Pour une réforme démocratique des appareils de sécurité africains
Forgé par le Royaume-Uni puis conceptualisée par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) à la fin des années 1990, le concept de « Réforme des Systèmes de Sécurité » (RSS) s’est imposé depuis comme l’une des activités majeures vouées à prévenir les conflits et à consolider la paix. La RSS a pour objectif d’améliorer la capacité des Etats à pourvoir à la sécurité de leurs institutions, de leur souveraineté et de leur intégrité territoriale tout comme à la sécurité de leurs populations dans le respect de l’Etat de droit, de la démocratie et des Droits de l’Homme. La RSS s’appuie en outre sur une approche globale et coordonnée, qui vise à articuler l’ensemble des réformes engagées de manière sectorielle dans les secteurs de la défense, de la police, de la justice, des douanes, de la promotion du contrôle public et citoyen, …).
Les pays africains, notamment les pays en situation de sortie de conflit comme le Mali, la Côte d’Ivoire ou la République centrafricaine mais également les pays en phase de transition post-autoritaire, comme le Burkina Faso ou la Gambie, ont lancé d’ambitieux processus de RSS dont les résultats se révèlent cependant très mitigés, notamment parce qu’a très souvent dominé une approche trop techniciste des réformes.
Il est cependant indispensable pour la sécurité du continent africain qu’interviennent de profondes réformes des appareils de défense et de sécurité, y compris dans les pays aujourd’hui stables.
Il est cependant indispensable pour la sécurité du continent africain qu’interviennent de profondes réformes des appareils de défense et de sécurité, y compris dans les pays aujourd’hui stables. Afin que celles-ci se traduisent par des résultats davantage probants, il convient de considérer les processus de RSS à l’aune de quatre défis étroitement interdépendants, et pourtant encore trop souvent considérés de manière dissociée :
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- Le premier défi est d’ordre opérationnel et relève de la restructuration des forces de défense et de sécurité (FDS) qu’il s’agit de rendre plus professionnelles. Il est important de considérer que le professionnalisme des forces de défense et de sécurité doit être entendu selon une acception large du terme, qui inclut aussi bien les performances sur le terrain que le respect des principes de discipline, d’impartialité, d’unité, d’intégrité et d’égalité;
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- Le deuxième type de défi est d’ordre normatif et a trait à la gouvernance démocratique des systèmes de sécurité, qui vise d’une part, le renforcement du contrôle externe exercé à la fois par les autorités démocratiquement désignées (Parlement), les institutions de l’Etat de droit (Médiateurs et Ombudmans, Cours des comptes, Vérificateurs généraux, …) et les organisations de la société civile, et d’autre part, le renforcement du contrôle interne aux forces de défense et de sécurité, exercé par le biais des inspections générales, des mécanismes disciplinaires et des procédures de sanction. Afin d’améliorer la gouvernance démocratique des systèmes de sécurité, il est aussi indispensable de prendre en compte les dynamiques informelles qui souvent les traversent.
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- Le troisième type de défi est relatif à la sécurité humaine et fait référence au respect de la dignité et des droits fondamentaux des populations que les forces de défense et de sécurité ont pour mission de protéger au même titre que l’Etat. Le lien entre réforme des systèmes de sécurité est, jusqu’à ce jour, demeuré trop théorique ou a été appréhendé de manière réductrice comme une simple dimension de la gouvernance démocratique. Il convient désormais de considérer que le volet « Droits de l’Homme » doit constituer une dimension essentielle et à part entière des processus RSS, dans la promotion duquel les Commissions nationales des droits de l’Homme devraient notamment jouer un rôle particulièrement important;
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- Le quatrième défi est relatif au développement et doit permettre à la fois de mieux prendre en considération la condition sociale des personnels des forces de défense et de sécurité ; d’accompagner la réinsertion, dans des activités génératrices de revenus, des effectifs démobilisés dans le cadre de programmes de réduction des effectifs ou de « Désarmement, Démobilisation, Réintégration, Réinsertion» (DDRR) ; de contribuer au développement économique, notamment dans le cadre d’actions dites civilo-militaires (recours aux services du génie par exemple pour la construction d’infrastructures bénéfiques pour les populations ou au service de santé des armées).
Seule la prise en compte de ces quatre défis est susceptible de produire à moyen et long terme des résultats probants au bénéfice de la sécurité des populations et des institutions des Etats africains. Enfin, il apparaît essentiel de remédier à la trop fréquente déconnexion des processus RSS avec les contextes sociétaux spécifiques des différents pays mais aussi avec la dimension essentiellement et hautement politique de toute question relative à la sécurité.