Pousses-toé!!!
Il n’y a pas de message plus universel en politique que le changement. Barrack Obama a été élu sur un message de changement. Lorsqu’il y a fatigue avec un gouvernement, lorsque certaines pratiques dérangent, lorsqu’il y a un scandale, les électeurs en appellent au changement. Peu importe qu’il soit de droite ou de gauche, le changement est un phénomène fort. C’est un sentiment dans l’électorat qui se comprend. Un gouvernement trop longtemps au pouvoir n’inspire plus. Il a un bilan, il est critiqué par tous. Les gens veulent mieux. Les gens veulent de nouveaux visages. Ils veulent un peu d’espoir.
Au bout de quelques années, l’électorat est souvent déçu. Difficile pour un nouveau gouvernement, élu sur une plateforme de changement, de vraiment faire bouger les choses. Les institutions opèrent selon des règles fixes difficiles à changer. Certains acteurs restent en poste, malgré tout. Il est facile dans l’opposition de critiquer, mais il est beaucoup plus difficile de gouverner. Il est facile d’émettre des idées sur papier, il devient beaucoup plus difficile de les faire accepter et de les mettre en œuvre. Barrack Obama a fait face à ces difficultés. Les analyses de sa première année au pouvoir ont été assez critiques. Le changement est difficile, c’est pour cela que la science politique parle souvent d’étapisme (‘incrementalism’). Il est plus facile de faire avancer un dossier pas à pas, que d’enclencher de grandes réformes. L’étapisme, bien entendu, ne fonctionne pas lorsque le système est complètement brisé. Indépendamment des espoirs non-comblés, la volonté de changement chez le citoyen, chez l’électeur, n’en est que renforcée.
Tout cela pour dire que ce qui caractérise l’élection britannique en ce moment, c’est cette volonté de changement. C’est puissant et difficile à arrêter. Nick Clegg, le chef du parti libéral-démocrate, représente justement le changement. Il profite du fait qu’il n’est pas Gordon Brown, et qu’il n’est pas David Cameron. Gordon Brown a un passé, un dossier, une histoire. Les gens sont fatigués des travaillistes. Oui, bien entendu, il y a eu la Guerre d’Iraq à l’époque de Tony Blair, ainsi que le scandale des comptes de dépenses. Sur nombre de dossiers, cependant, le bilan travailliste est bon. Gordon Brown n’est pas charismatique, mais il faut reconnaître qu’il est efficace. Au cours des derniers mois, il a su remonter dans les sondages. Il a mené le pays à travers une période difficile, une crise financière et économique. Gordon Brown sait gouverner, il a de l’expérience. Devant la volonté de changement, toutefois, l’expérience ne peut rien.
En ce qui concerne David Cameron, cette élection lui appartenait. Jusqu’à tout récemment, il représentait le changement. Sauf qu’il est attaché à un vieux parti – le parti de Margaret Thatcher. La ‘Big Society’, le grand projet de Cameron pour responsabiliser les gens, est intéressant. C’est tout au moins un bon slogan. Les gens doutent de David Cameron. Incarne-t-il vraiment le changement?
La nouvelle dans cette campagne, c’est Nick Clegg. Bien entendu, Nick Clegg doit transformer cette volonté de changement en vote et ça ce n’est pas évident. Le prochain parlement britannique risque fort d’être minoritaire. Les libéraux-démocrates sont-ils prêts à détenir la balance du pouvoir? Comment exerceront-ils ce pouvoir? Pourront-ils le consolider pour devenir un gouvernement en attente? Peuvent-ils changer pour de bon la politique britannique pour en faire un système à trois partis politiques? Ou, s’avèreront-ils, par manque d’expérience ou pour une autre raison, un échec total (à la Mario Dumont)?
Peu probable, mais… que penser si les libéraux-démocrates gagnaient l’élection, si suffisamment de gens en ont ras le bol qu’ils choisissaient le troisième parti? Gagner, un peu par défaut, parce que les gens croyaient voter pour un parti d’opposition, mais que suffisamment de gens l’ont cru qu’ils en font, par accident, le gouvernement… Nick Clegg a-t-il de la substance? S’il était élu, comment gouvernerait-il? Nick Clegg représente la gauche caviar, c’est quand la dernière fois qu’elle a été au pouvoir, qu’elle a eu l’occasion de mettre son programme en œuvre? Nick Clegg a le momentum. Changement et momemtum, c’est une combinaison extrêmement dangereuse.
Je reconnais la force du changement, mais je n’y crois pas beaucoup. Je suis quelqu’un de plus pratique, de plus pragmatique. Il faut reconnaître, cependant, que ce qui se passe en Grande-Bretagne est fascinant – une possible transformation du genre de ce que l’on a vu au Canada en 1993, un tremblement de terre politique.
La politique vit par le changement.
Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.