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Comment financer les universités?

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Comment financer les universités?

Le débat a repris cette semaine en Angleterre sur le financement de l’éducation post-secondaire. C’est un débat qui divise la fragile coalition au pouvoir, surtout que le parti de Nick Clegg avait promis d’abolir les frais de scolarité. Le débat tourne autour du rapport Browne sur l’éducation post-secondaire qui vient d’être présenté au gouvernement (voici un lien qui donne accès au rapport, http://hereview.independent.gov.uk/hereview/report/). Ce rapport indique clairement que l’éducation à l’université est un bien privé, qui profite à l’individu, et que c’est, donc, à ce dernier de payer pour le privilège. Il est important de noter que le coût de l’éducation post-secondaire en Angleterre est différé, payé après l’obtention du diplôme, lorsque l’ancien étudiant obtient un emploi. Si la formule Browne est adoptée, les frais pourraient varier, entre autre, dépendant de la discipline ou même de l’institution. Le rapport a fait couler beaucoup d’encre.

Je suis, évidemment, un professeur d’université. Faites ce que vous voulez du reste de cette intervention! J’admets, aussi, avant de me lancer, que je me concentre, ici, seulement sur le Canada, de façon plus précise sur le cas de l’Ontario. De plus, je sais très bien que les finances publiques sont précaires. C’est un défi, mais ce n’est pas insurmontable.

Les universités canadiennes ont perdu le nord. La mission première de ces institutions est la recherche et l’enseignement. Sur le plan recherche, il y a eu au cours des années de grandes améliorations. Les jeunes qui entrent dans la profession font de la recherche, de la bonne recherche et ils veulent laisser leur marque. Nous faisons de la recherche, nous publions et nous avançons dans des domaines nouveaux et innovants. Le programme des Chaires de recherche du Canada a été un franc succès. La version ontarienne est en train de faire ses preuves. Mais, il en faut plus. Les professeurs ont besoin de plus de temps, de plus de ressources, de plus de support. Les professeurs doivent aussi avoir la capacité d’explorer, d’être curieux, sans toujours être sous pression de publier immédiatement. Plus que tout autre chose, bien souvent, c’est le temps qui manque.

Du côté enseignement, notre bilan est très mitigé. Nous avons de plus en plus de programmes au cycle supérieur, surtout à la maîtrise. Ces programmes sont intéressants et attirent un nombre toujours croissant d’étudiants. Au niveau du premier cycle, le constat est simple, c’est l’échec. Je sais, le langage est dur. Je peux adoucir si vous voulez, mais ça ne change rien à mon évaluation. Nous avons abandonné. Dans les grandes institutions, les étudiants au baccalauréat, c’est des clients qui paient, sans plus. Les cours sont offerts par des contractuels, des chargés de cours. Les assistants sont plus ou moins intéressés, conscients que leur propre avenir est dans la recherche. Les professeurs veulent enseigner aux cycles supérieurs, ne superviser et ne travailler qu’avec les meilleurs. Les étudiants achètent le diplôme. Dans les petites universités, là où l’enseignement au baccalauréat devrait être primordial, on a également lancé la serviette. On a abdiqué. La mission des professeurs dans ces universités était de faire du mentorat pour permettre à l’étudiant de grandir et d’obtenir l’attention qu’il avait besoin pour atteindre son potentiel. Il y a maintenant dans ces institutions un manque flagrant de professeurs, il y a un sérieux manque de ressource. Le mentorat, c’est plus important que jamais, mais c’est de plus en plus de l’histoire ancienne. On ne remplace plus lorsque quelqu’un part à la retraite, ou lorsque quelqu’un quitte pour d’autres raisons. Les programmes dans les grandes et petites universités ont trop souvent perdu de leur cohérence. Comment être cohérent lorsqu’il n’y a plus de professeurs?

