UE: le choc des échelles et le boomerang de la démocratie
Les tensions autour du plan d’aide à la Grèce illustrent deux des contractions de l’Union européenne: le choc des échelles et le boomerang de la démocratie.
Le choc des échelles
La Grèce est un des 17 membres de la zone euro. A l’échelle de la zone euro, les difficultés croissantes de la Grèce pour financer sa dette souveraine ont conduit les responsables à concevoir une série de mesures pour lui venir en aide, à des conditions drastiques. Il s’agit aussi de tenter de réduire les risques de contagion à d’autres pays de la zone euro.
A l’échelle nationale, le chef du gouvernement grec, a envisagé début novembre 2011 d’organiser un référendum pour s’assurer de l’accord de la population. Ce qui a suscité un tollé à l’échelle des autres pays de la zone euro. Certains l’ont présenté comme une forme de “prise en otage” de l’Union européenne.
Voilà qui illustre la tension entre deux échelles: l’échelle de la zone euro et l’échelle nationale. Ce qui renvoie plus largement à la nature de la construction communautaire: une organisation à laquelle des Etats qui entendent conserver une part de souveraineté acceptent de concéder des pans de souveraineté dans l’espoir d’un gain. Notons que tous les chefs de gouvernement des pays membres de l’Union européenne doivent composer avec leur terrain politique national. Madame Angela Merkel, Chancelière d’Allemagne, n’a-t-elle pas elle-même été ralentie dans ses prises de décision des derniers mois en partie à cause de ses contraintes intérieures ?
Le boomerang de la démocratie
L’Europe communautaire a été construite après la Seconde Guerre mondiale, alors que les tensions entre pays membres – dont l’Allemagne et la France – restaient sous-jacentes. La représentation de la menace soviétique a cependant été un facteur “facilitateur”. Après l’échec de la Communauté européenne de défense (CED), l’Europe communautaire s’est faite par la règle et la loi en contournant le débat démocratique public sur la nature et de degré des transferts de souveraineté à concéder de l’échelle nationale à l’échelle communautaire. Il en résulte un déficit démocratique de la construction communautaire, longtemps tabou, finalement admis par les autorités politiques depuis le sommet de Nice (2000).
Cette semaine, la tentation du Premier ministre grec de soumettre le plan d’aide à un référendum illustre la tension constitutive de la construction européenne entre deux procédures démocratiques. La première est le référendum qui invite les électeurs à répondre par oui ou par non à la question posée. Notons que personne en France ne conteste la légitimité du référendum de mai 2005 au sujet du projet de traité constitutionnel pour l’UE, auquel les Français ont répondu non, plaçant l’UE en “coma léger” durant deux ans. La seconde procédure passe par la démocratie représentative, c’est à dire le recours à un vote par le Parlement élu démocratiquement du pays considéré. Certains pays ont le choix entre ces deux procédures, d’autres non. L’Irlande, par exemple, doit obligatoirement passer par la voie référendaire. Et chacun sait que par deux fois les Irlandais qui avaient voté majoritairement non (traités de Nice puis de Lisbonne) … ont été invités à voter une deuxième fois, oui.
Dans le cas grec, la première semaine de novembre a été marquée par une valse hésitation entre les deux options.
Au delà de cette actualité, l’Union européenne aura à affronter bien d’autres fois ses contractions entres les différences échelles qui la composent et à trouver un jour une solution pour réduire son déficit démocratique. Rappelons que les trois dernières élections pour le Parlement européen ont été marquées par une participation inférieure à 50%. Voilà encore une des contradictions de la démocratie qu’est l’Union européenne.
Les opinions exprimées dans ce blog sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’Ecole des affaires publiques et internationales de Glendon.