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Le gouffre

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Le gouffre

Je suis politologue pour une raison très simple, j’aime la discussion, le débat, l’échange d’idées. ‘Obstines, bottines, t’auras pas tes lacets’, c’est une phrase qui a marqué mon enfance! J’ai un ami qui m’a envoyé ce lien, http://fora.tv/2010/07/28/Niall_Ferguson_Empires_on_the_Edge_of_Chaos#fullprogram, c’est une présentation de l’historien, de l’intellectuel public, Niall Ferguson. L’objectif est clairement de provoquer. N’empêche, il y a, ici, de quoi se mettre sous la dent.

La thèse de Ferguson est simple: l’Histoire n’est pas cyclique, elle est arythmique. Les empires ne connaissent pas un déclin, ils s’effondrent du jour au lendemain. L’Histoire est stable, tout un coup les circonstances s’accélèrent rapidement et il y a un renversement de situation dramatique. Pourquoi les empires s’effondrent-ils? La réponse de Fersuson, parce qu’ils n’ont tout simplement plus d’argent. Résultat, dans le contexte présent, les USA sont au bord du gouffre. La situation financière du gouvernement américain est tellement précaire qu’en moins d’un changement drastique d’orientation, l’empire en est à sa fin. Si vous acceptez les prémisses, la conclusion s’impose.

Mes commentaires ne s’appliquent qu’au discours, et non pas au parcours de Ferguson. Cette présentation est apocalyptique, c’est voulu. Ferguson émet de grandes hypothèses sur l’Histoire de l’humanité. Le gouvernement américain doit s’auto-réformer, couper, couper, couper, sans cela c’est fini, la Chine prendra le relais. Préparez-vous c’est la fin du monde anglo-saxon tel que nous l’avons connu depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale. Ce discours, bien entendu, c’est de la politique enrobée dans une ‘pseudo’ thèse scientifique.

Ce que Ferguson oublie, selon moi, c’est la petite histoire, celle des gens et de leurs quotidiens. Ferguson s’en prend à Paul Krugman, gagnant du prix Nobel en économie et que l’on peut lire dans le NY Times. Krugman depuis longtemps affirme que le gouvernement américain doit en faire plus pour stimuler l’économie. Les déficits, c’est important, c’est encore plus important pour Krugman de remettre les Américains au travail. Pour Ferguson, il est clair que dépenser plus, c’est littéralement se lancer dans le vide.

Nous avons appris cette semaine que la récession aux USA a duré près de 18 mois. La relance est lente, même si les choses vont de nouveau bien sur les marchés financiers. Le taux de chômage aux États-Unis est de 9.6%. Durant cette crise, ce sont des millions d’Américains qui ont perdu leurs boulots, leurs maisons, la vie qu’ils s’étaient bâtis. Ferguson pourrait toujours répondre, je suppose, que la situation sera bien pire dans le chaos qui suivra l’effondrement de l’empire. Sa thèse est hypothétique, le parcours difficile des gens, lui, est bien réel. J’aime les grandes affirmations comme bien d’autres, sauf que derrière, il y a la vie, la vraie, de millions de personnes.

Je ne suis pas convaincu que le gouvernement américain doit de nouveau dépenser de l’argent pour stimuler l’économie. Les gouvernements peuvent influer sur l’économie, mais ce n’est jamais aussi rapide ou efficace qu’on le pense. Je comprends aussi que lorsque la dette et le déficit sont trop élevés, c’est la capacité d’intervention future qui est remise en question. Je ne connais pas le bon équilibre. Je ne crois pas que ce soit le temps de présenter de nouveaux gros programmes dispendieux. Je suis tout aussi convaincu, toutefois, que de couper drastiquement n’est pas plus la bonne solution, que c’est infligé plus de souffrance que nécessaire.

Il est facile de dire que les dirigeants ont des choix difficiles à faire, la gauche et la droite l’affirment. Pour ma part, je pense surtout que nous en sommes à l’ère du pragmatisme. Il est temps d’abandonner les idéologies contraignantes (je sais, je sais, il n’y a rien de nouveau dans une telle affirmation) et d’agir avec prudence et respect des gens.

Bonne écoute et bonne réflexion!

Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

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