Asylum and the Australian Way
Proposition: The ‘Australian approach’ to boat people and asylum is the correct one
Michael Barutciski est directeur des études supérieures à l’École des affaires publiques et internationales de Glendon, ainsi que membre de la rédaction de Global Brief (for): Certains diront que la réponse du gouvernement canadien à l’égard des 492 boat people sri lankais arrivés pas loin de Vancouver au mois d’août dernier a fait l’objet d’une attention médiatique disproportionnée. Bien que le nombre de ces boat people soit petit par rapport aux millions de réfugiés à travers le monde, il représente une situation difficile et distincte de celle des demandeurs d’asile qui débarquent dans nos aéroports ou qui arrivent par voie terrestre. S’il est vrai que tous ces migrants se présentent aux frontières sans avoir été invités, les boat people arrivent en masse dans des conditions visiblement dramatiques qui nécessitent une réponse humanitaire immédiate. Par conséquent, ils représentent symboliquement un défi politique considérable pour une bonne partie de la population qui se pose des questions par rapport à l’intégrité territoriale du pays. Chaque société aura ses propres réponses au dilemme des boat people et il faut éviter les opinions ou critiques prématurées. D’ailleurs, les Canadiens ne sont pas les seuls qui changent leur discours humanitaire dès que le problème se présente à leurs portes.
En ce sens, on pourrait dire que l’Australie fait face sur une base quotidienne au problème potentiel évoqué par certains pessimistes canadiens: l’arrivée régulière de bateaux transportant des boat people (ayant fui différents pays en Asie) qui ont l’intention de demander l’asile et s’installer pour profiter de la prospérité du pays d’accueil. Il y a eu plusieurs réponses différentes de la part des autorités australiennes au cours des dernières années. Si on peut parler d’une «approche» australienne, je pense qu’on pourrait la décrire de la manière suivante: les bateaux sont interceptés et les boat people sont envoyés dans des centres de détention situés sur des îles éloignées du continent australien (par exemple Christmas Island, Nauru, Nouvelle-Guinée) où chaque cas est étudié individuellement. Les personnes reconnues comme «réfugiées» sont alors réinstallées en Australie ou dans des pays d’accueil qui décident de les accepter. Le message aux boat people est clair: «vous allez être protégés si vous craignez la persécution, mais vous n’allez pas décider par rapport aux options concernant l’endroit de cette protection.» La logique de cette approche reflète un effort de compromis dans le sens qu’on protège tout en préservant la souveraineté territoriale. Évidemment, cette approche tend à décourager les demandes abusives provenant de migrants qui veulent contourner les lois d’immigration.
Compte tenu des différents facteurs et enjeux, il s’agit d’un compromis raisonnable qui mérite d’être examiné et peut-être développé dans plusieurs régions souvent confrontées au même problème (Méditerranée, Caraïbes, etc.).
Catherine Dauvergne has taught law, including refugee law, in both Canada and Australia (against): I do not agree that intercepting boats and directing asylum seekers to foreign shores is either reasonable or a compromise. Moreover, much of the Australian population, and indeed the current Labor government in Canberra, does not think so either. Since Labor came to power in 2007, boat interceptions have stopped, and all asylum seekers attempting to reach Australia in boats have been brought to Australian territory, where their claims have been decided on an individual basis. The number of claims is very small – about one tenth of the average annual numbers in Canada – and the number of boats has amounted to less than a dozen a year over the past decade. Proportionately more claimants do arrive in boats; that is a geographic fact.
The reason for which Australia abandoned what is these days known as the ‘Australian approach’ is that the federal (Commonwealth) government knew that it was in breach of international law. From 2001 to 2007, Australia sent asylum claimants to detention and assessment in countries such as Nauru and Papua New Guinea. Nauru is not a signatory to the Refugee Convention (although PNG is), and sending people there is a blatant breach of the Convention. Boat interception is also a breach – in a more complicated way – of international law of the sea. The policy may also have become unattractive because Australian payments to Nauru alone amounted to something in the neighbourhood of AUS $40 million – a hefty price to pay for an initial 300 or so claimants processed in 2001 and 2002.
