Une réforme significative?
Le Comité de Bâle a annonçé cette semaine une réforme importante des standards internationaux pour la réglementation et la supervision des banques. Le Comité en est arrivé à une entente sur un nouveau ratio de fonds propres. Le ratio sera relevé à un minimum de 7%. Ce nouvel accord, ce Bâle III, sera présenté pour approbation au G20 en Corée du Sud en novembre. Cette réforme, n’en doutons pas, est la plus importante jusqu’à présent faisant suite à la crise financière de 2007-2009.
Cet accord, en apparence technique, est significatif pour trois grandes raisons. Premièrement, les standards du Comité s’appliquent à l’échelle de la planète. Pour plusieurs observateurs, la crise a exposé le manque de coordination à l’échelle internationale dans la supervision et la réglementation des banques. Les accords de Bâle précédents n’ont pas aidé à prévenir la crise. Bâle II était en fait très dépendant pour sa mise en œuvre des banques elles-mêmes; le succès de l’accord reposait sur ce que l’on appelle parfois, dans la littérature en relations internationales, le bon exercice de l’autorité privé. Bâle III ne remet pas tout en question, mais l’accord force les banques, tout au moins, à garder considérablement plus de capital, du capital de qualité, en réserve.
Deuxièmement, le travail du Comité de Bâle est à la fois politique et technique. Lors des rondes précédentes de négociations, le Comité servait de champs de bataille entre États. Lors de Bâle II, les USA et l’Allemagne, tout particulièrement, s’opposaient. Il a fallu plus de cinq ans pour en venir à une entente. Bâle III est important parce qu’on semble avoir réussi à surmonter ces divisions nationales. Je suis convaincu que tous les représentants nationaux ont tenté de défendre les intérêts des firmes de leurs pays, mais il semble y avoir eu un réel effort pour aplanir les différends nationaux et trouver un compromis. Les négociations furent rapides et efficaces.
En troisième lieu, le nouveau standard aura un impact sur les opérations des banques. Il faut se rappeler que Bear Sterns a chuté parce que les acteurs du marché ne croyaient pas que l’institution avait, ou pouvait obtenir, suffisamment de liquidités pour répondre à toutes ses obligations. Les banques devront maintenant garder beaucoup plus d’argent en réserve. Nous avons déjà entendu, à cet égard, un certain nombre de critiques. Entre autre, si les banques sont obligées de garder plus d’argent, elles en prêteront moins, ce qui enlèvera des fonds de l’économie réelle. Il y aura, donc, des milliards en réserve amassés quelque part qui en apparence ne serviront à rien, qui seront hors de circulation. Cela étant dit, le nouveau ratio de fonds propres se veut un compromis. Il s’agit de s’assurer que le système financier est à la fois sécuritaire, et qu’il puisse jouer son rôle en ce qui concerne l’allocation des ressources de façon efficace. N’oublions pas également que nous payons encore les coûts de la dernière crise financière.
Bàle III n’est pas parfait. Ce n’est pas une réponse complète à la crise financière et économique. L’accord ne règle pas tous les problèmes associés à la crise. L’entente ne traite pas de la titrisation. Bâle III ne réglemente pas les fonds spéculatifs; ce n’est pas du mandat du Comité. L’entente ne fait rien par rapport aux questions éthiques et morales. La cupidité, l’insouciance, l’arrogance et l’ignorance demeurent des facettes plus ou moins cachées du monde de la finance. Bâle III, après tout, ne s’applique qu’aux banques, des entités déjà très réglementées. Bâle III dépend pour sa mise en œuvre de la bonne volonté de tous les acteurs, tant publics que privés. En même temps, Bâle III est nécessaire. Ce n’est pas que Bâle II était un échec. Au moment de la crise, la mise en œuvre de Bâle II n’était même pas terminée. La crise, de façon abrupte, a toutefois démontré les limites et certaines des faiblesses du régime international. D’un point de vue politique et économique, il fallait mettre à jour Bâle. Les gouverneurs des banques centrales des États les plus importants se sont, donc, attelés à la tâche.
Pour ceux qui veulent bien comprendre l’historique du Comité de Bâle, son rôle et son importance, il est possible de lire le livre de Duncan Wood, Governing Global Banking : The Basel Committee and the Politics of Financial Globalization, publié en 2005. Le livre présente de manière détaillée les négociations qui ont menées à Bâle II.
Plusieurs voulaient voir, suite à la crise, des changements importants en ce qui concerne la supervision et la réglementation des banques, Bâle III est un pas dans la bonne direction. Reste à voir s’il y aura d’autres suites…
Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.
Une analyse très intéressant sur la mise à jour du traité de Bâle. Il est vrai que cela ne concerne que les banques, mais comme ils sont les acteurs probablement les plus importants de monde financier leur influence est grande.
Donc, si les banques se conforment aux nouvelles règles du traité cela aura un impact certain sur l’ensemble de l’univers monétaire et financier.
Refroidissons les ardeurs, pour être bien équilibré. Le G20 est en novembre, il nous faut attendre la réaction des chefs de gouvernement. Les États doivent adopter ces nouvelles règles au niveau national, avant qu’elles ne s’appliquent. Les banques auront aussi dans certains cas presqu’une décennie pour se comformer. L’échéancier aurait dû être un peu plus serré. Avant que tout soit en place, beaucoup de choses peuvent se passer, incluant, possiblement, une autre crise.