Dans un récent article sur le site Rue89, Pierre Haski revient sur le discours de Nicolas Sarkozy devant des représentants de la communauté asiatique de France le 16 février, à l’occasion des célébrations du Nouvel an chinois et de la fête vietnamienne du Têt. Il s’interroge dans ce texte sur l’opportunisme du président français à cette occasion, qui a flatté à la fois l’intégration réussie des asiatiques de France, et le relais qu’ils offrent dans la relation avec Pékin. Deux visions qui semblent contradictoires, mais qui attirent l’attention sur « l’utilisation » qui est faite ici de cette communauté, tant à des fins de politique intérieure qu’étrangère.

En politique intérieure, et dans un contexte marqué par le débat sur l’identité nationale et ses débordements multiples, le président français profite de ses flatteries à l’égard de la communauté asiatique pour reprocher de manière à peine voilée dans le même temps à d’autres communautés de ne pas s’intégrer aussi facilement. Sa fausse confession est à cet égard éloquente : « je dois confesser mon admiration pour la capacité dont vous faites preuve, chaque jour, à vous intégrer, à être aimés et appréciés de la communauté nationale que vous rejoignez ». Comme pour dire que d’autres devraient suivre le même exemple… Le mythe de l’intégration réussie des communautés asiatiques est ici porté à son paroxysme, presque de façon caricaturale, ce qui ne peut que nous interpeller sur le fait que ces propos ne sont pas adressés aux asiatiques de France, mais à la fois aux autres communautés et à ceux qui reprocheraient au gouvernement de chercher à diviser les Français dits de souche de ceux issus de l’immigration. Toujours est-il que le président français semble presque appeler les Chinois de France à la rescousse pour tenter de retrouver un certain crédit après un débat sur l’identité nationale qui lui a porté un préjudice très fort.

Sur le terrain de la politique étrangère enfin, les propos de Nicolas Sarkozy sont à mettre en relation directe avec la difficile relation Paris-Pékin au cours des deux premières années de son mandat, relation qu’il tente à tout prix de restaurer aujourd’hui. D’ailleurs, le président français n’y est pas allé par quatre chemins, vantant « la force de nos liens avec le peuple chinois », ce qui au passage prête sans doute à confusion dans l’auditoire, qui est félicité pour son intégration, et se faire dire quelques instants plus tard qu’il est le peuple chinois… En effet, s’ils sont si bien intégrés que cela, les Chinois ne peuvent a priori pas servir de relais avec la Chine. Mais bon, on sent derrière ce discours la volonté d’envoyer un message positif à Pékin, en faisant notamment mention de la présence française à l’Exposition universelle de Shanghai. Les hésitations sur le boycottage de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Pékin semble décidément bien loin.

Ce discours soulève en tout cas la question fondamentale des communautés asiatiques, chinoise en particulier, comme relais de la relation avec la Chine. Une question incongrue il y a encore quelques années, quand les diasporas chinoises tournaient le dos à Pékin. Mais avec la montée en puissance de la Chine, les choses ont changé, et les diasporas chinoises sont désormais plus sensibles aux échanges avec Pékin, en particulier dans le domaine commercial. D’où la tentation pour les autorités des différents pays dans lesquels elles sont intégrées de s’en servir pour soigner la relation avec la Chine.

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

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