In July of this year, Australian Prime Minister Julia Gillard suggested that boat arrivals be sent to East Timor for assessment. The East Timorese, not having been consulted, reacted strongly, and the idea wilted in the face of the recent election. It may yet be revived.
Is there a better way to achieve what Australia’s Howard government did between 2001 and 2007? Whatever tweaking one could add, I would still say no. Interception and offshore processing are both human rights breaches. While societies may indeed have differing opinions, the 147 nations that have signed on to the Refugee Convention do not have differing legal obligations.
MB: Il va sans dire que les droits humains sont importants. Comme tout pays qui veut assumer le leadership sur le plan humanitaire, il est clair que le Canada doit respecter ses engagements en vertu de la Convention sur les réfugiés. Cependant, je ne suis pas d’accord avec l’interprétation des normes internationales que vous proposez. Le gouvernement australien avait interrompu la pratique pour des raisons politiques et non parce qu’elle était illégale. En effet, l’interception et le transfert des boat people n’est pas facile à concilier avec l’image humanitaire que les Australiens essayent de projeter dans le monde. La raison principale pour laquelle on n’a pas parlé de l’approche australienne ces dernières années est simple: il n’y a pas eu beaucoup de boat people qui se sont présentés dans les eaux territoriales de l’Australie. Dès que le nombre a commencé à augmenter, l’option est revenue sur la table de discussion. C’est pour cela que le gouvernement actuel est en train d’examiner les possibilités d’interception et de transfert vers les îles voisines. Autrement dit, ni le gouvernement ni la population ne s’oppose de façon fondamentale à l’idée d’avoir recours à ce moyen exceptionnel.
Une analyse objective des normes internationales nous oblige à admettre que très peu de tribunaux ont eu l’occasion de se prononcer sur le dilemme des boat people. Après tout, dans nos démocraties ce sont les tribunaux qui tranchent et qui ont le dernier mot par rapport aux ambiguïtés concernant les règles de droit (et non les comités de l’ONU ou les ONG comme Amnesty). Dans la mesure où les instances judiciaires australiennes ont dû se prononcer sur la légalité de cette approche, elles n’ont pas accepté l’interprétation large du droit international que vous suggérez et elles ont plutôt renforcé l’idée que le gouvernement préserve une certaine discrétion par rapport aux options de protection. La Cour suprême des États-Unis a été encore moins généreuse dans son interprétation du droit international quand elle a autorisé le renvoi des boat people en Haïti et à Cuba pendant les années 1990.
Il y a 60 ans, nos gouvernements ont négocié la Convention sur les réfugiés et ils se sont assurés qu’il n’y aurait pas d’obligation d’accorder l’asile – même aux personnes reconnues comme réfugiés. La seule obligation internationale pertinente à notre débat est le principe général qui interdit de renvoyer les réfugiés vers des pays où ils craignent la persécution. Ce n’est pas l’équivalent d’un droit à l’asile. Tout espoir de développer un véritable droit à l’asile est disparu avec l’échec de la conférence internationale qui avait pour but d’adopter une Convention sur l’asile pendant les années 1970. Donc, si le Canada peut s’assurer que les boat people tamouls seront accueillis dans un pays de la région de l’océan Pacifique et qu’ils ne seront pas renvoyés au Sri Lanka, il peut les transférer sans qu’il y ait violation de la Convention sur les réfugiés. Le fait que le pays participant au partage du fardeau ne soit pas lié par la Convention sur les réfugiés n’est pas le critère déterminant: l’important est qu’il ne refoule pas à son tour les boat people. Il faut noter qu’aucun des pays participant à l’approche australienne n’a été accusé d’avoir refoulé les boat people transférés. L’objectif du droit des réfugiés est simplement d’assurer qu’il y aura une forme de protection accordée aux boat people et non de désigner le pays qui doit accorder l’asile. Bien que les normes concernant le droit de la mer mentionnent l’obligation de prêter assistance en haute mer, elles ne viennent pas changer ce constat car elles demeurent ambiguës par rapport à la question clé du débarquement des personnes secourues.
