Nation branding en solde!
La notion de nation branding, que nous pourrions tenter de traduire par « commercialisation de la nation », est de plus en plus répandue dans les stratégies des Etats cherchant à se faire connaître et, plus encore, reconnaître sur la scène internationale. Certains utilisent des slogans accrocheurs qui mettent en avant leurs caractéristiques, de type « Incredible India » ou encore « Malaysia Truly Asia », slogans qui se sont généralisés au point de ne plus faire la distinction entre le « produit », en l’occurrence un pays, et l’adjectif qui le qualifie. Des méthodes directement empruntées aux techniques du monde des affaires et de la publicité, avec pour objectifs la promotion du tourisme et la mise en valeur d’un pays comme on le ferait d’une marque.
D’autres Etats misent sur la mise en avant de leurs productions industrielles les plus performantes et célèbres, sorte de gage de garantie de leur sérieux et de leur qualité ou de leur dynamisme. Il s’agit souvent d’une association, volontaire ou non, entre une marque et le pays auquel elle s’identifie. Volkswagen est ainsi désormais perçue dans le monde entier comme « Das Auto », rappelant à ceux qui l’ignoraient encore qu’il s’agit d’une marque allemande, et faisant ainsi indirectement la promotion de l’Allemagne comme manufacturier de voitures de qualité. Les multiples publicités ventant des pâtes sur fond de musique italienne et de décor façon La dolce vita vont dans le même sens, et offrent une certaine idée de l’Italie. Et les exemples des publicités Ricola puisent directement dans l’imaginaire des perceptions de la Suisse, allant jusqu’à proposer des clins d’œil sur le fait que ce pays ne soit pas reconnu à sa juste valeur. Cette association de circonstance entre l’industrie et les stratégies étatiques est de plus en plus courante, des pays comme la Corée du Sud notamment jouant beaucoup sur la diffusion de leurs principales marques, de Samsung à Hyundai, pour offrir une image de qualité et d’innovation.
D’autres nations misent sur leur capacité à organiser des évènements internationaux de grande ampleur. La Chine est passée maître dans cet art délicat et couteux de déployer des moyens exceptionnels, le temps des Jeux Olympiques de Pékin en 2008 par exemple, faisant ainsi beaucoup plus la promotion de la Chine et de sa culture plurimillénaire que des vertus de l’olympisme, relayées ici au deuxième plan. L’organisation de l’Exposition universelle de Shanghai va sans aucun doute répondre aux mêmes impératifs. C’est d’ailleurs le plus souvent en s’appuyant sur l’exemple de la Chine que les avocats du nation branding se basent depuis maintenant quelques années. On pourrait ainsi notamment mentionner les travaux de Joshua Cooper Ramo. La Chine chercherait ainsi, à l’instar d’autres pays d’ailleurs, à « se vendre » sur la scène internationale.
Des pays découvrent aujourd’hui le nation branding, et cherchent à rivaliser avec ceux qui en ont déjà fait de véritables stratégies politiques, mais avec des résultats forcément encore mitigés. L’exemple récent du Canada est à cet égard intéressant. Les résultats sportifs des Jeux Olympiques d’hiver de Vancouver furent ainsi l’occasion d’un véritable déferlement de slogans vantant les mérites du Canada et de son identité nationale. Des slogans qui allaient très nettement au-delà de l’autosatisfaction sportive, et se répandirent dans le marketing de multiples marques (canadiennes ou non, au passage), proposant une forme de « canadianité » aussi inédite que douteuse, et offrant au monde l’image d’un peuple à la fois uni dans la diversité, et fier de ses repères. La cérémonie de clôture des Jeux Olympiques fut sans aucun doute le moment le plus fort à cet égard, et témoigne de cette volonté d’un pays généralement discret à activer une stratégie de nation branding sans complexe.
Le risque de telles stratégies de marketing est d’offrir une version déformée, voire parfois caricaturale, de la réalité des nations. La mise en avant d’un savoir-faire aux contours parfois artificiels, des présupposés pas toujours vérifiables, bref une image trompeuse et à certains égards contre-productive, car cantonnant les nations dans une sorte de rôle, à la limite du folklore. De plus, la surenchère en matière de nation branding, à la limite d’une grande campagne de soldes (pour rester dans les comparaisons avec les stratégies commerciales) dénature le « label » que les nations souhaitent justement mettre en avant. Dernier problème enfin, le nation branding étant directement issu des techniques de marketing, on peut se demander dans quelle mesure il ne serait efficace que s’il y a effectivement quelque chose à vendre. En d’autres termes, si un pays ne cherche qu’à mettre en avant son image, ne peut-il trouver des stratégies plus appropriées, et lui permettant d’offrir une image moins « au rabais » ? Comme toutes les stratégies innovantes, le nation branding semble encore chercher sa voie. Mais il est une réalité avec laquelle il faudra désormais compter.
Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.
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