Réglementer tout, absolument tout!
Vous avez probablement remarqué cette information il y a de cela quelques semaines: la recette de l’armée américaine pour faire des brownies est de 26 pages. La recette doit être suivie à la lettre, scrupuleusement. Après tout, le brownie doit survivre à une attaque nucléaire! Je n’en ai, évidemment, jamais mangé. Il paraît qu’ils sont un peu secs! Réglementer tout, absolument tout!
Je suis en conférence cette semaine à Dublin. Le titre de la rencontre, ‘Regulation in the Age of Crisis’. La crise financière et économique en Irlande est loin d’être terminée. Le gouvernement fait toujours face, ici, à une situation déficitaire très difficile. La situation n’est pas tout à fait la même qu’en Grèce ou qu’en Espagne. Le gouvernement irlandais a agi de son propre chef, de par l’urgence de la situation. Il y a eu du gaspillage, mais la gestion des deniers publics n’a pas été aussi mauvaise que dans le Sud de l’Europe. La population accepte assez bien les mesures d’austérité. Le tigre celte n’est plus, pourtant le pays a encore confiance. Les bons jours, la croissance, reviendront.
La réglementation est l’une des caractéristiques les plus évidentes de notre époque. Avec le néo-libéralisme, les gouvernements taxent moins, offrent moins de services, cependant, ils réglementent plus. Il n’était pas inhabituel, il y a de cela quelques temps, de parler d’État régulateur. Il y a la réglementation publique, qui provient des gouvernements, et la réglementation privée, qui régit, par exemple, encore une bonne partie des marchés financiers. Les effets de la réglementation, d’un manque de réglementation, d’une mauvaise réglementation, ou d’une réglementation mal appliquée, sont très importants (ex. crise financière et économique, la catastrophe environnementale dans le Golfe du Mexique).
La réglementation est technique. Elle résulte de délibérations d’experts. Elle représente un certain consensus sur la bonne façon de faire quelque chose. C’est justement parce qu’elle est si technique qu’elle pose des problèmes du point de vue démocratique. Comment entendre le citoyen lorsque les considérations sont supposément si complexes? La réglementation, en théorie, est là pour protéger. L’intérêt du citoyen, cependant, n’est pas toujours pris en compte. D’un côté, il y a le bureau, ou l’agence, qui réglemente. De l’autre, il y a l’entreprise qui est réglementée. Il y a négociation et entente. Parfois, il est possible de parler de capture réglementaire, lorsque l’entreprise réglementée exerce trop d’influence auprès du régulateur. Le public, lui, est alors oublié.
La réglementation est omniprésente. Elle est souvent, bien entendu, nécessaire. Elle est parfois cocasse ou exagérée. Elle est parfois abusive. Elle entrave parfois nos libertés. Cela dépend des intérêts en jeu. Qui ne se souvient pas, pour prendre un exemple parmi tant d’autres, que pendant des années la margarine au Québec devait être blanche ou jaune fluorescente. L’industrie québécoise des produits laitiers y tenait mordicus, histoire de différencier la margarine du beurre. L’objectif, clairement, était de protéger l’industrie, et non le citoyen. Comme si le québécois était plus niaiseux que son voisin ontarien, qu’il n’était pas capable de faire la différence entre la margarine et le beurre! Le changement de réglementation est relativement récent. Il est survenu à cause d’impératifs commerciaux, accords pan-canadiens et internationaux, autres. Des exemples, comme celui-ci, il y en a à la pelletée.
Tout cela pour dire que comprendre le processus réglementaire, c’est essentiel pour comprendre comment comme société nous nous gouvernons. C’est un peu l’objectif de cette conférence. Comme d’habitude, je vous tiens au courant si j’entends quelque chose d’intéressant.
Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.