Je m’excuse
Hier, j’ai vertement critiqué les excuses du Pape Benoît XVI aux victimes des abus sexuels en Irlande. Je maintiens cette position. J’admets, cependant, qu’il n’est pas facile de nos jours pour une institution ou un individu de faire des excuses publiques. Média et observateurs sont exigeants. Chaques phrases et chaques intentions sont scrutées à la loupe. Qu’est-ce qui au juste fait une bonne excuse publique? Il y a certainement une littérature sur le sujet, et je sais que certaines juridictions permettent maintenant l’excuse sans conséquence juridique. Voici ce qui selon moi constitue une bonne excuse publique.
L’excuse se doit d’être complète, sans ambigüité et sans qualificatif. Comme je l’ai écrit pour la lettre pastorale, les propos justificatifs sont inappropriés. Ces propos rationalisent le geste posé. Ils ne sont pas dans l’intérêt de la ou des victime(s).
L’excuse doit visée prioritairement la ou les victime(s), non un public autre. Les excuses du Premier ministre Harper et du gouvernement canadien aux autochtones en 2008, aux anciens élèves de pensionnats, ont bien passées justement parce qu’elles étaient bien ciblées.
L’excuse se doit d’être pour une offense réelle et sérieuse. La personne qui s’excuse doit vraiment avoir commis une faute. Pourquoi le Président de Toyota s’est-il excusé au juste? Comme si d’autres constructeurs d’automobiles n’avaient pas faits de rappels! Les législateurs américains ont voulu s’en prendre à une compagnie étrangère, la faire payer. Toyota était numéro un et il fallait faire tomber l’entreprise. Le gouvernement américain a octroyé une aide substantielle à son industrie automobile. Toyota n’avait pas le choix, mais il est clair que le scandale lui a fait mal et profite à ses concurrents américains. Tout ceci n’a rien à faire avec la qualité des voitures, ou les choix du consommateur, c’est un jeu politique tout simplement. Ce n’est pas la faute de Toyota, mais ses excuses n’en sont pas de vrais puisque l’entreprise n’avaient aucune raison de s’excuser.
L’excuse se doit d’être sincère. Tiger Woods devait-il vraiment s’excuser? Difficile à dire… Tiger est tellement robotique qu’il est parfois difficile de croire qu’il est sincère.
L’excuse se doit d’être courte, concise et d’aller droit au but. La lettre de Benoît XVI s’étalant sur plusieurs pages était bien trop longue. L’essentiel se perd dans une longue excuse.
La personne qui s’excuse doit vraiment vouloir s’excuser. L’excuse ne peut pas être imposée par un tiers parti. Elle ne doit pas être faite pour des motifs politiques, financiers ou autres. Combien de politiciens se sont excusés au fil des ans simplement pour tenter de sauver leurs carrières?
Les excuses écrites par des publicistes, on n’en veut pas! Lorsque c’est trop travaillé, trop rédigé, trop parfait, il est permis de douter des motifs de l’excuse. Oui, il faut trouver les mots justes. Il est difficile de croire que ces mots puissent venir d’une agence de communication. L’excuse est justement trop souvent spectacle, image et perception. Elle n’en est alors que moins crédible.
Il n’est, bien entendu, jamais trop tard pour s’excuser. Dans un monde idéal, cependant, l’excuse ne se fait pas trop attendre. Pete Rose a attendu plus de quatorze ans avant d’admettre sa faute et de s’excuser. Franchement!
La pire excuse, ‘je m’excuse si je vous ai offensé’. Non, mais ça va pas? Tu t’excuses ou tu ne t’excuses pas? L’excuse ne peut pas porter sur les possibles sentiments de quelqu’un d’autre, elle doit porter sur la faute commise.
Les excuses publiques restent essentielles. Il ne s’agit pas d’auto-flagellation. Si c’est le cas, l’excuse ne sert à rien. Il s’agit de reconnaître de vraies erreurs, d’être d’humble. Les excuses peuvent êtres réparatrices. Elles sont nécessaires pour les victimes. J’en conviens, les excuses publiques sont un art!
Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.