Le futur est dans le passé!
Je suis en train de lire le livre de Brian Lee Crowley, ‘Fearful Symmetry : The Fall and Rise of Canada’s Founding Values’. Oui, je lis un autre livre… Je suis prof. agrégé, en sabbatique de surplus! Lâchez-moi!!! Je n’ai pas tout à fait terminé la lecture, mais j’en ai lu assez pour vous faire le résumé qui suit.
Crowley avec ce bouquin est clairement en train de replacer la droite. Son analyse s’applique au Canada en premier, mais elle est aussi pertinente, avec quelques petites modifications, aux États-Unis, à la Grande-Bretagne, et surtout à l’Europe continental. Lors d’un blog passé, j’ai posé la question à savoir sur quelle base renaîtrait la droite. J’ai maintenant une partie de la réponse. Nous parlerons de Crowley au Canada pour ses réflexions sur le fédéralisme canadien, son étude du triangle Québec-Ottawa-Canada. Crowley note les effets désastreux, selon lui, de la lutte entre Québec et Ottawa pour le cœur des québécois, tant au Québec que dans le reste du pays. À mes amis québécois, lisez à vos risques et périls – quoi que, vous en apprendrez peut-être beaucoup… De mon côté, je retiens surtout la vision du monde mise de l’avant par Crowley.
Bien entendu, Crowley n’est pas le premier au cours des dernières années à vouloir réinventer la droite. David Frum, figure importante de la droite américaine, ancien conseiller de George W. Bush, publia en 2007 ‘Comeback Conservatism That Can Win Again’. Frum note alors l’épuisement de la droite à la Reagan et Thatcher, axée sur les réformes de l’État et la réduction des impôts. Il faut moderniser le mouvement, prendre au sérieux, par exemple, la menace environnementale. Crowley suit une autre piste. Selon lui, il nous faut retrouver les valeurs fondamentales sur lesquels nous avons fondé notre société et que nous avons depuis perdues. Les citoyens doivent se prendre en charge et arrêter de dépendre de l’État. Surtout, la vertu est dans le travail et la famille. La valeur du travail est intrinsèque, indépendamment du type de travail ou du salaire gagné. La famille doit reprendre sa place dans la société. La famille est source de support et l’État ne peut pas la remplacer. Heureusement, l’État-providence, construction qui façonne notre dépendance, arrive à sa fin, malgré la crise actuelle. Les pressions démographiques nous forceront très bientôt à revoir le rôle de l’État. Avec moins de monde au travail, la société ne pourra plus se permettre le luxe destructeur de l’État-providence. Il faudra travailler (ailleurs qu’au gouvernement); il faudra se marier; il faudra avoir des enfants. Notre société, selon Crowley, n’en sera que plus dynamique et plus heureuse!
Ce que Crowley propose est cohérent, facile à saisir, attrayant et même un peu populiste. C’est une formule facile à comprendre et facile à vendre. La droite canadienne semble avoir acceptée le constat d’emblée, surtout si on se fie aux commentaires plus qu’élogieux des plus grands noms du mouvement que l’on retrouve sur la pochette du livre. Crowley, avec ce livre, fera, fait déjà, des remous.
Je ne suis pas convaincu que j’achète cette salade. J’admets être attirer par l’idée qu’il faut responsabiliser les gens, que la notion de blâme a été, est encore, surexploité. C’est une autre affaire, cependant, de dire que comme société nous avons perdu notre sens de direction, notre ‘compas moral’ (pour employer une expression anglaise). Je ne suis pas prêt à aller jusque-là. Notre société a bien des défauts. Je sais que Crowley ne fait pas du passé un idéal. N’empêche, je lis Crowley et j’ai l’impression que les cinquante dernières années ont été mauvaises. Ne nions pas les progrès, en éducation par exemple, que nous avons faits, sujet peu abordé par Crowley (il écorche les nouvelles universités des années 1960 en passant, mais en ne justifiant jamais pleinement son aversion).
En tout cas, je terminerai bientôt les cinquante pages restantes. Il y a ici, certainement, matière à réflexion et à discussion.