La Corée du Nord à l’attaque !
La Corée du Nord passe à l’attaque ! Dans le contexte actuel, fait de tensions et de rhétorique agressive, une telle nouvelle aurait de quoi effrayer s’il ne s’agissait pas de football. Pour la première fois depuis 1966, la Corée du Nord participe à la phase finale de la coupe du monde du plus populaire sport de la planète. Et pour la première fois en 19 éditions, les deux Corées y participent en même temps. La Corée du Sud, meilleure équipe asiatique depuis des années, est une habituée de la compétition, qu’elle a même eu l’honneur d’organiser en 2002 (et est même arrivée en demi-finale). Un destin que lui envie son voisin du nord, qui n’en est qu’à sa deuxième participation. Mais les historiens du sport se souviendront que lors de l’édition de 1966, qui s’était tenue en Angleterre, la « Chollima » (surnom de l’équipe nord-coréenne) avait réalisé le premier exploit du football asiatique en battant l’Italie, avant de rompre en quart-de-finale contre le Portugal d’Eusebio sur le score improbable de 5-3. La Corée du Nord des années 1960, résolument offensive, avait séduit les spectateurs anglais.
Evidemment, si on s’amuse à faire des comparaisons entre géopolitique et sport, on pourrait plutôt dire que la Corée du Nord de 2010 défend, tant les capacités offensives de ce pays sont désuètes. On pourrait ainsi s’imaginer une équipe nord-coréenne défendant avec toutes ses forces les buts, comme on défendrait un régime dans un environnement hostile, mais qui continue à exister, deux décennies après la fin de la Guerre froide. Mais le football a ses raisons que la politique n’a pas toujours, et de l’avis des observateurs qui se sont penchés sur l’équipe de Corée du Nord, une des particularités de ses joueurs est de ne pas lâcher la pression, même après 90 minutes à courir après le ballon. Au vu du profil des adversaires de la Chellima, le Brésil, la Côte-d’Ivoire et le Portugal (quarante-quatre ans après), ça promet !
Il est en tout cas intéressant de constater que la Corée du Nord, qui est sans doute le pays le plus isolé du monde aujourd’hui, se retrouve en phase finale de la plus prestigieuse des épreuves sportives. Un honneur que ses deux immenses voisins, la Chine et la Russie, n’ont pas. Et au-delà des anachronismes de cette présence (l’équipe nord-coréenne n’a trouvé un équipementier que quelques jours avant le début de la compétition, les joueurs sont individuellement encadrés par un agent de la sécurité nationale au cas où l’air sud-africain leur donnerait des envies, aucun match ne sera retransmis à la télévision nord-coréenne…), la présence de l’équipe de Kim Jong-il (dont on s’étonne qu’il ne soit pas entraîneur, vu ses multiples casquettes) a décidément quelque chose se sympathique. D’autant que, pendant les prochaines semaines, le régime nord-coréen aura sans doute d’autres choses à faire qu’à agiter la menace nucléaire. Dans ces conditions, on souhaiterait presque que la Corée du Nord participe désormais à toutes les coupes du monde de football (c’est toujours mieux que de compter Pyongyang dans le cercle des puissances nucléaires…).
Pour plus d’informations sur l’impact de la coupe du monde de football et les multiples enjeux qui y sont liés, et pour de multiples anecdotes croustillantes, je recommande la lecture du livre dirigé par Eric Mottet, Géopolitique de la coupe du monde de football, aux éditions Septentrion. Ou comment le football, sport mondial par excellence, ne saurait se limiter à une pelouse et 22 joueurs courant derrière un ballon.
Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.
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