Le legs de Margaret Thatcher
La victoire de Margaret Thatcher ! C’est ce que titrait lundi dernier The Daily Telegraph en rapportant les résultats du British Social Attitudes de la National Centre for Social Research. Les résultats de ce sondage annuel, selon le journal, suggèrent que les acquis de la révolution néolibérale sont profondément ancrés chez les Britanniques. Pourtant, certains résultats apparaissent comme étant contradictoires. D’un côté, les Britanniques s’inquiètent profondément de l’écart croissant entre riches et pauvres. Les résultats du sondage suggèrent que 78% de la population trouve cet écart trop élevé. De l’autre, les Britanniques ne veulent plus des programmes de l’État-providence, sauf en ce qui concerne la santé et l’éducation. Les résultats du sondage démontrent que seulement 27% de la population croient que le gouvernement devrait investir davantage dans les programmes sociaux. Comment interpréter ces résultats (rapportés ici de façon très partielle) ? Comment expliquer cette apparente contradiction entre le problème identifié, et le manque de volonté d’une action collective et publique pour tenter de remédier à la situation ? Le sondage révèle clairement que la population britannique ne croit pas que le pays offre une chance égale à tous ses citoyens : 80% des répondants pensent que les enfants de familles riches profiteront de biens meilleurs opportunités que les enfants de familles pauvres. Que reste-t-il lorsque l’on croit à peine en la mobilité sociale ?
Denis St-Martin, chercheur de renommée internationale à l’Université de Montréal, a étudié les changements de l’État-providence au Canada. Selon lui, il est maintenant plus à propos de parler de l’État d’investissement social. Les gouvernements ont, donc, le mandat d’investir dans l’individu, son éducation et son développement. Les programmes de redistribution de la richesse, note St-Martin, sont souvent temporaires et sont axés vers les plus démunis. L’État d’investissement social se base sur les principes de la responsabilité individuelle. Les gouvernements mettent une certaine structure en place, mais c’est à l’individu à se prendre en charge, à travailler pour améliorer son sort. Les résultats du sondage en Grande-Bretagne tendent à supporter cette réorganisation de l’État-providence. Les Britanniques veulent que leur gouvernement, même en temps de crise, gardent le cap pour quelques programmes clefs, mais cela doit être fait de façon circonscrite et délimitée.
De plus, les citoyens font de moins en moins confiance en la chose publique, aux politiciens et aux gouvernements. Dans le cas des politiciens, cette perte de confiance est le résultat de nombreux scandales, d’abus de pouvoir et même de corruption. Pour ce qui est des gouvernements, l’explication est un peu plus complexe. Politiciens, commentateurs et autres observateurs n’ont cessé d’attaquer les gouvernements, les bureaucrates, depuis plus de trente ans. Les gouvernements sont trop gros ; la bureaucratie est trop lourde ; les bureaucrates sont privilégiés, surpayés, protégés, et paresseux ; les programmes gouvernementaux ne sont pas efficaces et efficients ; et, les programmes gouvernementaux coûtent trop chers, on ne peut pas/plus se les permettre. Qui parle vraiment au nom du payeur de taxe, abusé et désabusé, au sein de cette machine hors de contrôle ? Le discours se réconcilie parfois bien mal avec la réalité, mais cela n’a aucune importance. Beaucoup de gens y croient, et c’est d’une certaine façon, tout ce qui compte. Les gouvernements ont, donc, les mains liées. Comment travailler à la redistribution de la richesse, lorsque les programmes en ce sens sont dénigrés.
Il est important de noter la frustration croissante, et compréhensible, par rapport à l’écart entre riches et pauvres. Les riches deviennent plus riches, les pauvres plus pauvres, les gouvernements ne peuvent plus rien faire et il n’y a plus de mobilité sociale. Voilà un portrait à la fois déprimant et dangereux. C’est un mixe explosif. Ce constat mène au populisme, à des mouvements importants, quoi qu’en apparence opposé, comme le Tea Party au USA, ou les contestations populaires dans les rues un peu partout à travers l’Europe. Les gens sont mécontents, mais il n’y a plus d’avenue légitime par laquelle ils peuvent s’exprimer. Comment redonner confiance et espoir ? Avant, c’était le rôle du politique de faire croire que l’on pouvait forcer le changement, que l’on pouvait faire mieux, qu’un monde meilleur était à notre portée, que ce monde meilleur nous attendait ? Que se passe-t-il lorsque l’on croit de moins en moins au politique ?
Je ne sais pas si Margaret Thatcher a gagné. Je n’en ai pas la moindre idée, quoi que je ne sois pas convaincu que c’est nécessairement ce que démontre ce sondage. Je sais seulement que le monde de 2010, loin des ‘trente glorieuses’, est bien trouble.
Le rapport du National Centre for Social Research se trouve sur le site web suivant, http://www.natcen.ac.uk/study/british-social-attitudes-27th-report/.
Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.
Ce qui est encore plus troublant dans l’analyse de l’opinion publique et de son regard sur la politique et les politiciens, c’est que l’on fait face à une réalité beaucoup plus dangereuse. La place que les médias, l’information spectacle, l’information instantanée sans analyse et réflexion sous toutes ses formes, est en train de prendre occulte toute pensée sérieuse et réfléchie. Ce populisme moderne fait peur, car on ne sait où il peut mener. Doit-on s’inquiéter du spectre de l’anarchie, peut-être pas encore mais il faut être vigilant.
Les manifestations en Grèce, en Angleterre et bientôt ailleurs en Europe sont peut-être le prélude de jours sombres.
Les gouvernements doivent rapidement reprendre le contrôle de la gestion de l’état, ne plus gérer selon les sondages et la réélection mais exercer une réelle gouvernance avec pour objectif ultime le mieux être de l’ensemble de la société. Je ne parle pas ici d’égalité à la manière marxiste ou cubaine, mais d’un rapprochement d’une forme de redistribution sociale rationnelle et responsable. Les programmes sociaux doivent viser l’imputabilité et la responsabilité et non la dépendance sociale, sauf évidemment dans des cas particuliers d’impossibilité de prise en charge personnelle.
Les politiques financières et monétaires doivent impérativement être liées à une imputabilité réelle et qui a des dents.
Tout un programme pour de politiciens que l’on a peut-être pas !!
We need to discuss the Neo-liberalist revolution! We need to explain it. The expression always baffles me.