Le projet Flaherty
Jim Flaherty, Ministre des finances, a présenté hier son projet de loi pour la création d’une Commission nationale des valeurs mobilières au Canada. J’ai déjà, en partie, traité de cette question sur ce blog l’automne passé, dans un commentaire intitulé ‘Il n’y a qu’au Canada…’. Je notais alors que ce dossier était devenu au Canada intrinsèquement politique, le fédéralisme à son plus tordu. Revenons, donc, sur la question pour voir où l’on se situe maintenant.
Trois rappels sont nécessaires. Le gouvernement fédéral avait déjà annoncé qu’il référerait son projet de loi, lorsque prêt, à la Cour suprême pour en déterminer la constitutionalité. C’est ce qu’il fera en posant à la Cour une question simple, ‘La proposition concernant une loi canadienne intitulée Loi sur les valeurs mobilières relève-t-elle de la compétence du Parlement du Canada?’ (citation copiée du site de cyberpresse). Il est fort probable que la Cour suprême supportera le projet, et octroiera au Parlement le droit de traiter de la question. Il reste à voir, toutefois, ce que dira exactement le plus haut tribunal du pays lorsqu’il rendra sa décision.
Deuxièmement, le Québec et l’Alberta poursuivent leurs luttes juridiques contre la création d’une commission nationale. Au-delà du droit, ces deux provinces font tout un tapage politique et médiatique. Petitesse d’esprit ou pas, les politiciens de ces provinces font de la création d’un bureau de réglementation national un enjeu majeur. Pour l’instant cela n’a pas ralenti l’ardeur du Ministre Flaherty. Par le passé, le gouvernement fédéral n’a pas bougé par peur des répercussions au Québec. Cette fois-ci Ottawa va de l’avant, mais la classe politique et économique au Québec crie tellement fort qu’il y aura certainement un coût à payer pour le gouvernement fédéral lié à cette affaire. Mr. Charest n’a pas le choix de réagir fortement, surtout qu’il est pour l’instant acculé dans les câbles par le Parti québécois.
Troisième considération, le projet de loi n’est pour l’instant qu’un projet de loi. Une fois que la Cour suprême donnera son aval, il faudra passer le processus parlementaire. Les libéraux, en théorie, supportent la création d’une commission nationale ce qui devrait permettre l’adoption de la loi. Mais si le Canada tombe en élection avant, le projet prendra du retard. Il faudra attendre un autre Parlement pour voir ce qui en retourne.
Je me permets un commentaire sur le projet de loi lui-même. C’est une loi qui vise à créer un bureau de réglementation très puissant. À ce niveau-là tout au moins, c’est une bonne nouvelle pour les canadiens. La commission nationale aura de nombreux pouvoirs pour traiter des crimes économiques, délits d’initiés, fraudes, et fausses représentations. Le système des bureaux de réglementation provincial à ses mérites, mais la plupart des experts s’entendent pour dire que les petits investisseurs sont bien mal protégés au Canada. Le fédéral semble prendre des mesures concrètes dans cette loi pour pallier à cette faiblesse. Posséder un vrai gendarme des marchés financiers et boursiers, tenant compte du contexte international actuel, ça semble tout à fait pertinent.
Chers lecteurs, vous savez sûrement si vous lisez ce blog de temps en temps que je ne suis pas un chaud partisan du Ministre Flaherty. Sur ce dossier, cependant, il a été très bon. Bonne stratégie, bonne mise en œuvre, bonne détermination. La bataille n’est pas finie, mais Mr. le Ministre a su faire avancer le dossier. Reste à voir s’il saura l’amener jusqu’à terme.
Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.