Une bulle spéculative chinoise ?
Un article de Bill Powell publié dans le numéro du 5 avril de Time, intitulé « Ghost City », s’attarde sur le cas de la ville de Kangbashi, en Mongolie intérieure. Construite en l’espace de cinq ans, cette ville devait accueillir pas moins d’un million d’habitants. Problème, elle reste désespérément vide, et si certaines constructions, terminées, attendent d’hypothétiques habitants, de multiples immeubles sont restés à l’état de chantier, offrant effectivement à cette ville sans âme (c’est le cas de le dire) aux avenues gigantesques l’allure d’une ville fantôme.
L’auteur profite de ce reportage illustré de photos éloquentes pour s’interroger sur les risques d’une bulle spéculative dans l’immobilier en Chine. Ce pays a en effet connu a cours des dernières années, en marge de sa croissance vertigineuse, une véritable frénésie de la construction immobilière, et il suffit de se rendre plusieurs fois dans des villes chinoises pour constater à quelle vitesse les paysages urbains changent. Ces constructions massives sont justifiées par l’exode rural que connaît ce pays, et le phénomène d’attraction des grandes agglomérations. Mais si certaines villes sont effectivement saturées, d’autres ont anticipé l’arrivée de nouveaux habitants avec des résultats parfois mitigés, dont Kangbashi est l’exemple le plus fort, mais pas totalement isolé. Résultat, on trouve effectivement en Chine de nombreuses constructions vides, ce qui ne peut qu’alimenter les interrogations sur les risques d’une bulle spéculative pouvant à tout moment éclater. Cette question est de plus en plus souvent évoquée.
D’autant que les conséquences de l’éclatement d’une telle bulle seraient globales. La crise économique internationale a en partie trouvé ses sources dans la spéculation immobilière aux Etats-Unis, et on se souvient du cas du Japon qui, au début des années 1990, a été durement frappé par l’éclatement de sa bulle spéculative. Powell note ainsi que si la Chine connaissait pareil sort, le monde entier serait très sévèrement touché, faisant référence aux effets d’une crise économique qui ne semblait au départ toucher que les ménages surendettés aux Etats-Unis, et qui se propagea à grande vitesse.
Les craintes sont légitimes, et l’exemple de Kangbashi a effectivement de quoi faire frémir. Mais il convient malgré tout de rester prudent. D’une part, si la construction immobilière s’est développée à un rythme parfois exagéré en Chine, la croissance du PIB est très nettement supérieure à celle des pays industrialisés, et du Japon au début des années 1990. Tant que cette croissance restera à un niveau aussi fort (et la crise économique a confirmé qu’elle pouvait résister à un contexte international défavorable), les risques de crise provoquée par la bulle spéculative semble relativement faibles. Par ailleurs, et o oublie souvent de le rappeler, le taux d’épargne en Chine est très nettement supérieur à celui des pays industrialisés, puisqu’il s’élève à plus de 50% des revenus. A titre de comparaison, il dépasse très rarement les 5% dans un pays comme les Etats-Unis. En d’autres termes, les risques de faillite des ménages chinois sont moins élevés. Enfin, dernier point, s’il existe effectivement beaucoup d’endroits comme Kangbashi, il est important de noter que ces constructions excessives alimentent la croissance chinoise plus qu’elles ne l’affectent, en mobilisant une forte main d’œuvre et développant une politique des grands travaux qui, dans des provinces pauvres et reculées comme la Mongolie intérieure, stimulent l’économie locale. On ne peut ainsi comparer le dynamisme de villes côtières comme Shanghai ou Xiamen avec la Chine de l’intérieur, mais il serait en revanche plus intéressant de s’interroger sur les politiques de développement de cette Chine de l’intérieur, et de voir quels sont les objectifs à horizon de quinze ou vingt ans. Car entre temps, les risques d’une bulle spéculative chinoise de grande ampleur sont, qu’on le veuille ou non, assez limités, et le FMI a d’ailleurs fait la même estimation en janvier dernier.
Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.
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