Dans la nuit du 31 mai
J’écris ce blog lundi matin heure de France. Il est tôt pour commenter sur ce qui s’est passé le long de la côté de Gaza dans la nuit de dimanche à lundi. À l’heure où j’écris, il n’y a pas encore un bilan confirmé des morts (jusqu’à seize?), ni des blessés (une trentaine?). L’ONU et l’UE on réagi, la Turquie aussi, mais il manque à tout observateur beaucoup d’information pour se faire une opinion définitive. J’offre, donc, quelques réflexions à chaud par rapport aux événements de cette nuit tragique.
Israël parle de provocation. Bien entendu, c’est juste. Alors pourquoi les israéliens sont-ils tombés dans le panneau? Sur l’un des six bateaux, il y avait un prix Nobel de la paix. Il y avait des parlementaires et des journalistes. Pourquoi prendre le moindre risque, surtout que lors d’un assaut tout peut arriver? Quels auraient vraiment été les effets à long terme si la flottille avait passé le blocus? Si les bateaux s’étaient rendus à Gaza? Quelques jours de bonne publicité pour les activistes, sans plus? Israël aurait protesté, réaffirmé aussi qu’elle gardait le blocus en place. Tout aurait alors continué, comme avant. Là, il y a eu assaut militaire, des morts, des blessés. L’armée israélienne apparaît en agresseur, même si ce n’était pas tous des enfants de cœur de l’autre côté, même si certains activistes étaient prêts pour la bataille. Pour employer l’expression anglaise, cette histoire-là aura des jambes, de longues jambes.
Les activistes, de leur côté, voulaient pousser Israël jusqu’au bout. Ils ont de façon perverse atteint leurs objectifs. Plusieurs des activistes entretiennent des relations douteuses avec des terroristes, ce qui en fait selon moi, tout au moins, des sympathisants terroristes. Ils sont aussi responsables de la violence de la nuit dernière. Les activistes ne souhaitaient probablement pas qu’il y ait des morts. Sauf que les plus durs ne seront pas complètement déçus de la tournure des événements. Ils voulaient faire mal paraître Israël, ils voulaient de l’attention, ils voulaient foutre le trouble. À ce niveau-là, c’est réussi.
Sommes-nous plus prêts aujourd’hui du but ultime, d’un État palestinien libre? J’en doute. Israël sera sur la défensive, le pays se repliera. Cette violence ne fera que compliquer toute négociation de paix. Elle retardera tout processus, tout effort légitime de paix.
Personne ne gagne, tout le monde perd. Plusieurs vies humaines gaspillées. Beau bilan!
Petit commentaire sur Israël. Ces dirigeants ne comprennent toujours pas qu’ils sont en train de perdre et cela depuis plusieurs années maintenant la guerre des relations publiques. Israël a tous les atouts pour mettre de l’avant un narratif convaincant par rapport à la nécessité d’un État hébreu fort. Pourtant il y a incapacité à faire passer le message. Rappeler l’Holocauste, la persécution du peuple juif, quoi que toujours pertinent, n’est plus suffisant. Israël donne trop souvent l’image du ‘bully’. La Palestine se radicalise, mais c’est l’État hébreu qui paraît mal. Les israéliens doivent trouver une réponse convaincante à ce paradoxe.
Revenons aux événements de la nuit dernière. Israël aura à se défendre sur toutes les tribunes, mais la salade sera difficile à vendre. Israël, ici, ne contrôlera pas le message du tout. Il y avait trop de gens présents, des témoins dont certains sont assez crédibles. Les extrémistes au sein des activistes ont tout de même trouvé le tour de bien s’entourer. Nous ne connaissons pas encore la version officielle du gouvernement israélien, mais nous savons qu’elle sera contestée sur toute la ligne.
Durant la fin de semaine, les israéliens montraient des gens qui mangeaient dans des restaurants de luxe à Gaza. Conclusion selon les dirigeants israéliens, les gens de cette partie de la Palestine ne vivent pas si mal que cela. L’aide humanitaire est superflue. Sauf que, personne n’y croit vraiment. Comment croire qu’il fait bon vivre à Gaza, qu’on ne manque de rien? Une prison, même dorée (ce qui n’est pas le cas ici), reste une prison.
En paroles et images, Israël perd sur toute la ligne!
Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.