Un ennemi sans visage
Le 1er mai, Fayçal Shahzad, citoyen américain d’origine pakistanaise, a tenté, fort heureusement sans succès, de faire exploser une voiture bourrée d’explosifs à Time Square, au cœur d’un des quartiers les plus fréquentés de New York. Deux jours plus tard, il tentait d’embarquer dans un avion en direction de Dubaï quand il fut interpellé. Il ne fallut donc que deux jours pour connaître l’identité d’un terroriste, et voir son visage apparaître dans les médias du monde entier. Avant même d’avoir quitté la ville, l’ennemi était connu, et rapidement étudié sous toutes ses coutures. On apprit ainsi qu’il avait passé cinq mois au Pakistan, à l’occasion desquels il est probable qu’il ait fait quelques rencontres ayant déterminé son choix de passer à l’action. Il s’agit là d’un bel exemple d’efficacité en termes de traque d’un individu qui n’avait pas vocation à être fiché comme dangereux, et en termes de coopération des services de renseignement, avec le soutien de multiples badauds qui, présents sur les lieux le 1er mai 2010, communiquèrent des enregistrements vidéo qui permirent de mettre la main sur le suspect plus rapidement que prévu.
Ce succès masque cependant les réalités d’un terrorisme sans visage. En effet, et sans même s’interroger sur le fait que Shahzad a été arrêté après l’attaque (celle-ci ayant pu être un succès), il convient de s’attarder sur un détail troublant. Shahzad étant citoyen américain, toutes les mesures de sécurité aux frontières sont totalement inefficaces. En ce sens, son profil le rapproche plus de Timothy McVeigh, l’homme de l’attentat d’Oklahoma City, que des kamikazes du 11 septembre 2001. De même, l’amateurisme de sa tentative d’attentat, amateurisme qui fut rapidement déterminé par les enquêteurs, éloigne la piste d’un terrorisme planifié, commandité, et presque activé à distance. Shahzad a agi à la suite de rencontres qui ont déterminé son choix, sans aucun doute, mais il a agi seul. Difficile dans ces conditions, et dans des circonstances moins favorables que cet attentat manqué, de pouvoir donner à cet ennemi qu’est le terroriste radical un visage ! Cette association troublante d’amateurisme et du terrorisme transnational est sans doute le plus grand défi sécuritaire actuel et futur, et perturbe les acquis et les certitudes en matière de sécurité et de défense.
Un ennemi sans visage, perdu dans la foule et capable de frapper en tous lieux et en tous temps : de par ses caractéristiques presque effrayantes, le terrorisme transnational soulève des problématiques qui, bien que s’appuyant sur des critères parfois anciens, semblent inédites, et bouleversent les réflexions sur la sécurité. Des interrogations qui restent encore en suspens, tant les efforts restant à accomplir pour comprendre ce phénomène semblent encore immenses. Et pourtant, aucune action entreprise par les pouvoirs publics ne pourra être couronnée de succès sans un tel travail préliminaire.
Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.
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Très bon billet qui démontre, d’une certaine manière, la vulnérabilité des États-Unis face à de nouvelles réalités ainsi qu’à de nouveaux enjeux sécuritaires. Néanmoins, je me questionne : les républicains ne pourraient-ils pas y voir une opportunité pour mettre de l’avant des politiques visant à resserrer une fois de plus les mesures de sécurité à l’interne et par le fait même accentuer le profilage racial et religieux ayant déjà lieu?