéficièrent pas du même engouement. Taiwan est bien, aux yeux des Chinois, un cas à part.

L’emplacement du pavillon sur le site de l’Exposition était en soit intéressant et porteur de sens. Dans l’ombre de l’immense pavillon de la Chine, à l’entrée duquel se trouvaient les pavillons de Hong Kong et de Macao, le pavillon taiwanais était séparé de son imposant voisin par un immense parvis utilisé par les visiteurs, et symbolisant d’une certaine manière le détroit séparant les deux entités. On pourrait résumer le choix de ce site ainsi : proximité géographique, mais pas trop attaché au pavillon chinois, pour ne pas heurter les sensibilités. Il fallait symboliser à la fois le rapprochement économique, touristique et culturel très marqué entre les deux entités, et préserver la souveraineté en ne plaçant surtout pas Taiwan au même niveau que Hong Kong et Macao. Un détail particulièrement important pour Taiwan. Un pavillon de Taiwan sur le sol chinois, voilà déjà un symbole fort, mais quand on mesure son immense succès, on réalise à quel point les relations inter-détroit ont évolué dans le sens du dialogue.

L’architecture de ce pavillon en a fait un des plus appréciés et consistait en plusieurs éléments : un écran de cinéma en forme de dôme montrant des scènes de Taïwan visibles de l’extérieur, et un bâtiment inspiré par le relief montagneux de l’île. A l’intérieur, une plate-forme de lanternes volantes, l’un des symboles des nombreuses fêtes de Taiwan, et un large arbre en bambou, donnant de l’ombre aux visiteurs qui pouvaient s’assoir, boire du thé de montagne de Taiwan et écouter de la musique aborigène. Des matériaux modernes et la technologie la plus avancée furent également sollicités pour ce pavillon dont le coût de construction et de maintenance avoisina les 25 millions d’euros. La lanterne emblématique dessinée par Lee Chu-yuan, l’architecte de la tour Taipei 101, dont les parois étaient transparentes, mesurait près de 24 m de haut et occupait une surface au sol de 1.400 m2. En son centre se trouvait le fameux globe de 16 m de diamètre composé de 1 million de DEL, qui servit d’écran de projection. Le logiciel servant à animer ce globe a coûté près de 5 millions d’euros à lui seul. Certains n’hésitèrent pas à parler de l’affirmation d’un soft power taiwanais, en référence bien sûr à la stratégie chinoise sur la scène internationale. En misant de manière très marquée sur les particularités de l’île, le pavillon taiwanais souhaitait afficher fièrement son identité à part entière. Il n’est à cet égard pas étonnant de constater qu’il était l’un des rares pavillons s’offrant aux passants, là où les autres bâtiments livraient leurs secrets seulement une fois l’entrée franchie.

Ne pouvant accueillir plus de 4.000 visiteurs par jour, il fut rapidement victime de son immense succès. A l’inverse des autres pavillons, il fallait faire la queue pendant des heures non pas pour entrer, mais pour obtenir une réservation. Et une fois le seuil des 4.000 tickets écoulés, il était impossible de le visiter. Le caractère « VIP » des visiteurs entrant par groupes de 40 fut particulièrement apprécié, et malgré ce système restrictif, le pavillon taiwanais fut même l’un des plus visités de toute l’exposition.

Conscients de la réussite de leur projet et du bénéfice qu’ils pourraient en tirer, les responsables du pavillon taiwanais le mirent aux enchères pendant l’Exposition, proposant à des acquéreurs publics ou privés de l’utiliser à Taiwan une fois l’évènement de Shanghai terminé. Il est fréquent de voir des éléments des pavillons être vendus, mais plus rare que cette vente concerne l’ensemble des infrastructures. Le pavillon de Taiwan a ainsi été acheté le 16 septembre 2010, soit avant la fin de l’Exposition, par la ville de Hsinchu, située au sud de Taipei, pour une valeur d’environ 11 millions d’euros (plus les frais de démantèlement et de déménagement), pour être reconverti en centre d’exposition et de congrès. Ainsi, les succès du pavillon se pérenniseront à Taiwan.

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

The opinions expressed in this blog are personal and do not necessarily reflect the views of Global Brief or the Glendon School of Public and International Affairs.

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