Les régionales
La victoire de la gauche aux régionales de dimanche en France doit être comprise pour ce qu’elle est, une belle victoire sans plus. Depuis dimanche soir, la gauche se pavoise fière de ses succès. Elle met le Président Sarkozy an garde, affirmant son retour. Si j’étais un leader de la gauche, moi, je serais prudent. Surtout que la prochaine présidentielle en France est encore bien loin, en 2012, et que quelques semaines, quelques mois, quelques années, c’est une éternité en politique. Gagner les régionales et espérer la présidence, c’est deux choses bien différentes.
Voici cinq mises en garde pour la gauche.
1) Le Président Sarkozy, l’UMP et la droite sont toujours au pouvoir. Avec les leviers du pouvoir, tout est possible. D’ici 2012, l’économie risque d’aller mieux, le Président de la République en prendra certainement le crédit.
2) Nicolas Sarkozy est un formidable politicien et un très bon candidat. Il est bon orateur. Il est un démag… euh… pédagogue hors-pair. La gauche devra se choisir un chef. Elle n’a pour l’instant personne de très charismatique en vue. Depuis les régionales, la France parle du retour en force de Ségolène Royal. Je l’ai déjà vu ce film-là et la fin n’est pas belle pour les socialistes.
3) La gauche a fait campagne dans les régionales contre les réformes. Ça passe pour le mi-mandat, ça ne passera pas pour une présidentielle. Elle se devra d’ici 2012 d’établir un vrai programme, crédible. Le candidat de gauche à la présidentielle ne pourra pas simplement promettre d’annuler les réformes, il (elle) devra tracer un chemin à partir de ces réformes.
4) Le taux d’abstention aux régionales était exceptionnellement haut, plus de 48% au second tour. Presqu’un français sur deux n’est pas allé voter. Pourquoi sont-ils restés chez eux? Déçu des options, désabusé de la politique en général, des campagnes qui ne traitaient pas des grands sujets d’actualité… Ils ne sont pas sortis pour la droite, mais ils n’ont pas plus votés à gauche. Plusieurs de ces français iront voter à la présidentielle et il n’est pas clair pour qui ils voteront.
5) Le Front national a bien scoré dans les régionales. Sauf qu’au présidentielle, au deuxième tour surtout, ces gens pourraient très bien voter pour le Président sortant, surtout que l’UMP n’hésite pas à jouer la carte de l’identité nationale.
La gauche a gagné, c’est vrai. Mais elle ne doit pas ambitionnée. Le Président Sarkozy a dit que les réformes se poursuivraient et que les français en sentiraient bientôt les bienfaits. Nous verrons bien. Plusieurs français en ont quand même assez de l’instabilité créée par les réformes. L’équipe Sarkozy doit se reconnecter avec les citoyens. Il y a tout de même eu un vote sanction. Ceci étant dit, la droite a le temps de se replacer. La gauche de son côté a besoin de leadership, d’unité et d’un message cohérent. Il y a du travail à faire au cours des deux prochaines années!
Ps. Il y a quelques mois à peine Gordon Brown en Angleterre était tenu pour mort. Il est presque revenu à égalité dans les sondages avec le conservateur David Cameron. Pour les travaillistes, rien n’est perdu pour l’élection de ce printemps. Comme quoi les retours en politique ne sont jamais aussi improbables qu’on ne le pense. Sarko en a certainement pris note!
Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.
Bien vu, il semble que la droite française opère en ce moment un retour aux “bons vieux fondamentaux” : on se calme sur la taxe carbone, on ne lâche pas le bouclier fiscal, on relance la sécurité et l’immigration. La question d’éventuels candidats alternatifs à droite en 2012 est une belle diversion : il détourne le débat du fond pour mieux entraîner la gauche sur le délicat terrain des personnalités.
La place de la gauche est donc une équation à trois inconnues : va-t-elle suffisamment tempérer ses critiques sociales pour s’avancer sur le centre ? L’écologie politique va-t-elle être totalement aspirée par le PS et l’UMP et ne pas peser électoralement ? L’UMP va-t-elle durcir son aile droite pour capter les voix du Front national qui rebondit, et donc s’aliéner les modérés du centre qui préfèreront les socialistes?
Malheureusement, la lancinante question des personnes et des stratégies ne sert pas le débat de fond sur les réformes à adopter. Cet appauvrissement du dialogue politique profite surtout à… l’abstention !