Mais le vrai débat n’est pas de nature juridique. Nous partageons tous les deux une perspective qui met l’accent sur l’importance de la protection des réfugiés. La question est plutôt de trouver la bonne stratégie de protection si on veut avoir des résultats concrets. Selon moi, l’approche militante, qui consiste à présenter des interprétations exagérées des normes internationales, n’a aucune chance de réussir. C’est la leçon qu’il faut tirer des décisions de la Cour suprême des États-Unis et de la Cour fédérale d’Australie. Je considère qu’on arrivera à un meilleur système de protection à long terme si on reconnaît les différents intérêts légitimes, y compris ceux qui ne sont pas liés à la protection (par exemple les risques concernant la sécurité), et qu’on cherche le compromis. Le statu quo que vous encouragez ne propose rien pour aborder les problèmes actuels et fait en sorte qu’on va continuer à répéter les mêmes débats. Entre temps, une bonne partie de la population du pays d’accueil, qui est préoccupée par la menace à l’intégrité territoriale, continuera à faire pression sur le gouvernement et je ne suis pas certain que les options explorées aient forcément comme objectif de trouver un compromis raisonnable entre la protection des réfugiés et le contrôle des frontières. Il ne faut pas oublier qu’il y a d’autres options: de la même manière que les Américains ont parfois renvoyé les boat people haïtiens et cubains directement dans leur pays d’origine, les gardes côtières espagnoles, italiennes et grecques sont régulièrement accusées d’avoir renvoyé des boat people de l’autre côté de la Méditerranée afin d’éviter toute obligation de protection.
Dans ce contexte, peut-on vraiment défendre le statu quo?
CD: Of course, I would not defend the status quo, and certainly not those aspects that you and I clearly agree upon: that returning individuals to places where they may fear persecution, without examining claims to refugee status, is a breach of international law.
However, beyond this point, your reply here points to one of the most significant problems of the Refugee Convention, which is that there is no forum to supervise its interpretation and enforcement. Ordinarily, a legal dispute will be authoritatively settled by a court. Either side will muster arguments – including the support of scholars like us – and an authoritative voice will decide. The Refugee Convention says that disputes can be resolved by the International Court of Justice. But that will never happen because only state parties can bring complaints. Yet state parties will not do this – in part because each departure from the law for one state brings a little more breathing room for all of the others. No international body is supporting what the US Supreme Court has said about boat arrivals; and the Australian Federal Court, for its part, skirted the issue. This argument will not be resolved, and that is a significant weakness in the law.
The single most disturbing aspect of the idea of intercepting boats and deciding claims elsewhere is that it is always accompanied by the dimension of global inequality. These proposals (and the brief Australian example) all amount to prosperous Western countries that host comparatively few asylum seekers suggesting that they should host even fewer asylum seekers; that, instead, claims should be assessed somewhere far away – inevitably in some poorer state with inferior resources, less capacity to conduct security assessments, less capacity to feed people, and a less robust legal system. Such proposals may make Western governments feel more secure, but this is illusory. If there is anything that 21st century politics has taught us, it is that security threats travel the globe with great ease.
Western states seem much more interested in keeping asylum seekers away – because the international obligations that they bring are very real – than in thwarting the choices of those who seek protection. If it were only about thwarting choice, then the proposals would be directed to that end: Canada could determine the claims of those who arrive in the US; Australia could determine the claims of those who arrive in Canada; and so on. But no one speaks in these terms.
