Évitant le chaos, le Liban cherche des remèdes démocratiques
Fascinant : Le spectacle démocratique au Liban confirme que la majorité anti-iranienne et anti-syrienne n’est plus fictive ! Non plus virtuelle selon les dires de ses opposants ! Mais elle reste toujours incapable de gouverner seule la mosaïque libanaise.
Par un taux de participation élevé, dans un climat de tension partisane et surtout de repli identitaire confessionnel, le scrutin libanais a redessiné un nouvel échiquier. Par contre, les traits suivants à souligner et à comprendre :
Aucun parti politique ou dirigeant libanais aura dorénavant la prétention de représenter suffisamment toute les régions, les communautés et l’ensemble du pays. La façade démocratique couve des forces dominées par un esprit sectaire, confessionnel religieux, haineux. Le vote en bloc par incitation et directives des autorités religieuses toutes confondues l’a emporté sur le choix individuel ou citoyen réfléchi. Des appels au vote ont pris des formes de sermon ou des fatwas obligatoires.
Malgré sa défaite, les résultats confirment l’emprise sans équivoque de Parti de Dieu (le Hezboallah) et le Mouvement Amal sur la communauté chiite. Même le rôle du vote chiite massif en faveur des alliés comme les candidats chrétiens du Général Michel Aoun a fait toute la différence. Ceux-là étaient élus malgré le recul manifeste dans leur popularité dans leurs communautés chrétiennes. Les deux cas de Baada et Jbeil sont symptomatiques. A remarquer que le vote populaire chiite était aussi exercé contre les candidats chiites qui ont osé défier le duo Hezboallah et Amal par un vote d’excommunication ou presque. La pesanteur des fatwas se faisait sentir!
Sans qu’il soit au même niveau de représentation massive de la communauté sunnite, vu une diversité plus large, Saad Hariri, le dirigeant du Courant Futur, a eu une victoire éclatante en réplique aux défis de Hezboallh et la politique du régime syrien. Sa majorité parlementaire s’est confirmée. La prétention qu’elle était fictive n’est plus convaincante. En revanche, à l’instar des chiites, les sunnites ont voté en bloc dans les circonscriptions mixtes. Cela en faveur de leurs alliés chrétiens en leur garantissant les chances de leur succès. Le cas de Zahlé, la ville chrétienne renommée où la victoire de la liste de 14 mars a été un coup de semonce à l’opposition pro Hezboallah.
En tout cas, le Hezbollah a sous-estimé les retombées négatives de son usage des armes contre les sunnites le 7 mai 2008.
Le cas du vote chrétien mérite une attention particulière. L’impression générale est que les Chrétiens étaient la chair à canon de cette lutte électorale. Dans une situation de perte d’influence, le Général Michel Aoun s’est vu incapable de s’imposer comme un chef rassembleur. Cela apparait pour autant paradoxal : il a un plus grand nombre de députés! Au style défiant et le plus souvent tendu et aux voltes-faces mal défendues et mal comprises et le plus souvent contestées il reste le plus en vue mais de moins en moins charismatique et prometteur. Autres pôles chrétiens surtout le Patriarche maronite Sfeir, le Président de la république Michel Suleiman et d’autres comme l’ancien président Amine Gemayel et le chef du parti des Forces Libanaises Samir Geagea étaient plus convaincants que lui en rejetant les alliances du Général Aoun avec le Hezbollah et la Syrie et l’Iran.
L’avenir du Liban reste tributaire des rivalités et des ententes régionales et internationales. Ce scrutin a confirmé le retour de la majorité de 14 mars proche des politiques égyptiennes et saoudiennes et de la France et des États-Unis. Mais elle reste incapable de représenter les options exprimées par les chiites !
Il est vrai que les forces du 8 mars n’ont pas eu la majorité parlementaire. Mais ils ne sont par contre vraiment affaiblies. Le statut du Hezbollah et sa force d’intimidation restent intact. Sa défaite est tactique et non stratégique. De sa part, le régime syrien sera invité à être plus conciliant, surtout qu’il a perdu son influence dans les communautés sunnites , druze et chrétiennes .
En bref, l’équilibre libanais reste précaire. La quête d’un gouvernement d’unité nationale s’impose en toute urgence. C’est un pré requis pour tout effort de faire sortir ce régime confessionnel de sa crise structurelle et de le fonder sur la citoyenneté. Renforcer l’État central par le concours des gagnants et des perdants reste la seule voie du salut du Liban . Le point d’orgue sera de remettre la décision de la guerre et la paix entre les mains d’un pouvoir central légitime, consensuel et transcommunautaire. C’est la seule piste qui permettrait la libération de cet État otage !