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Israël-Palestine : aller vite

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Israël-Palestine : aller vite

L’accord israélo-palestinien négocié à Oslo en 1993 a suscité à l’époque de grands espoirs qui ont été ensuite déçus. Une nouvelle tentative de règlement devrait tenir compte des causes de cet échec. Celui-ci a souvent été attribué au fait que l’accord ignorait ou renvoyait à plus tard les questions les plus difficiles : les droits des réfugiés palestiniens, l’avenir de Jérusalem, et celui des implantations de civils israéliens en Cisjordanie. Cette critique est, nous le verrons, partiellement justifiée, mais Oslo avait un autre défaut majeur, qui apparaît rétrospectivement avec évidence et constitue une des principales causes de son échec : la longueur de la période de transition de plus de cinq ans qu’il prévoyait.

Pour régler un conflit politique complexe, la prudence exige souvent de procéder par étapes et d’éviter la précipitation. Mais il y a aussi des cas où la prudence conseille d’aller vite. En effet, il est inévitable que tout projet de règlement, quelles qu’en soient les clauses, fasse des mécontents qui souhaiteront le voir échouer. Dans un conflit interétatique où les gouvernements contrôlent efficacement leur population et leurs forces armées, les opposants à un accord ont peu de moyens pour y faire obstacle. Mais c’est différent dans un conflit non conventionnel auquel participent des groupes armés multiples mal contrôlés par les gouvernements concernés. C’est évidemment le cas du côté palestinien, où les moyens d’action de l’embryon d’État sont faibles ; et il existe un risque très sérieux que le même type de dissidence se développe du côté israélien. La durée d’un processus de règlement augmente les chances des extrémistes de tout bord de se livrer à des provocations pour le faire échouer.

Pour ne pas répéter l’échec d’Oslo, il faudrait donc éviter qu’une négociation s’éternise, et il faudrait surtout que la mise en œuvre d’un accord éventuel soit rapide, quelques mois plutôt que plusieurs années comme dans le cas précédent. Les grandes lignes d’un accord israélo-palestinien ayant quelques chances de réussir sont bien connues, ce sont celles de l’accord de Genève conclu en 2003 par des hommes politiques israéliens et palestiniens : établissement d’un État palestinien vraiment souverain, sans occupation militaire ni présence de civils israéliens sur son territoire, indemnisation des réfugiés de 1948 sans droit de retour, et souveraineté partagée entre les deux États à Jérusalem.

Les auteurs de l’accord de Genève étaient des hommes politiques importants mais sans responsabilité gouvernementale en 2003. Ils se sont préoccupés de la viabilité à long terme de la formule à laquelle ils ont abouti, mais sans doute moins de sa faisabilité dans une véritable négociation. Pour limiter la durée de celle-ci et pouvoir mettre en œuvre rapidement son résultat, il faudrait traiter séparément deux des questions les plus difficiles, celle des réfugiés et celle de Jérusalem.

La question des réfugiés a contribué à l’échec des négociations de l’été 2000. Puisqu’on demandait à Arafat de conclure un accord définitif, il était obligé de soulever cette question pour ne pas être accusé de trahison par beaucoup de Palestiniens. Il faudra donc viser un accord provisoire, qui, même s’il règle presque toutes les autres questions, ne règle pas celle des réfugiés, et ne demande pas aux responsables palestiniens de renoncer à en discuter ultérieurement. Cette question n’a pas de solution applicable dans l’avenir prévisible, il faut donc trouver le moyen d’empêcher qu’elle fasse échouer tout le reste. Cela pourrait être fait en proclamant dans un accord les « droits légitimes » des réfugiés et de leurs descendants, et en déclarant que la mise en œuvre de ces droits sera négociée ultérieurement par les deux États.

Il faudrait probablement traiter le statut de Jérusalem de la même façon. Deux États voisins habitués à cohabiter depuis assez longtemps atteindront peut-être un jour le niveau de confiance et la capacité de coopération qui seront nécessaires pour « partager Jérusalem sans la diviser », selon l’heureuse formule utilisée par Sadate. Mais on en est sans doute très loin. Au début de la cohabitation entre les deux États, la complexité et la fragilité d’un statut de partage de souveraineté à Jérusalem créeraient un grand nombre d’occasions de conflits, et donc de provocations par les extrémistes.

La troisième question difficile, celle des implantations civiles israéliennes en territoire palestinien, ne peut pas être renvoyée à plus tard. On a tenté de le faire dans la négociation de l’été 2000. On a d’abord prévu de modifier la ligne d’armistice d’avant 1967, par un échange de territoires, pour rattacher définitivement à Israël les implantations les plus proches de cette ligne et diminuer ainsi le nombre des civils israéliens établis dans le futur État palestinien. Le principe d’un tel échange, mais non ses modalités précises, a été accepté par toutes les parties. Il est repris dans l’accord de Genève et devra l’être de nouveau dans un futur accord.

Le Premier Ministre Barak a tenté de repousser la difficulté représentée par les implantations situées à l’intérieur du territoire palestinien en proposant que les lieux où elles se trouvent soient placés sous une souveraineté palestinienne symbolique, sans que cette souveraineté s’exerce effectivement : les civils israéliens resteraient en place, avec une protection militaire israélienne et des routes réservées les reliant à Israël. Un tel arrangement a été refusé par les dirigeants palestiniens. Il aurait eu pour conséquence de maintenir en fait une part importante de leur population dans une situation d’occupation militaire avec tous les inconvénients qui en découlent.

On peut concevoir un État palestinien viable sans règler la question des réfugiés, à condition que cette question reste au programme d’une négociation ultérieure. On peut concevoir un État palestinien vraiment souverain qui aurait des frontières définitives avec Israël, sauf dans le secteur de Jérusalem, où la frontière serait provisoire et resterait l’objet d’une négociation ultérieure. Maintenir des implantations civiles israéliennes en territoire palestinien rendrait certain l’échec de l’ensemble du processus. C’était l’autre grande faiblesse de l’accord d’Oslo, son silence complet sur cette question. C’est aussi la principale difficulté politique pour les dirigeants israéliens, et ils ont toujours cherché à renvoyer à plus tard le moment de l’affronter.

Les chances d’un règlement du conflit sont aujourd’hui faibles, à cause des divisions politiques des Palestiniens et à cause de l’influence des extrémistes dans les coalitions gouvernementales israéliennes. Pour faire échouer un processus de paix, il suffira de le faire traîner en longueur en multipliant les exigences préalables et les périodes de transition. Ceux qui souhaitent la réussite du processus et ont les moyens de l’influencer devraient encourager les dirigeants palestiniens à ne pas faire de la question des réfugiés et de celle de Jérusalem des préalables à l’établissement d’un véritable État palestinien. Ils devraient rappeler aux dirigeants israéliens qu’ils ne peuvent pas repousser indéfiniment le moment où ils devront affronter la difficulté du retrait des civils israéliens de Cisjordanie. Et ils devraient répéter sans cesse aux uns et aux autres qu’il est imprudent d’aller lentement.

biolineJean-Pierre Derriennic est Professeur associé au département de science politique de l’Université Laval.

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