Une révolution du jasmin en Chine ?
Depuis les évènements de la place Tian Anmen au printemps 1989 et la violente répression qui s’ensuivit, la Chine a connu de multiples manifestations, révoltes et rassemblements populaires. Mais ils ont généralement en commun des appels à une plus grande égalité sociale, la lutte contre la corruption, ou sont tout simplement consécutifs à une injustice ou à une situation d’indigence (dans les campagnes notamment) devenue invivable. En bref, les Chinois se révoltent le plus souvent pour défendre leur quotidien, ou pour réclamer une meilleure répartition des richesses. D’autres mouvements, notamment ceux du Xinjiang en 2008, sont directement liés à la politique des minorités de Pékin et à la discrimination qui en découle. Dans ce paysage, on note l’absence de revendications démocratiques, le slogan invoqué sur la place Tian Anmen en 1989. Les dissidents agissent dans l’ombre, produisant des documents comme la Charte 08, rendue célèbre par un de ses auteurs, Liu Xiaobo, et continuent de demander une démocratisation progressive du régime. Mais les mouvements populaires sont plus rares, et même quasi inexistants, au point qu’on pourrait presque se demander si les jeunes chinois sont, comme leurs ainés de 1989, vraiment intéressés par la démocratie.
Les évènements qui se multiplient depuis quelques jours, avec des manifestations dans pas moins de treize grandes villes (dont Pékin et Shanghai), sonnent comme une réponse à de telles interrogations. Un appel lancé à une « révolution de jasmin » sur le site www.boxun.com (en langue chinoise, mais basé aux Etats-Unis, ce site a d’ailleurs été l’objet de multiples attaques le weekend dernier) serait à l’origine du mouvement, directement influencé par les évènements qui agitent le monde arabe depuis maintenant plusieurs semaines, et que les autorités chinoises tentent de censurer afin d’éviter un effet de contagion. Les manifestants, assez jeunes pour leur grande majorité et qui utilisent à l’instar des manifestants dans le monde arabe les outils de communication modernes, réclament un assouplissement du régime, forçant le président chinois Hu Jintao à demander des mesures de police, afin d’éviter « de briser l’harmonie de la société ». Mais les forces de police ne peuvent se permettre des écarts. Les dirigeants chinois savent qu’un nouveau Tian Anmen aurait des effets très néfastes sur l’image de la Chine à l’extérieur, que Pékin s’efforce justement de soigner au mieux. Le gouvernement se montre ferme, mais ne peut aller jusqu’aux extrémités choisies en 1989, au risque de voir le mouvement prendre de plus en plus d’ampleur.
Il est évidemment difficile de savoir si les revendications de cette « révolution de jasmin » se limiteront à quelques mouvements de foule où se prolongeront dans le temps, mais elles indiquent clairement que les jeunes chinois restent très fortement concernés par les questions de démocratisation, et sont prêts à le faire savoir. En d’autres termes, ceux qui croyaient de manière presque désespérée que la possibilité d’un changement profond en Chine était devenue impossible pourraient retrouver un espoir. Le mouvement est encore limité dans son ampleur et les forces de police quadrillent les points stratégiques d’une vingtaine d’agglomérations majeures, mais de l’attitude des autorités pourrait dépendre en grande partie sa faculté à s’étendre.
Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.
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