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L’Europe ne va pas si mal, merci

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L’Europe ne va pas si mal, merci

La couverture médiatique de l’Union européenne tombe de plus en plus souvent dans le catastrophisme. Pour qui suit l’UE depuis le reste du vaste monde via la télévision, que de courbes inquiétantes ! Dettes souveraines, chômage et populisme sont mis en avant. En revanche, chacun observera que les mêmes auteurs passent à la trappe les responsabilités des Etats-Unis dans cette crise enclenchée dès 2007 par les subprimes et développée en 2008 avec la faillite de Lehman Brothers. Il serait pourtant facile de faire le lien. Pour mémoire, rappelons que les effets en chaîne de cette crise ont augmenté de 7 millions le nombre de chômeurs dans l’UE.

Pour qui vit et se déplace dans les pays membres de l’Union européenne, la situation semble cependant plus nuancée que sur les écrans. Pour avoir mis le doigt voici 6 ans sur les difficultés prévisibles de l’élargissement (1) et averti dès février 2010 que la crise économique allait produire une crise sociale majeure (2) avec à la clé une tentation populiste, brossons un tableau de “choses vues”. Pour l’illustrer, prenons deux exemples: l’Irlande et la Lituanie.

Le cas irlandais

Pendant que les écrans du monde entier font un tableau apocalyptique de la dette souveraine irlandaise… les Irlandais partagent une bière… au soleil ! Voilà ce que l’on voit dans les rues de Dublin cet été.  N’oublions pas que l’Irlande était un pays pauvre lorsqu’elle est entrée dans l’Europe communautaire en 1973. Un pays pauvre marqué par le souvenir des famines du XIXe s et longtemps affaibli par des flux migratoires considérables vers les Etats-Unis. Sans oublier les violences liées à la question d’Irlande du Nord. Quel chemin entre les affrontements des années 1960 et le processus de paix des années 2000 !  Quel contraste entre la gêne dans laquelle vivaient de nombreux Irlandais dans les années 1950-1960 et les grandes maisons construites maintenant – certes à crédit – jusque dans le Connemara. Lorsqu’on y lit un bon livre près d’une cheminée où brûle quelques briques de tourbe, enfumant l’air avec une délicieuse odeur âcre, les moulinets des commentateurs paraissent bien loin, voire pathétiques. Les fonds communautaires ont été globalement bien utilisés, et les routes comme les grandes infrastructures sont maintenant modernes et performantes. Alors, oui, les années de forte croissance ne reviendront probablement pas et il faudra apprendre à vivre sans les mêmes facilités de crédit, mais les Irlandais survivront.

Le cas lituanien

Venons-en à la Lituanie, membre de l’OTAN et de l’Union européenne depuis 2004. Certes,  son PIB par habitant en standard de pouvoir d’achat n’atteint “que” 58% de l’UE-27 base 100… mais durant trois semaines de séjour pendant l’été 2011, peu de sans domicile fixe ont été vus. Le pays devait adhérer à la zone euro en 2012… mais cette perspective a été prudemment repoussée à 2014, voire…  N’oublions pas que la Lituanie a vécu une histoire autrement plus tragique que le report de l’euro! Envahie par l’Union soviétique, puis par l’Allemagne nazie, puis à nouveau par l’Union soviétique à la faveur du pacte germano-soviétique (23 août 1939) et de la Seconde Guerre mondiale la Lituanie a compté des résistants à l’occupation jusqu’en 1953, les frères de la forêt. Puis la résistance a pris d’autres formes, au risque de nouvelles déportations en Sibérie… pour aboutir à la déclaration d’indépendance en 1990 et à l’indépendance effective en 1991. Voici 20 ans. Alors, pour qui a connu l’Union soviétique et visité les cachots du KGB à Vilnius, comment ne pas être étonné par la capacité de rebond des Lituaniens ? Les traces du soviétisme ont été pour beaucoup effacées mais l’histoire reste étudiée, et les fonds communautaires sont globalement bien utilisés.  Et l’EuroBasket2011 se déroule dans la joie et la bonne humeur.

D’autres pays pourraient fournir d’autres exemples: l’Europe ne va pas si mal, merci. Que ceux qui expriment une “joie mauvaise” devant ses difficultés – réelles ou supposées – s’interrogent plutôt sur leurs responsabilités et participent à dépasser les moments difficiles qui s’annoncent. L’UE n’est pas le paradis mais ce n’est pas l’enfer, ni la famine de l’Irlande du XIXe siècle ni les déportations des années staliniennes.

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celle de Global Brief ou de l’Ecole des affaires publiques et internationales de Glendon.

(1) Pierre Verluise, Géopolitique de l’Europe. L’Union européenne élargie a-t-elle les moyens de la puissance ? Paris, Ellipses, 2005.

(2) Pierre Verluise, L’Union européenne confrontée à une crise sociale majeure. Chronique européenne de la Chaire Raoul Dandurand (Canada), février 2010.

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