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Un petit peu moins secret

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Un petit peu moins secret

J’ai lu avec grand intérêt la série du Washington Post, Top Secret America. Je persiste à penser que les révélations sont choquantes. Je n’en reviens pas que les média canadiens n’ont pas couvert cette histoire avec plus d’aplomb. Qu’est-ce qui est le plus important pour l’avenir de la planète, pour le Canada, les milliards dépensés de façon plus ou moins raisonnable dans le monde du renseignement aux USA, ou la libération de Conrad Black? Les média canadiens ont fait leur choix. Ils ont torts. Ils devraient plutôt se mettre au boulot et découvrir ce qui se passe ici, au Nord de la frontière.

Ce que le Post affirme, en gros, c’est que la communauté du renseignement aux États-Unis est trop grosse, et qu’elle grossira encore. Le Post soulève d’importantes questions d’efficience et d’efficacité. Dans ce type de situation, le gros problème n’est pas le dédoublement, c’est plutôt que de sérieux enjeux tombent entre les mailles du filet, sans que personne ne s’en aperçoive, sans que personne n’agisse, sans que personne n’en prenne la responsabilité. Le système coûte de plus en plus cher, sans qu’il soit possible d’exercer un vrai contrôle sur les coûts. Le système est extrêmement dispendieux, mais les Américains, et par conséquent l’Occident, ne sont pas plus en sécurité. En fait, suite à la lecture de la série, il est possible de se poser la question contraire, l’énorme appareil met-il en péril notre sécurité?

L’administration Obama ne doit absolument pas rejeter les conclusions du Post du revers de la main. Ce n’est pas ici vraiment une question de politique. Les Républicains sont bien mal placés pour critiquer puisqu’ils ont fortement contribués au gonflement du système. L’administration Obama doit offrir une réponse crédible parce que ce qui est en cause est trop important. Les reportages soulèvent de vraies questions de sécurité domestique, de politique étrangère, d’administration et de politique publique, de gestion. Il y a aussi, évidemment, des considérations économiques importantes. Nous ne parlons plus du complexe militaro-industrielle. L’expression ne fait pas justice à ce qui s’est développé au cours des dix dernières années. Nous parlons, en fait, de quelque chose d’encore plus gros, d’encore plus secret, d’encore plus difficile à cerner.

Le ballonnement des services de renseignements est le résultat des événements du 11 septembre 2001, des guerres en Afghanistan et en Iraq. C’est le fruit de la Guerre au terrorisme. L’utilité du renseignement n’est pas remise en question. C’est la façon de faire qui est problématique. Les agences de renseignements avaient été fortement blâmées suite aux attaques de septembre 2001. Surtout, les agences existantes ne collaboraient pas entre elles; elles ne partageaient pas l’information. Il était nécessaire de rationaliser le système, de le rendre plus imputable et plus efficace, tout le monde était d’accord. Sauf que, c’est exactement l’inverse qui s’est passé. Le système est devenu plus gros, plus cher, plus difficile à gérer, et il est loin d’être certain qu’il soit plus efficace. Les dirigeants des organisations de renseignements, sous le couvert du politique, ont agi avec hâte, à une époque mouvementée. Au lieu de s’aider pour atteindre des objectifs communs, ils ont poursuivi la compétition, tentant de sauver leur organisation, leur budget, leur boulot. Le monde du renseignement, c’est le monde des suspicions. Alors, comment se faire confiance, même lorsqu’on a le même but, le même patron (le gouvernement et le peuple américain), et les mêmes problèmes? C’est le cauchemar de la bureaucratie qui s’auto-justifie, hors-contrôle.

Après tout, je ne devrais peut-être pas m’en surprendre. Je suis expert en administration et politique publique. Je connais les théories concernant les dysfonctionnements organisationnels. J’ai enseigné à quelques occasions des cours touchant au terrorisme. Je connais, donc, aussi la paranoïa qui s’est emparée de l’administration Bush dans le contexte de la Guerre au terrorisme. Nous savons depuis longtemps que les Américains dépensent des sommes ridicules pour se défendre. Pourtant…

L’ampleur du problème reste très troublante. Pire, il n’y a pas de solutions faciles, ou précises, pour faire face à la situation. Il se doit d’y avoir des changements, mais par où commencer, et comment? Vraiment, le défi pour trouver des solutions est tout aussi imposant que le problème tel qu’il se pose en ce moment.

Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

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