Conférence des Ambassadeurs, un exercice si délicat
Ce 28 août 2014, le Président de la République française, François Hollande, ouvre la Conférence des Ambassadeurs, à Paris. Il prononcera à cette occasion un discours entre 9 h et 10 h devant Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs actuellement en poste, mais aussi devant des parlementaires. Il s’agit d’un exercice délicat puisqu’il convient à la fois de donner une grille de lecture des grandes évolutions du monde contemporain et de définir les principales directions de la diplomatie française, afin qu’elle soit ensuite mise en musique par ses représentants sur le terrain.
Dans les ors de la République, le discours prend une forme d’autorité – pour ne pas écrire de majesté – mais il arrive que la réalité vienne lui donner un son étrange. Prenons deux exemples, l’un à gauche, l’autre à droite.
A gauche
Le 27 août 2013, le président F. Hollande commence son discours aux Ambassadeurs par une quasi-déclaration de guerre à la Syrie. “La menace chimique de Damas ne peut rester dans réponse”. Chacun s’attend alors à ce que les avions de chasse français décollent au plus tard en fin de semaine pour donner au dictateur de Damas la leçon qu’il mérite. Cependant, l’autre puissance militaire de l’UE – le Royaume-Uni – se désunit sur le soutien à cette initiative. Preuve que les parlementaires britanniques ont de la mémoire, il font payer en 2013 le mensonge de 2003, lorsque T. Blair leur a menti au sujet de l’Irak, sous l’influence du funeste G. W. Bush. Puis le président des Etats-Unis, B. Obama, décide subitement de demander au Congrès son feu vert pour une intervention militaire en Syrie, une façon comme une autre de temporiser… et de lâcher F. Hollande en plein vol. Moments parfaitement désagréables à Paris… Nul doute que ce 28 août 2014, il sera encore question de la Syrie, non seulement parce que la situation y reste dramatique mais parce que l’Etat Islamique y prospère, comme en Irak.
A droite
Le 26 août 2009, le Président Nicolas Sarkozy prononce un discours étonnant aux Ambassadeurs. Alors que la crise des subprimes (2007) a déclenché une crise financière et économique majeure en Europe (2008), il prononce un discours dans lequel il s’en prend avec une virulence de gauchiste échevelé – voire écervelé – au capitalisme financier à l’origine de ce jeu de massacre. Relire aujourd’hui son discours laisse une étrange impression, tant les Etats ont été depuis peu capables de contenir par la réglementation les dérives les plus irresponsables des banquiers. Dans son remarquable ouvrage sur Le nouveau capitalisme criminel (Odile Jacob, 2013), le Commissaire divisionnaire Jean-François Gayraud démontre qu’on s’est contenté de retouches cosmétiques qui n’empêchent pas la poursuite de pratiques criminelles dans les salles de marché. Et les bonus des traders restent très au-delà du raisonnable, alors que les Etats – donc les contribuables – se sont considérablement endettés pour réduire la casse économique et sociale de leurs jeux irresponsables d’enfants à la fois gâtés et mal élevés bien que cravatés.
Raison garder
Alors, oui, le discours au Ambassadeurs est important, mais il faut prendre soin de l’imprimer – sur le site de l’Elysée – et laisser le temps lui donner tout son sel.
Terminons en notant que ce discours s’inscrit dans un processus plus large: la Conférence des Ambassadeurs. Celle-ci existe depuis 1993. Le ministre des Affaires étrangères – Laurent Fabius – a décidé de lui donner pour thème en 2014: “L’action extérieure de la France, une diplomatie globale”. Vaste sujet développé du 28 au 30 août autour des angles suivants: diplomatie économique, lutte contre le dérèglement climatique, Union européenne, diplomatie culturelle, politique de développement, gestion de crise, influence par le droit…
Voilà des intitulés prometteurs qui ne retirent rien à la diminution drastique des moyens de ce ministère régalien, depuis de nombreuses années, aussi bien sous des gouvernements de droite que de gauche. Tous, pourtant, parlaient, parlent et parleront du “rôle de la France dans le monde” avec beaucoup d’émotion. C’est bel et bon.
Si l’émotion et le verbe suffisaient pour garder son rang, cela se saurait.
Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’Ecole des Affaires publiques et internationales de Glendon.
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