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Le piège des Jeux du Commonwealth

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Le piège des Jeux du Commonwealth

L’Inde voulait profiter de cet évènement pour s’afficher comme un pays dynamique et tourné vers l’avenir. Elle se sentait même, de l’aveu d’organisateurs pleins de certitudes, capable de rivaliser avec la Chine, à peine sortie de l’organisation sans faille des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, et l’Exposition universelle de Shanghai qui se termine dans un mois. Mais l’organisation des Jeux du Commonwealth à Dehli s’avère finalement être un piège inquiétant pour un pays qui montre ses limites, et risque de voir son image fortement écornée.

Longtemps aveuglées par les promesses des organisateurs, redoublant d’efforts pour mettre en avant les ambitions indiennes et annonçant les meilleurs Jeux du Commonwealth jamais organisés, les délégations participantes ont découvert dans les dernières semaines des préparatifs l’envers du décor. Et la plaisanterie s’est rapidement avérée être de très mauvais goût. Dans le désordre des multiples déboires de l’organisation : un village pour athlètes non terminé ; des stades dont la construction a été d’abord retardée, puis annulée (certaines épreuves ont ainsi tout simplement été retirées du calendrier, faute d’infrastructures appropriées) ; le toit de la salle dans laquelle doivent se dérouler les épreuves d’haltérophilie qui s’effondre ; une passerelle qui n’a tenu que quelques jours ; un bus transportant des touristes mitraillé, avec plusieurs blessés comme bilan ; des épidémies à la pelle ; et une sécurité mal assurée. Dans l’ensemble, c’est la catastrophe, mais ce sont surtout les organisateurs qui sont mis en cause, avec un manque de professionnalisme dans la construction des infrastructures qui est manifeste. Les observateurs qui se sont rendus sur place sont tous revenus abasourdis.

Mais comme souvent dans ce genre d’évènement, les officiels cherchent à apaiser les tensions, et à rassurer autant les participants que les spectateurs (qui éprouvent de leur côté des difficultés immenses à la fois en termes de transports et d’hôtellerie). Après s’être montré très critique, Michael Fennell, président de la Fédération des Jeux du Commonwealth, qui s’est rendu sur place pour inspecter les travaux des installations, s’est ainsi dit satisfait de l’amélioration des conditions d’hébergement, ajoutant toutefois que beaucoup restait à faire avant le 3 octobre. Il faut dire que si les Jeux du Commonwealth devaient être annulés en dernière minute, ce n’est pas seulement l’Inde qui serait perdante, mais toute la logistique d’un évènement sportif qui peine déjà à rivaliser avec les épreuves les plus médiatiques. Le président du comité olympique australien, John Coates, s’est de son côté montré beaucoup plus direct et critique : « Après coup, il apparaît que ces Jeux n’auraient jamais dû être attribués à Delhi. Quand vous acceptez d’accueillir les Jeux, il est nécessaire de fournir aux athlètes des services de base en matière d’hygiène et de santé ». La délégation néo-zélandaise avait ouvert le feu à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, menaçant de ne pas se rendre à Dehli, mais le Premier ministre John Key a récemment cherché à rassurer ses concitoyens en déclarant que s’il était lui-même athlète de haut niveau, il n’hésiterait pas à se rendre en Inde. Des propos diplomatiques, mais qui n’ont pas suffi à convaincre les principaux compétiteurs des différents pays, qui ont déclaré forfait les uns après les autres, arguant généralement des conditions sanitaires douteuses. Sur un plan sportif, et avant même qu’ils n’aient commencé, ces Jeux du Commonwealth sont un immense fiasco.

Au sein même du gouvernement indien, certains élus ont ajouté leur voix au concert de critiques. « Je pense que notre image à l’étranger en a pris un coup et j’espère que nous nous en sortirons très vite », a déclaré le ministre de l’Environnement, Jairam Ramesh, lors d’un déplacement à New York. L’affaire prend une tournure politique, et pour cause : l’Inde, qui souhaitait profiter de ces Jeux pour étaler sa puissance émergente, offre un triste spectacle qui nuit profondément à son image. C’est d’un coup toute la rhétorique visant à faire de ce pays une puissance émergente ayant atteint un niveau de développement lui permettant d’être reconnue comme puissance mondiale qui s’écroule. A tel point qu’on peut s’interroger sur la pertinence pour des nations qui n’en sont pas encore capables de se lancer dans des organisations à grands frais, sur-médiatisées, et dont les succès comme les échecs ont une forte résonance. Les Jeux peuvent être une véritable rampe de lancement vers la reconnaissance internationale, comme ils peuvent être un piège pour ceux qui n’ont pas su en mesurer les multiples défis. En d’autres termes, et aussi implacable qu’un tel constat puisse être, l’Inde aurait dû s’abstenir d’organiser les Jeux du Commonwealth, tout simplement parce qu’elle n’est pas encore prête pour ce type d’évènement.

Note : Après une longue absence et un long périple en Europe centrale et en Asie, je suis de retour à Taiwan, et reprend la rédaction de mon blog avec, dans les prochaines semaines, plusieurs textes sur les Jeux du Commonwealth de Delhi et l’Exposition universelle de Shanghai.

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

The opinions expressed in this blog are personal and do not necessarily reflect the views of Global Brief or the Glendon School of Public and International Affairs.

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