L’Union pour la Méditerranée dans l’impasse ?
Lancée le 13 juillet 2008 lors du Sommet de Paris, l’Union pour la Méditerranée est-elle dans l’impasse ou en phase de décollage ? Les responsables français à l’origine de cette initiative devenue communautaire confiaient en 2009: “Le vrai bilan, ce sera l’UpM deux ans après. C’est alors seulement qu’il faudra rendre des comptes”. Où en est-on à l’approche du deuxième anniversaire ?
De quoi s’agit-il ?
La Méditerranée reste une zone de clivage Nord / Sud. Au nord, se trouvent généralement des pays riches, avec des poches de pauvreté relative comme les Balkans. Au sud, se trouvent des pays souvent assez pauvres, mais avec des zones de prospérité relative comme la Lybie… qui ne fait par partie de l’Union pour la Méditerranée. A l’est, Israël est une enclave du “Nord”, incapable de trouver une issue constructive à la crise israélo-palestinienne. Depuis les années 1970, de multiples tentatives ont été lancées pour créer des relations plus positives entre les deux rives: Dialogue euro-arabe, Dialogue 5+5, Processus de Barcelone, Politique européenne de voisinage… avec des résultats modestes. L’Union pour la Méditerranée officiellement initiée voici près de deux ans se voulait une nouvelle tentative de partenariat. L’UpM compte à ce jour 43 pays membres à part entière, soit quatre pays de plus que le partenariat euro-méditerranéen, ainsi que la Ligue arabe qui a obtenu d’y participer de plein droit après de difficiles tractations diplomatiques. Les 27 pays membres de l’Union européenne en sont membres, même ceux qui n’ont aucun rivage méditerranéen, contrairement aux voeux initiaux de N. Sarkozy. Le Secrétariat général de l’UpM est situé à Barcelone (Espagne), confié depuis peu au Jordanien Ahmed Jalaf Massadeh.
Le nerf de la paix
Au-delà des effets d’annonce autour de projets qui ne sont souvent que des relances d’idées antérieures, il importe de savoir quel prix les membres de l’UpM sont prêts à payer pour son succès. Dans un premier temps, la réponse a été modeste. Pour sa part, la Commission européenne déclare avoir mis au pot 90 millions d’euros de juillet 2008 à fin 2010. Les volumes par projet sont faibles: 32 millions d’euros pour la Facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat, 22 millions d’euros pour la dépollution de la Méditerranée, 7,5 millions d’euros pour les “autoroutes de la mer et autoroutes terrestres”, 5 millions d’euros pour le plan solaire, et 1 million d’euros pour une Université en Slovénie.
385 millions d’euros sur la table
L’approche du 2e anniversaire a probablement contribué à un décollage des facilités d’investissement. En effet, le 26 mai 2010 la diplomatie française annonce la finalisation d’un fonds d’investissement de 385 millions d’euros – Inframed – destiné à financer les projets de l’UpM. Inframed est lancé conjointement par la Caisse des dépôts française (150 millions d’euros), la Cassa Depositi e Prestiti italienne (150), la Banque européenne d’investissement (50) la Caisse des dépôts et de gestion du Maroc (20) et la banque égyptienne EFG (15). Par un effet de levier, Inframed prétend mobiliser à terme 1 milliard d’euros. Ce qui changerait l’ampleur de l’UpM.
Pourquoi un démarrage si difficile ?
Nul ne sait de quoi demain sera fait. En revanche, on peut se demander pourquoi l’UpM a démarré si difficilement. Il existe deux raisons majeures.
Premièrement, le projet a été lancé avec beaucoup de maladresse. Bien que fort d’une solide expérience politique, Nicolas Sarkozy a lancé cette idée alors qu’il était seulement candidat à l’élection présidentielle, sous un autre format. S’imaginer que les autres pays membres de l’Union européenne allaient se sentir engagés par une promesse électorale lancée à l’échelle nationale, c’était ne rien comprendre à la dimension désormais communautaire des politiques. L’Allemagne fédérale d’Angela Merkel s’est fait un devoir de donner à Paris une leçon de savoir vivre communautaire. Résultat, le projet a été recadré et revu … à la baisse.
Deuxièmement, le conflit israélo-palestinien pèse de tout son poids sur l’UpM. Six mois après le Sommet de juillet 2008, Israël lance l’opération “plomb durci” sur la bande de Gaza, entre le 27 décembre 2008 et le 17 janvier 2009. Nul besoin d’être stratège pour comprendre que cela a tendu les relations entre pays membres de l’UpM. Les réunions ont été suspendues pendant plusieurs mois. Plus récemment, l’assaut des forces spéciales israéliennes – le 31 mai 2010 – contre une flottille cherchant à percer le blocus de Gaza est venu rappeler à tous que la crise israélo-palestinienne impacte les relations dans la région.
Si les maladresses initiales semblent dépassées par la volonté politique, cela n’impose pas une solution à la crise israélo-palestinienne. Ce qui risque d’obérer le développement de l’UpM. Pour autant, les nouveaux moyens d’investissement mis à disposition peuvent avoir un effet de levier.
Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’Ecole des affaires publiques et internationales de Glendon.