Nucléaire US: tout changer pour que rien ne change
Réduction spectaculaire des stocks nucléaires : tels sont les mots choisis par la Maison-Blanche pour annoncer la nouvelle politique nucléaire des Etats-Unis, qui fait directement écho aux souhaits de Barak Obama d’œuvrer à la dénucléarisation de la planète, notamment lors de son passage à Prague en avril 2009. On parle de plusieurs milliers d’ogives nucléaires qui pourraient être démantelées unilatéralement dans les prochaines années, sous réserve d’approbation au Congrès.
Cette annonce spectaculaire masque cependant la réalité, à savoir peu de changement de fond dans la politique nucléaire des Etats-Unis. Les décisions prises en 2002 allaient déjà dans le sens d’une réduction importante des stocks, l’administration Bush proposant des chiffres à l’époque bien en-deçà de l’arsenal des Etats-Unis. Mais cette annonce, faite sans aucune concertation avec la Russie, autre pays directement concerné par le désarmement nucléaire, avait été ironiquement mal perçue à l’extérieur, d’aucuns y voyant une volonté de ne pas se plier aux accords bilatéraux en matière de contrôle des armements et de désarmement ayant regroupé les deux pays depuis 1972, les accords SALT et START.
Rien de bien différent donc, et au contraire la continuité qui semble être choisie comme option. La proposition de Barack Obama propose en effet de conserver une force de dissuasion « solide et fiable », ce qui exclue on ne peut plus clairement la possibilité de l’élimination à court ou moyen terme. De même, et s’il convient de louer par ailleurs les efforts américains en faveur de désarmement nucléaire, les Etats-Unis restent, avec la Russie, la principale puissance nucléaire en stocks, très loin devant des pays comme la France, la Chine ou le Royaume-Uni (et sans tenir compte des puissances nucléaires non reconnues par le Traité de non prolifération). Il serait donc assez logique que les premiers gestes en matière de désarmement viennent de ces deux pays, et non de ceux dont les stocks sont nettement plus modestes.
En d’autres termes, rien de véritablement nouveau dans cette politique américaine du nucléaire, sinon la volonté de poursuivre dans la même direction, mais sans fixer le moindre objectif concret en matière d’élimination (qui devra de toute façon passer par l’approbation de tous). L’effet d’annonce du discours de Prague reste donc pour l’heure sans véritable conséquence, et si les Etats-Unis se positionnent comme un « bon élève » à quelques semaines de la conférence d’examen du Traité de non prolifération, ce qui permettra à Washington de chercher à se mettre en position de force, il n’y a pas de réel changement sur le fond, la politique nucléaire américaine se proposant simplement d’aller « plus loin que les précédentes », pour reprendre les termes de la Maison-Blanche.
Un point positif toutefois, et hautement prévisible d’ailleurs : l’abandon des projets d’armes anti-bunkers, qui figuraient dans la politique nucléaire des Etats-Unis en 2002. Ces armes posaient un problème considérable, en ce qu’elles ouvraient potentiellement la porte à l’utilisation d’armes nucléaires tactique afin de détruire des cibles ennemies inatteignables par des armes conventionnelles. En renonçant de manière ferme à de telles options, Washington fait preuve de bon sens et d’engagement dans la lutte contre la prolifération, n’envoyant pas de mauvais message à ceux qui seraient tentés par l’aventure nucléaire.
Une autre note positive enfin, la décision de tourner définitivement la page du stationnement des armes nucléaires en Europe, envoyant ainsi un message amical à Moscou (qui ne demandait d’ailleurs sans doute pas tant).
Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.
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