Clivages européens
Faut-il intervenir militairement en Lybie ? La question divise encore les 27 pays de l’Union européenne. La France et le Royaume-Uni, les deux principales puissances militaires de l’UE, y seraient favorables. Notons que Paris et Londres après avoir signé voici quelques mois un texte important en matière de coopération nucléaire se retrouvent une nouvelle fois d’accord. L’Allemagne fédérale et l’Italie seraient d’abord opposées à une intervention militaire de l’UE. Une nouvelle fois, Berlin et Paris divergent donc. Comme pour feu l’Union méditerranéenne, proposée par Nicolas Sarkozy et recadrée par Angela Merkel en Processus de Barcelone: Union pour la Méditerranée. Recadrée pour ne pas écrire castrée. Décidément, le “couple franco-allemand” est à la peine.
Ainsi, la Lybie est un sujet qui suscite un clivage entre quelques-uns des pays les plus peuplés de l’UE. Rappelons que l’Union européenne est supposée mettre en oeuvre une Politique étrangère et de sécurité commune…
Autre dossier, autres clivages
La Lybie n’est évidemment le seul sujet clivant entre pays membres de l’UE. Prenons un autre exemple d’actualité: la signature d’un Accord d’Association (AA) entre l’UE et la Géorgie. Cette ancienne république socialiste soviétique aspire maintenant à tisser des liens avec l’Europe communautaire, faute de pouvoir avancer comme elle le voudrait avec l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Dans son projet d’Accord d’Association avec l’UE, la Géorgie rencontre un soutien généralement vif de la part d’anciennes républiques soviétiques ou d’anciens satellites de l’URSS. Les partenaires les plus fidèles seraient la Lituanie et l’Estonie, avec la Lettonie dans une moindre mesure. Beaucoup plus sensibles à la conjoncture et à leurs intérêts propres seraient les soutiens de la Hongrie, de la Roumanie, de la Bulgarie, de la Slovaquie et de la Pologne. Seuls deux anciens Etats membres de l’Europe communautaire, le Royaume-Uni et la Suède soutiendraient la dynamique géorgienne. Deux pays qui ont l’habitude d’oser se heurter de front à la Russie.
En revanche, la Géorgie éprouve plus de difficulté à se faire entendre en Allemagne et en Italie, où les acteurs gaziers de la Russie sont présents. La Grèce et Chypre, où la Russie dispose aussi de réseaux solides seraient des freins.
Enfin, quelques membres de l’UE semblent instables dans leur posture à ce sujet: la France, l’Espagne et le Portugal. Résultat, la politique de l’UE en Géorgie est le fruit d’un compromis, c’est à dire de longues “disputes” autour de la table des négociations, notamment entre anciens et nouveaux Etats membres.
Arrêter le temps ?
Ainsi, l’Europe communautaire doit elle procéder par discussions et négociations internes avant d’annoncer une politique commune, ce qui peut être long. Et inciter les plus dynamiques à forcer la main des partenaires, ce qui s’avère généralement contre-productif. Admettons, cependant, qu’il est toujours préférable de discuter que de foncer tête baissée.
En matière de diplomatie comme en matière de démographie ou de gouvernance économique, on se dit cependant parfois que l’UE aimerait pouvoir arrêter le temps. Arrêter le temps pour réfléchir, discuter, trouver des compromis et des financements, mettre en oeuvre une politique commune… Mais le temps ne s’arrête pas. Il donne même l’impression de passer de plus en plus vite…
Les opinions exprimées dans ce blog sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celle de Global Brief ou de l’Ecole des affaires publiques et internationales de Glendon.