Oui, j’y viens. Les universités manquent d’argent. En gros, c’est cela le problème. Pour faire de la recherche, pour enseigner à tous les niveaux, il faut des professeurs, à temps plein, permanents. Pour embaucher des professeurs, il faut des piastres. La santé prend presque 50% des budgets provinciaux au Canada. Le reste est divisé, et divisé à nouveau. Les universités ne reçoivent presque rien. Suite à la revue Rae en Ontario en 2006, le gouvernement a semblé vouloir changer la donne. La crise financière, économique et des finances publiques sert maintenant d’excuse au sous-financement. Les gouvernements, les entreprises ou même les individus sont prêts à investir dans l’infrastructure. De nouveaux buildings, ça se vend bien! Investir dans des professeurs, certainement trop payés, trop gras, ça ce n’est pas profitable. Personne ne veut le faire. Je me souviens lorsque j’étais au doctorat on me disait qu’il y aurait bientôt, avec les changements démographiques, une pénurie de professeurs. Quelle farce! Les bons postes sont rares. Vive le chargé de cours, l’homme (ou la femme) à tout faire du monde universitaire, citoyen de second ordre.

Parlons, donc, du financement de nos institutions. Quelles sont nos options, quelles sont les solutions?

1) Libéraliser les frais de scolarité. C’est une option, comme une autre, mais cela ne serait sans doute pas suffisant. De plus, l’accessibilité devient alors un enjeu important, cela même si on demandait aux universités d’hausser l’aide aux étudiants.

2) Le paiement en différé. C’est ce que l’on fait en Angleterre. L’étudiant paie une fois ses études terminées. Nos étudiants sortent déjà endettés; ils paient déjà leur éducation après coût, plus intérêt. L’option mériterait d’être réétudiée. Je ne sais pas si cela règlerait le problème du financement.

3) La réorganisation institutionnelle. C’est l’option que l’on étudie en Nouvelle-Écosse, diminuer le nombre d’institutions, encourager les universités à se fusionner. Il pourrait, sans doute, avoir des économies d’échelle à faire si on va dans cette direction. Je ne suis pas certain que l’étudiant, et par conséquent la société, serait mieux servi suite à une réorganisation. Les petites institutions avaient par le passé une mission claire, si seulement on leur donnait la chance à nouveau de bien l’exercer.

4) L’éducation est un bien public. L’État pourrait recommencer à subventionner massivement les universités. Et, pourquoi pas? L’éducation gratuite, si l’étudiant remplit des critères stricts à l’entrée… Pourquoi pas des tests d’entrées? Si l’étudiant passe, il va à l’université et c’est gratuit. Si l’étudiant ne passe pas, il doit considérer d’autres options. Il n’est pas nécessaire d’encombrer les universités davantage. Oui, en effet, cela contrôlerait le nombre d’étudiants. Nous acceptons les ‘bons’ étudiants. Pour les autres, nous pourrions, comme société, élaborer d’autres options pour qu’ils se retrouvent sur le marché du travail, ou pour qu’ils puissent, s’ils le veulent, éventuellement se qualifier pour l’université.

Vous l’avez compris, je suis frustré. Je ne dis pas que le système ne fonctionne pas, je dis qu’il est sérieusement brisé et que nous avons le devoir de le réparer. Entre le discours sur la société du savoir et la pratique, il y a une sapré différence! Je ne dis pas que je possède la solution, la réponse. Je suis ouvert à vos suggestions. Je comprends que lorsqu’on se compare, on se console. J’ai passé six mois dans une université en France cette année. Ce pays a ses défis. Ce n’est pas une excuse pour ne pas faire mieux. Tout ceci n’est pas nouveau, ce qui ne veut pas dire que l’on ne devrait plus en parler, que le constat est faux.

Si nous voulons vraiment créer une société du savoir, si l’information est la ressource essentielle du futur, il faut agir en conséquence. Il est temps de considérer des changements, parfois drastiques, à nos approches. La base est là, mais si on ne bouge pas, on risque de perdre beaucoup dans les années à venir. Que vous le voulez, ou que vous ne le voulez pas, nous avons besoin de plus de professeurs!

Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

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