L’UE et la Grèce
Depuis la fin de semaine passé, il y a eu de nombreux commentaires sur les plans d’aide à la Grèce et de stabilisation de l’euro concoctés par l’UE et le FMI. Les commentaires qui m’ont intrigué le plus sont ceux qui font référence à l’Argentine. La crise argentine se déroule de 1998-2002. La situation financière de l’État en Argentine est alors semblable à ce que l’on retrouve aujourd’hui en Grèce. Au début de la crise, le gouvernement argentin, obéissant au FMI, choisit la rigueur. Mais clairement, la situation ne s’améliore pas et il faut trouver d’autres solutions. Le gouvernement prend alors des mesures extrêmes. Le peso argentin est dévalué, lui dont le cours était fixé au dollar américain. Plus important, le gouvernement annonce qu’il suspend le repaiement de sa dette. Les créditeurs devront attendre. Le gouvernement Bush aux USA supporte la décision du gouvernement argentin, choisissant de ne pas faire le jeu les marchés (l’une des sages décisions de cette administration). La situation en argentine se stabilise, non sans quelques heurts, bien entendu. Sauf, qu’une fois le pire passé, c’est le retour de la croissance, grâce en partie à la montée des prix des matières premières. Il y assainissement des finances publiques. L’Argentine a pu aussi renégocier sa dette. Je ne suis pas expert, mais ça m’apparaît un succès sur toute la ligne.
Comparons, donc, la crise argentine à la crise grecque. La Grèce recevra un montant massif d’argent au cours des deux prochaines années pour repayer ses créditeurs et s’assurer de la bonne foi des marchés. Le gouvernement doit continuer avec un programme d’austérité drastique. L’économie grecque risque d’être en récession prolongée. Il faut faire preuve d’un optimisme sans borne pour croire que les choses iront mieux en Grèce d’ici peu. C’est une reconstruction à très long terme. Les plus touchés, sans contredit, le citoyen grec, qui paiera plus cher pour tout, qui paiera plus d’impôt, qui gagnera moins, qui perdra des bénéfices acquis, qui devra se serrer la ceinture. La Grèce a été mal gouvernée pendant des années. Ça, c’est clair. Il faut que ça change, difficile de le nier. Le plan d’aide de l’Europe et du FMI, ainsi que les efforts du gouvernement, vont-ils dans la bonne direction pour amener le changement désiré? Ça, c’est plus compliqué.
Voyons-voir si je comprends bien. Les marchés s’en prennent à un pays. Ils l’amènent au bord du précipice. Et, ils se font récompenser avec de l’argent public, de l’argent du contribuable. Je me trompe où c’est un autre plan de secours pour les marchés qui n’en avaient, cette fois-ci, vraiment pas besoin? Les USA ont poussé pour cette aide, et désirent ardemment la stabilisation de l’Euro. Au contraire de Bush Jr., Obama préconise une solution en faveur des marchés. Les grecs, dans tout cela, on les blâme ou on les oublie; ils sont les architectes de leur propre malheur. En passant, la situation grecque n’est pas nouvelle. Si les investisseurs avaient bien fait leur devoir, ils l’auraient remarqué avant. S’ils avaient réagit avant, en s’abstenant d’acheter des bons du gouvernements grec, au lieu d’agir maintenant en masse et de façon hystérique, ils auraient peut-être forcé un changement en douceur. Ne récompense-t-on pas ici de surcroît l’incompétence des investisseurs?
Imaginons un scénario autre. La Grèce utilisant l’Euro ne peut pas suivre la voie de l’Argentine et dévaluer sa monnaie. Elle aurait pu, cependant, suspendre ses paiements, comme l’a fait l’Argentine. L’UE aurait alors pu venir en aide à la Grèce pour une réforme de la gouvernance, et pour stimuler l’économie. Avec de l’argent neuf, l’économie pourrait reprendre de la vigueur. La Grèce serait alors en bonne position pour restructurer sa dette, éventuellement la repayer. Le tout serait aussi une bonne leçon pour les marchés. Je rêve peut-être en couleur, mais je ne vois pas en quoi ce scénario est irréaliste, un peu simpliste, je l’avoue, mais pas complètement fou. L’Argentine s’en est sorti, pourquoi pas la Grèce?
L’Europe parle beaucoup de solidarité. S’agit-il d’une nouvelle solidarité avec les marchés financiers?
Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.