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Les terribles enseignements de la tuerie d’Oslo

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Les terribles enseignements de la tuerie d’Oslo

La tuerie d’Oslo et les motivations de son auteur, Behring Breivik, nous livrent de terribles enseignements sur l’évolution du terrorisme et le risque qu’il fait peser sur les démocraties. Voici quelques-uns de ces enseignements, mais cette liste reste bien entendu non exhaustive :

1- L’activiste norvégien a une fois de plus fait la démonstration que moins les terroristes sont connus (et donc identifiables), plus ils sont potentiellement dangereux. Il n’est devenu l’ennemi public numéro 1 qu’après avoir commis son crime, et il n’y avait pas de raison légale de l’interpeller avant. Les terroristes les plus dangereux sont ceux qui restent anonymes et se cachent dans l’ombre avant de se faire connaître, par la plus terrible des manières. Breivik est de ceux-là.

2- Son méfait a été exécuté en solitaire, visiblement sans aucune structure, et avec une planification relativement simple. Pas de grosse organisation, pas de moyens dignes d’un film d’espionnage. Ce n’est pas un cas isolé, mais c’est au contraire (et on peut s’en inquiéter) devenu une véritable règle. Pour Breivik, l’extrémisme de droite a le même rôle qu’Al Qaida chez de nombreux terroristes qui s’inspirent du mouvement, mais n’y sont pas nécessairement liés. On pourra arguer du fait que l’assassin est un esprit malade et que le rôle de l’idéologie reste discutable dans ses motivations (la question fait, de manière surprenante et un peu malsaine, débat en France), les faits sont là : Breivik a bien été influencé par une idéologie d’extrême droite, comme les terroristes du 11 septembre 2001 ont été influencés par une idéologie islamiste. Causes semblables et méthode similaire pour mêmes effets.

3- Le néo-nazi, selon les convictions qu’il semble mettre en avant dans son pamphlet de 1500 pages, n’est pas un fondamentaliste musulman, bien au contraire, ce qui confirme l’idée (ridicule) selon laquelle c’est du côté des islamistes, et uniquement de leur côté, que se situerait une hypothétique menace terroriste. Le terrorisme islamiste existe, c’est un fait. Mais Breivik rappelle au monde dans son crime haineux que personne n’a le monopole du radicalisme.

4- Breivik est citoyen norvégien, et a commis un attentat dans son pays (et même dans sa ville). Depuis quelques décennies, et de manière plus nette encore depuis le début du millénaire, le terrorisme s’est globalisé, et est devenu transnational. Contrôler les flux d’armes illicites et de personnes est pour cette raison utile, mais cela ne réduit pas le risque à zéro. Comme Timothy McVeigh à Oklahoma City, Breivik n’a pas passé de frontière pour commettre son crime. Cela ne fait que confirmer l’idée selon laquelle le risque terroriste ne doit en aucun cas être systématiquement associé à une menace extérieure, et qu’il est au contraire d’autant plus dangereux dès lors qu’il est domestique. Un enseignement que les démocraties n’assimileront jamais assez, et qu’il faut répéter en toutes circonstances.

5- Le caractère imprévisible de l’attaque est particulièrement important ici, comme il le fut dans la plupart des attentats commis au cours des dernières années. En choisissant le moment propice, Breivik a été en mesure d’approcher ses cibles, ce qui n’aurait peut-être pas été possible à l’occasion d’une date anniversaire et objet de renforcement des moyens de police.

6- Breivik révèle également l’un des principaux objectifs des terroristes, quelles que soient leurs convictions : déstabiliser les autorités. Il s’agit en cela d’un acte de radicalisme politique, comparable à ce que démontrent les attentats kamikazes au Pakistan, ou dans d’autres pays confrontés à ce phénomène. Cela prouve également qu’il s’agit d’une voie pouvant être de plus en plus suivie par des activistes, une véritable démonstration de faiblesse, mais avec les résultats catastrophiques qu’on connaît.

7- La réponse des Norvégiens à l’attaque la plus meurtrière dans ce petit pays très calme depuis la Seconde Guerre mondiale est un exemple de retenue, et une véritable leçon pour le reste du monde. Une foule de plus de 100 000 personnes, véritable record pour un pays de moins de 5 millions d’habitants, s’est rassemblée quelques jours après le drame pour rendre hommage aux victimes, dénoncer le radicalisme et prôner la démocratie. Le Premier ministre travailliste, Jens Stoltenberg, s’est adressé à ses compatriotes en précisant que « en étant présents ici, vous dites tous un grand oui à la démocratie », et préférant une rhétorique axée sur la tolérance et l’unité que la vengeance et la réponse. En clair, exactement l’inverse de ce que les autorités américaines ont fait consécutivement aux attentats du 11 septembre 2001. De fait, et en dépit de la tentation de la vengeance, la démocratie est la seule réponse efficace face aux radicalismes de Breivik, Ben Laden, et tous les autres terroristes.

8- L’un des gros problèmes soulevés par le cas Breivik concerne cependant son jugement. La Norvège est une démocratie modèle, et il aura donc droit à un procès équitable. Même si l’issue ne fait aucun doute (une peine maximale de 21 ans de prison, pouvant être prolongée en raison des risques de récidive, pour le moins avérés), un tel procès lui offrira l’occasion de répandre son discours haineux, au risque de donner des idées à d’autres radicaux prêts à passer à l’action. Il s’agit d’un problème qui fut évoqué à de multiples reprises dans le cas d’Oussama Ben Laden, si le fondateur d’Al-Qaida avait été arrêté et jugé. En médiatisant un procès comme celui de Breivik, on prend le risque de le médiatiser lui-même, et de mettre à sa disposition une tribune pour développer ses thèses extrémistes. Mais c’est là sans doute le prix de la démocratie, et il vaut mieux cela que des réponses précipitées, mal appropriées, et aux conséquences néfastes.

La plupart de ces points sont repris dans mon prochain ouvrage, qui paraîtra fin août aux éditions François Bourin, L’après Ben Laden. L’ennemi sans visage. Si le nom de Breivik n’y est évidemment pas mentionné, les risques liés à l’évolution du terrorisme sont identifiés.

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

The opinions expressed in this blog are personal and do not necessarily reflect the views of Global Brief or the Glendon School of Public and International Affairs.

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1 Comment

  1. Ian July 29, 2011

    En ce qui concerne ce post, il est intéressant en ce qu’il aborde les perspectives d’évolutions du terrorisme et laisse à réfléchir sur les moyens de réponses adaptés d’un régime démocratique face à cette menace.

    Sinon, et sans aucun rapport, j’aimerais savoir quels seraient les ouvrages vous conseilleriez (entre 5 et 10) à un étudiant d’un IEP en troisième année, souhaitant se spécialiser dans les relations internationales?

    Merci.

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