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Les ruines, enjeu géopolitique

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Les ruines, enjeu géopolitique

Voici un livre novateur signé de Jean-Pierre Payot, La guerre des ruines. Archéologie et géopolitique, publié à Paris par les éditions Choiseul. Passionné d’archéologie, l’auteur est aussi professeur agrégé d’histoire et de géographie. Il a su découvrir un nouveau territoire pour l’analyse géopolitique: les ruines.

Sa démonstration s’appuie sur une solide culture. Il démontre avec de nombreux exemples que depuis le dernier roi de l’Empire néobabylonien, Nabonide, nombreux ont été les souverains à utiliser des vestiges à des fins politiques. Lieux de mémoire, construction d’une identité, effacement d’autrui, falsification… les ressources géopolitiques des ruines sont multiples. L’auteur sait rendre le propos vivant, grâce à une écriture très maîtrisée.

L’instrumentalisation de l’archéologie à des fins géopolitiques

L’auteur a ainsi confié lors d’un entretien : “Mille exemples peuvent venir étayer la thèse de l’instrumentalisation de l’archéologie à des fins géopolitiques.  A l’origine, une entité de nature politique, religieuse ou culturelle s’oppose à une autre à propos de tout ou portion d’un territoire. Dans chacun des cas l’archéologie fait irruption à un moment du conflit qui met aux prises les deux parties. Quelle que soit le contexte, l’archéologie est systématiquement appelée à fonder une sorte de « droit historique ». La convocation de la science archéologique ou des vestiges issus des fouilles, dans le cadre d’une sorte de « tribunal géopolitique », permet aux uns et aux autres de se fournir en arguments historiques –donc « dignes de foi »- pour légitimer telle ou telle revendication sur un territoire. Dans de tels cas de figure, l’archéologie est instrumentalisée pour attester d’une priorité, d’une prééminence et au total d’un droit sur le territoire fondé sur un pseudo-ancrage dans le temps. Ce droit peut d’ailleurs avoir un contenu politique, mais aussi culturel et religieux. Nombre d’artefacts, nombre de monuments archéologiques revêtent en effet une dimension religieuse. Souvent d’ailleurs cette dimension renvoie à des religions encore « vivantes » de nos jours. La tentation est grande alors pour ceux qui se réclament de ces religions de faire valoir les objets archéologiques comme preuve indiscutable d’un droit à dominer sans partage le territoire.”

L’archéologie du divin

Au nombre des parties qui sont à lire sans tarder, on notera Le rapt colonial et ses suites (p. 50), La Chine et l’Occident (p. 66) et L’archéologie du divin (p. 91). Ce chapitre aborde la question de l’archéologie biblique et ses enjeux géopolitiques. Ou comment certains israéliens utilisent l’archéologie pour prouver l’antériorité de la présence juive en Palestine. Ici encore, la question de l’antériorité dissimule la question du contrôle du territoire et de la légitimité de le dominer. Et de mettre en perspective la question des fouilles archéologiques entreprises en 2007 au pied de la mosquée Al-Aqsa par des équipes israéliennes.

En posant la multiplicité des manipulations archéologiques à des fins géopolitiques, Jean-Pierre Payot fait oeuvre utile parce qu’il donne à la fois profondeur et clarté au sujet. Tous ceux qui sont confrontés à cette problématique régulièrement sous les feux de l’actualité trouveront ici des éléments solides pour appuyer leur réflexion. Le débat public en sera éclairé.

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’Ecole des affaires publiques et internationales de Glendon.

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1 Comment

  1. Barthélémy Courmont October 18, 2010

    Merci pour cette belle présentation qui donne vraiment envie de lire ce livre.

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