MB: Effectivement, c’est un aspect frappant du système actuel de protection internationale des réfugiés: contrairement aux autres domaines liés aux droits humains, il n’y a pas de mécanisme supranational de supervision pour les réfugiés. Cette absence s’explique justement parce que les réfugiés et les boat people soulèvent des questions qui touchent directement à la souveraineté nationale. Comme le système international concernant les migrations est fondé sur une approche essentiellement étatique et consensuelle, pourquoi est-ce que le Canada ou l’Australie se lierait par une nouvelle institution internationale qui pourrait se mêler à des aspects fondamentaux de la souveraineté territoriale? Ils ne l’ont pas fait jusqu’à maintenant et ce n’est pas par hasard. C’est un sujet délicat et il ne faut pas pousser trop loin car la réaction des populations d’accueil peut facilement se tourner contre les étrangers et ainsi permettre aux gouvernements de justifier les politiques sévères qu’on a vues en Méditerranée et dans les Caraïbes. C’est la leçon à tirer du dilemme que les boat people représentent pour nos démocraties libérales. Il y a risque surtout d’exposer un problème éthique qui caractérise parfois notre approche de protection: on accorde un traitement généreux aux rares boat people qui arrivent à pénétrer nos eaux territoriales (comme c’est le cas actuellement avec les 492 Tamouls au Canada), mais on fait tout pour que les demandeurs d’asile n’aient pas accès à notre territoire.
Dans ce sens, je comprends l’inégalité internationale que vous critiquez. J’ajouterais simplement qu’il faudrait se méfier d’un résultat qui serait potentiellement ironique. Si on appliquait les principes de façon absolue, comme vous avez suggéré, les premiers pays de contact avec les boat people seraient obligés d’accorder l’asile. Étant donné que ces pays se trouvent généralement pas loin des conflits dans les régions défavorisées, il y aurait un effet de containment qui convient parfaitement aux pays riches tels que l’Australie et le Canada. Si on veut encourager une véritable coopération internationale (impliquant un partage du fardeau), il faudra repenser la stratégie car on risque de renforcer cette inégalité que vous avez décrite. D’ailleurs, quand le gouvernement canadien affiche sa volonté d’explorer des mesures de coopération internationale avec des pays de la région du Pacifique (par exemple la Thaïlande), il est possible qu’il pense simplement à se décharger du fardeau humain et peut-être de compenser financièrement ses partenaires asiatiques moins riches. Est-ce qu’il pense à s’engager pour assurer que les boat people seront effectivement protégés et traités dans des conditions humaines? Je suis persuadé qu’il y a place ici pour un compromis qui pourrait satisfaire à la fois les défenseurs modérés des boat people et les autorités étatiques qui comprennent l’importance de préserver une sorte de solidarité humanitaire transnationale. Bien que je sois mal à l’aise avec certains aspects du discours politique utilisé par l’ancien gouvernement Howard, l’expérience australienne demeure néanmoins le meilleur exemple (et espoir) international de réforme par rapport au statu quo.
CD: I think that, at some point, human rights obligations must be treated as absolute obligations. That is what the idea of a ‘right’ means. Human rights do impinge on sovereignty. That is precisely the point.
People arrive as asylum seekers in many ways; boats are just one method. Rights ought not to differ according to method of arrival – especially as those who arrive in precarious boats are most often disadvantaged in comparison with those who fly in on tourist visas. The Australian experiment of 2001 to 2007 also included creating two tiers of refugees – systematically stripping residency and family reunion rights from those who arrived in boats. This policy was also abandoned when Labor came to power. In Canada’s last episode of significant boat arrivals, prior to the very recent Tamil boat – during the summer of 1999 – the acceptance rate of the resultant claims was 2 percent; that is, far lower than the average over that decade of approximately 40 percent. This lack of generosity was a result of a defensible application of international and domestic law. If anything, it was more stringent than generous.
The ‘burden’ of refugee reception falls overwhelmingly on the developing world, which last year was host to 80 percent of the world’s 16 million refugees. Asylum seekers (all methods of arrival) were a far smaller number, rounding up to 1 million – the greatest number of whom were in South Africa. No programme is needed to keep people at a distance from prosperous Western countries; in fact, quite the opposite. It is possible to imagine a different kind of compromise than the erstwhile Australian example, but we have not yet seen such a thing in action; and there are reasons to believe that politics cannot deliver – and thus international refugee law remains the best hope for human rights responses.
Michael Barutciski est directeur des études supérieures à l’École des affaires publiques et internationales de Glendon, ainsi que membre de la rédaction de Global Brief.
Catherine Dauvergne has taught law, including refugee law, in both Canada and Australia. Her most recent book is Making People Illegal: What Globalization Means for Migration and Law.