La puissance et le nombre
La puissance passe-t-elle par le nombre ? En matière militaire la relation entre la puissance et le nombre n’est pas systématique.
En partie à cause de représentations héritées de la Guerre froide, on peut pourtant avoir aujourd’hui encore tendance à hiérarchiser la puissance relative des Etats à partir de critères “arithmétiques”. La comptabilité des ogives nucléaires ne suffit pas à rendre compte de la puissance des Etats. En effet, les conflits du temps présent ne sont pas uniquement une affaire de chiffres. La confrontation des nombres sur le terrain n’est pas synonyme de succès garanti. 20 soldats armés de Kalachnikov peuvent permettre de marquer des points décisifs sur le terrain politique. Ce qui renvoie, par ailleurs, à la question des médias.
C’est pourquoi “les armées modernes doivent aussi être capables d’engager un dialogue avec l’adversaire. Et pour cela, le savoir faire est plus utile que le nombre”, confiait le général Eric de Bonnemaison, directeur de Saint-Cyr, lors de son intervention au 2e Festival de Géopolitique. Dans le contexte présent, la réduction du format des armées européennes n’est pas – en soi – dramatique. Mieux vaut un outil rationnel, efficace et employable qu’une armée pléthorique.
Reste à savoir, cependant, s’il est possible d’engager un dialogue avec l’adversaire après l’avoir diabolisé pendant plusieurs années. Chacun pense ici à l’Afghanistan.
Notons que cette guerre a fait durant l’été une “victime collatérale” inattendue. En effet, après avoir publié dans le journal Le Monde daté du 2 juillet 2010 des propos critiques sur la stratégie de l’Otan sur ce terrain, le général Vincent Desportes a été mis sur la sellette par sa hiérarchie. Question subsidiaire: quelle sera l’incidence de cet évènement sur la diffusion de la réflexion stratégique que le général V. Desportes s’attachait à encourager auprès des officiers stagiaires du Collège interarmées de défense ? Combien – pour en revenir à la question du nombre – reverront leurs intentions de publication à la baisse ? Or, en matière de réflexion stratégique, la qualité passe cette fois par la quantité des experts capables d’exprimer une pensée consolidée.
Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’Ecole des affaires publiques internationales de Glendon.