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La politique de la colère

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La politique de la colère

J’ai participé à un atelier de travail au Michigan la semaine dernière avec des chercheurs italiens, américains et canadiens. Nous avons eu des discussions extrêmement productives. C’est un bon signe pour un universitaire lorsqu’on revient de ce genre d’événement avec autant de questions que de réponses! Sommes-nous en tant que société en train de gaspiller une bonne crise? Qu’avons-nous appris exactement de l’expérience des dernières années? Je comprends très bien que je ne suis pas le premier à me poser cette question, et je ne serai certainement pas le dernier. Je sais aussi que sur ce blogue, je martèle ce thème. C’est que pour comprendre l’actualité au quotidien en ce moment, il faut être en mesure de parler de ce contexte plus large, la crise financière, économique, des finances publiques et de l’État.

Cette crise aurait dû permettre de revenir de façon réfléchie sur la relation entre l’État et les marchés. Trois ans plus tard, cette relation fondamentale, cette remise en question, ne semble pas vraiment avoir eu lieu. J’admets, c’était peut-être en espérer trop! Je vous dirais, cependant, que nous sommes en train de payer le prix de cette paresse. Nous voyons et cela un peu partout sur la planète la montée de ce que l’on appelle communément la politique de la colère. C’est un phénomène qui prend de plus en plus de place, un phénomène inquiétant.

Par définition, la politique de la colère n’est pas cohérente. Elle est à la fois à la gauche et à la droite de l’échiquier politique. La gauche voit le scandale de BP et en veut à tout le monde. La droite parle de dettes, de déficits, et d’apocalypse! Aux USA, la politique de la colère, c’est le Tea Party. Le Canada n’est certainement pas à l’abri de cette colère. Le gouvernement Harper n’hésite pas diviser l’électorat, diviser, je suppose, pour mieux le conquérir. À Toronto, la popularité de Rob Ford dans la course à la mairie démontre que même dans les grandes villes, la colère est présente. Le gouvernement de Nicolas Sarkozy en France tente de canaliser cette colère. Quelle autre explication peut-on donner pour l’expulsion des Roms cet été? Lors des dernières législatives en Suède il y a de cela moins de deux semaines, l’extrême-droite a fait son entrée au Parlement. C’est partout en Occident.

Le visage commun de la colère, c’est la frustration. Cette frustration, elle est dirigée contre à peu près tout le monde. Elle est dirigée contre les élites politiques, économiques, et intellectuelles, contre les bureaucrates, les groupes d’intérêts, les syndicats, les groupes de revendications, etc. On blâme tout ce qui bouge pour tout ce qui ne tourne pas rond sur la planète. Elle est sans raison. Elle ne s’appréhende pas. Elle ne se discute pas. Elle impose une réalité absolue et définitive. Elle est surtout très dangereuse.

Qu’une crise provoque de la colère, ce n’est pas surprenant. Surtout, que le changement, la transformation, se fait attendre. Nous semblons avoir si peu appris, après tout, de cette dernière crise. Comme je l’indiquais en début de blogue, cette crise jusqu’à présent, c’est une opportunité manquée. D’ailleurs, nous avons déjà vu le phénomène avant. L’exemple classique, la Grande Dépression qui mena à la Deuxième guerre mondiale. Il ne faut surtout pas croire que l’Histoire ne peut pas se répéter.

Comment réagir à la politique de la colère? Il faut prendre la mouvance au sérieux, ne pas l’ignorer. La politique de la colère n’est pas en marge de la société, elle ne disparaîtra pas d’elle-même, tout au moins, pas de si tôt. Il faut aussi traiter tous les discours politiques avec respect, ainsi que les gens qui les véhiculent. À quelque part, nous devons faire preuve d’empathie. Cette crise pour certains a été très difficile. Ceci étant dit, il nous faut répondre et parler haut et fort. Nous devons montrer et affirmer qu’il est possible de progresser, d’améliorer le système actuel. Nous devons avoir un narratif crédible, qui se base sur des réussites tangibles. Nous devons rappeler à tous les dangers que pose l’extrémisme. La colère gagne du terrain. C’est le temps d’agir, de montrer que nous avons appris de la crise, que nous sommes en mesure comme société de faire face aux vrais enjeux. La parole ne peut pas seulement être l’outil de ceux qui crient le plus fort, il faut reconquérir l’espace public. Le défi demeure, sommes-nous capables de répondre aux aspirations d’une populace bien trop souvent débordée et dépassée par les événements?

Je ne veux pas de Sarah Palin comme présidente. Je ne veux plus de Stephen Harper comme Premier ministre. Je ne veux surtout pas de Rob Ford comme maire. Je ne veux plus de Sarkozy, de Berlusconi, etc. Je veux qu’on me parle comme un adulte, qu’on baisse le ton, qu’on se regarde droit dans les yeux, et qu’on envisage notre avenir commun. La raison a perdu le nord. Retrouvons tous ensemble la boussole!

Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

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1 Comment

  1. Flavia October 4, 2010

    I believe that in hard economic times, it is easy for extremists to articulate, recruit and find support for their platforms. They, extremists, both from the right and the left, appeal to passion, not reason and the latter is the foundation of the Western Liberal Democracies. If in the West this occurs mostly in a context of economic downturns, in the developing world, where poverty is a constant, extremism is pervasive.

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