Djihadisme et prison
La France est actuellement sous le choc d’une série d’attentats qui ont fait 7 morts. Le tueur présumé, Mohamed Merah, aurait revendiqué les tueries de Montauban et de Toulouse. Selon son avocat, il aurait fait un séjour dans les prisons françaises de décembre 2007 à septembre 2009. C’est à ce moment qu’il aurait amorcé une évolution le rapprochant des courants djihadistes. [PS: Cette hypothèse a été contestée ultérieurement par certaines sources officielles qui évoquent une “auto-radicalisation”] Il aurait par la suite fait deux séjours en AfPak.
A 21 h 51, heure de Paris, il est trop tôt pour en savoir davantage, mais ces quelques éléments conduisent à replonger dans des notes prises lors d’une journée d’étude organisée par la Fondation pour la Recherche Stratégique: “Dix ans après les attentats du 11 septembre 2001: bilan et perspectives de la lutte contre le terrorisme” (26 septembre 2011, Paris, Maison de la Chimie).
En France, 900 djihadistes derrières les barreaux
Dès cette date, des experts pointaient du doigt la difficulté suivante. Les prisons françaises comptent en permanence derrière leurs murs près de 900 personnes interpellées pour djihadisme. Le risque le plus évident est le prosélytisme. Que faire ? On les “baluchonne”. Cela veut dire que l’administration pénitentiaire les change souvent de prison pour éviter qu’ils ne constituent un réseau. Paradoxe, ces déplacements réguliers d’une prison à l’autre démultiplient les risques de contacts entre des gens qui ne se seraient pas connus autrement. Ce sont parfois jusqu’à 30 % d’un réseau qui se sont rencontrés derrière les barreaux.
Deuxième paradoxe, les réussites de l’anti-terrorisme policier et judiciaire conduisent souvent à confondre des djihadistes avant qu’ils ne passent à l’acte. Résultat, ils se trouvent condamnés à des peines relativement courtes, proches de 7 ans, puisqu’ils n’ont pas de sang sur les mains. Cela contribue involontairement à créer un mouvement de turn-over qui diffuse la menace.
Faudrait-il aller jusqu’à envisager de mettre en place un programme de déradicalisation des personnes condamnées pour djihadisme ? Comment un Etat laïc peut-il se charger d’une telle question ?
Faut-il développer des entretiens préventifs ?
Alors que l’opinion attend encore le dénouement de l’arrestation tout laisse penser que le diagnostic posé le 26 septembre dernier est exact: il existe un risque que des personnes vivant en France se forment en AfPak puis reviennent commettre un acte terroriste en France. Même s’il s’agit de combattants peu aguerris, ils disposent de facilités de déplacement qui les rendent redoutables. L’Internet joue un rôle clé dans la mobilisation de ces personnes. Il arrive que des candidats terroristes commencent à planifier une opération sans avoir jamais rencontré physiquement leur commanditaire. Notons que la moyenne d’âge des djihadistes est de plus en plus jeune, proche de 18 ans. Il y aurait même un cas âgé de 14 ans. Il y aurait de plus en plus de femmes impliquées dans cette mouvance. La France doit-elle adopter les méthodes anglo-saxonnes d’entretiens préventifs ? [PS: On a appris ultérieurement que M. Merah était déjà en contact avec la police, sans connaître la nature exacte de ces relations.] Cela consiste à aller au devant d’une personne identifiée comme en voie de radicalisation et à l’informer qu’elle est sous surveillance, en espérant que cela participera à la ramener sur le chemin de la loi et de la paix.
On le voit, les questions sont plus nombreuses que les réponses.
Les opinions exprimées dans ce blog sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celle des Global Brief ou de l’Ecole des affaires publiques internationales de Glendon.