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Retour de Géorgie

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Retour de Géorgie

Deux ans après la guerre d’août 2008, que devient la Géorgie ? A bien des égards celle-ci apparaît sur le fil du rasoir.

Située sur le flanc sud du Caucase, la Géorgie a une superficie officielle de 70 000 kilomètres carrés*, soit deux fois plus que la Belgique… mais 244 fois moins que la Russie. Une Russie qui occupe, en outre, depuis août 2008 deux régions qui font partie des frontières de la Géorgie au regard du droit international: l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Moscou ne respecte pas tous ses engagements auprès de l’Union européenne et dispose de forces et de moyens sur ces deux territoires qui représentent 20% de la superficie de la Géorgie. Pis, Moscou a reconnu l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Et le Kremlin fait la sourde oreille aux tentatives de Tbilissi de renouer le dialogue.

Dans ce contexte stratégique difficile, quels sont les faiblesses et les atouts de la Géorgie ?

Faiblesses

On ne s’attardera pas sur la disproportion des forces militaires avec la Russie, la démonstration en a été faite en 2008. Au nombre des faiblesses de la Géorgie, il faut mentionner la rareté de ses ressources naturelles et la pauvreté relative d’une économie où l’agriculture joue encore un rôle significatif. La population du pays reste peu nombreuse: 4,6 millions d’habitants, soit presque… 31 fois moins que la Russie. Autrement dit, la taille du marché géorgien n’est pas à même de pousser les partenaires occidentaux à une prise de risque majeure. Si l’accroissement naturel géorgien avoisine actuellement 0,3% par an, l’accroissement migratoire est négatif: – 2 pour mille par an. Plusieurs explications à cette émigration significative, en voici deux:

. le Produit national brut par habitant en parité de pouvoir d’achat est de 4 850 dollars américains (2008); soit 7 fois moins qu’au Canada ou en France et 3,2 fois moins qu’en Russie;

. en novembre 2010, le chômage avoisine en Géorgie 20% de la population active, soit le niveau du pays de l’Union européenne le plus touché (Espagne) mais le double de celui de la France. Il est vrai que la Russie a décrété un embargo sur certains produits géorgiens, notamment son eau minérale et ses vins.

Atouts

Au nombre des atouts de Tbilissi, il importe de mentionner une nouvelle classe dirigeante,  jeune et formée à l’américaine, très motivée. Si la Géorgie compte peu de ressources naturelles – sauf  l’eau qu’elle utilise pour produire de l’hydroélectricité –  la géographie en fait un corridor énergétique entre les hydrocarbures situés à l’est (Azerbaïdjan, Asie centrale) et les marchés de l’ouest (Turquie, Balkans occidentaux, Union européenne). Reste que l’Union européenne semble bien en peine de sortir des limbes le gazoduc Nabucco évoqué depuis une demi-douzaine d’années pour acheminer un jour – qui sait ? – ces hydrocarbures, voire ceux de l’Iran. En attendant, la Géorgie dépend surtout de la bonne volonté des investisseurs étrangers, d’où qu’ils viennent.

Autre atout: une volonté farouche des autorités de s’attaquer à la corruption, faiblesse endémique de la région. Rappelons qu’en 2010 l’Indice de perception de la corruption en Russie se situe à 2,1 sur 10, soit au 154e rang mondial. Ce qui place la Russie au même niveau que le Congo… En Géorgie, des mesures vigoureuses ont été prises, comme le licenciement des policiers les plus corrompus et la formation de jeunes remplaçants mieux payés donc supposés moins sensibles aux billets glissés pour les amadouer. Les experts européens qui travaillent en Géorgie reconnaissent volontiers que les efforts sont significatifs. Résultat: l’Indice de perception de la corruption 2010 de Tranparency international situe la Géorgie à 3,8 sur 10, soit au 68e rang mondial. Ce qui place, certes, la Géorgie en dessous de la moyenne mondiale (5 sur 10) mais dans une situation un peu moins médiocre que ces pays déjà membres de l’Union européenne: la Roumanie (3,7), la Bulgarie (3,6) et la Grèce (3,5). Il faudra attendre une décennie pour juger des progrès comportementaux consolidés en la matière.

Calculs

En attendant, faute de pouvoir obtenir de l’OTAN davantage qu’une promesse d’adhésion (Sommet de Bucarest, 2008), les dirigeants actuels de la Géorgie entendent tisser des liens avec l’Union européenne. Certains rêvent même d’une adhésion, mais pour l’heure le propos vise un accord d’association (ASA). L’équipe au pouvoir, convaincue des vertus du libéralisme économique, entend négocier sa conception du droit du travail. Que la population géorgienne imagine l’Union européenne comme une opportunité ne fait aucun doute mais combien ont une vision précise de ce que cela impliquerait ? Toutes les parties ont à réfléchir à la balance coûts / avantages.

Avec d’un côté une Russie capable – de facto – de bloquer son processus de rapprochement avec l’OTAN, disposant aisément en Ossétie du Sud de troupes à moins d’une heure et demi de la capitale géorgienne, et de l’autre côté une Union européenne “fatiguée” par ses récents élargissements et à la croissance économique atone, la Géorgie joue une partie très difficile, sur le fil du rasoir.

* Source des chiffres: La géographie mondiale des populations, “Population et Avenir”, n°700, décembre 2010, pp. 19-23.

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’Ecole des affaires publiques et internationales de Glendon.

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