Hongrie-Commission européenne: bras de fer
La Hongrie de V. Orban fait encore parler d’elle. En effet, le chef du gouvernement entend renforcer son emprise sur la Banque centrale de Hongrie… alors que le pays est supposé entrer un jour dans la zone euro, ce qui implique une autre conception de la banque centrale nationale et un transfert de souveraineté au bénéfice de la Banque centrale européenne (BCE), indépendante des gouvernements.
L’UE ou le clash des échelles
A l’échelle nationale, la manoeuvre du chef de gouvernement hongrois vise à réduire un contre-pouvoir, une fois de plus serait-on tenté d’ajouter. En effet, depuis son retour au pouvoir en 2010, V. Orban ne cesse de lutter contre les contrepoids démocratiques de l’exécutif. Le Président de la Banque centrale de Hongrie, A. Simor lui donne depuis longtemps du fil à retordre, alors autant lui retirer la possibilité de nommer ses adjoints directs… au bénéfice bien évidemment du Premier ministre. Celui-ci met en place une forme de “démocrature” où les apparences de la démocratie sont de plus en plus formelles voire réduites mais les tendances autoritaires de plus en plus évidentes.
A l’échelle de l’Union européenne, cette affaire se transforme en bras de fer avec la Commission européenne. Le clash témoigne en l’espèce de la tentation d’un gouvernement national de garder la main sur sa banque centrale et la politique monétaire. Il s’agit d’un élément de souveraineté nationale. Cette crise illustre donc une tension entre l’échelle nationale et l’échelle européenne, inscrite qu’on le dise ou non dans une dynamique fédérale. Cette tension entre Budapest et Bruxelles survient aussi dans un contexte de crise de l’euro. Ce dernier “fête” son 10 e anniversaire sans avoir été au niveau des promesses formulées dans les années 1990. Ce qui affaibli la légitimité de l’euro aux yeux de beaucoup. Résultat, certains Européens qui ne connaissent pas la part d’ombre de V. Orban, voient en lui un champion du retour au national.
Entre jeu politique et réalités économiques
Comme d’autres, V. Orban fait évidemment preuve de mauvaise foi. En effet, il a déjà été Premier ministre de Hongrie entre 1998 et 2002, lors des années décisives de finalisation de la candidature hongroise à l’Union européenne pour 2004. Autrement dit, il connait depuis longtemps les contraintes induites par le traité d’adhésion à l’UE, impliquant notamment l’adhésion à terme à l’euro.
Quoi qu’il en soit, la Hongrie pourrait faire partie en 2012 des pays de l’Union européenne ou la croissance économique serait la plus faible, de l’ordre de 0,5% . Ce qui pourrait à la fois réduire les marges de manoeuvre du gouvernement – en attente de fonds de la Commission européenne comme du Fonds monétaire international – et conduire à la surenchère ou au compromis. Tout le monde se tient par la barbichette, parce que les pays de l’Union européenne ne peuvent pas facilement se résoudre à laisser un pays membre aller droit à la faillite. Quant à V. Orban, il a besoin d’argent frais.
Le clash des mémoires
En attendant, le 1er janvier 2012, la nouvelle Constitution hongroise entre en vigueur. Adoptée sans véritable concertation, elle limite les pouvoirs de la Cour constitutionnelle et reprend une loi sur la nationalité qui permet à Budapest de donner la nationalité hongroise à un vivier potentiel de 2,5 millions de magyarophones qui vivent hors des frontières de la Hongrie, par exemple en Roumanie ou en Ukraine. Ce qui ferait d’eux des citoyens pouvant circuler dans l’espace Schengen sans visa… Cette loi fait référence à la perte des 2/3 de la Hongrie à la suite du traité de Trianon (1920)…
Quand le clash des mémoires vient s’ajouter au clash des échelles… cela s’appelle l’Union européenne.
Meilleurs voeux…
Les opinions exprimées dans ce blog sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’Ecole des affaires publiques et internationales de Glendon.