Les excuses du Pape
Dans une lettre pastorale, le Pape Benoît XVI s’est excusé en fin de semaine auprès des victimes du scandale sexuel irlandais, ainsi qu’à l’ensemble des catholiques d’Irlande. Pour certains, le geste du Pape est historique. Il reconnaît les fautes de l’Église tout en appelant les Catholiques à rester fidèles. Pour d’autres, la lettre du Pape est bien timide. Je suis du deuxième avis.
L’Église catholique est dans une position difficile. Le scandale des prêtres pédophiles est mondial. Pour que les fidèles gardent la foi, pour assurer sa légitimité, pour favoriser la conversion, l’Église doit faire face publiquement aux multiples erreurs commises. Sauf que l’Église reste très conservatrice et très fermée. De plus, les scandales éprouvent la foi des fidèles. Cette foi, l’Église doit la nourrir. En Occident, les églises sont de plus en plus vides. Si l’Église fait la lumière par rapport aux multiples scandales de pédophilie à travers le monde, les fidèles reviendront-ils? Ou, au contraire, quitteront-ils pour de bon, incapables de pardonner à une institution dont les abus de ses membres ont été si graves? Personnellement, j’ose espérer que l’honnêteté et l’ouverture seraient récompensées, une hypothèse incertaine, mais un pari, il me semble, que l’Église se doit de prendre.
La lettre du Pape se trouve à l’adresse suivante, http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/letters/2010/documents/hf_ben-xvi_let_20100319_church-ireland_en.html . En lisant la lettre, j’ai l’impression que le Pape, au nom de l’Église, n’est pas encore capable d’assumer pleinement les graves fautes de ses prêtres. Le Pape fait un pas dans la bonne direction, mais c’est loin d’être suffisant. Pour l’Église, chaque mot compte. Je me permets, donc, de critiquer deux phrases qui me troublent particulièrement.
Certainly, among the contributing factors we can include: inadequate procedures for determining the suitability of candidates for the priesthood and the religious life; insufficient human, moral, intellectual and spiritual formation in seminaries and novitiates; a tendency in society to favour the clergy and other authority figures; and a misplaced concern for the reputation of the Church and the avoidance of scandal, resulting in failure to apply existing canonical penalties and to safeguard the dignity of every person.
Ce sont des justificatifs, qui n’ont rien à voir avec de vraies excuses. Quelques problèmes de procédures à la sélection, au séminaire, dans la gestion des plaintes… Qu’entend le Pape exactement lorsqu’il parle de l’élévation des prêtres et des autres figures d’autorité dans la société? C’est de notre faute puisque nous avions des attentes trop élevées envers le clergé? Ça ne se tient pas. Au risque d’être insolent… ‘Mes chers fidèles, nous avions quelques problèmes mineurs. Ne vous en faites pas, rien de trop compliqué, quelques ajustements administratifs et tout sera réglé. Ayez confiance en votre bonne vieille Église!’. Ces justificatifs sont bien faibles, pour ne pas dire insultants, pour des fautes (la pédophilie et la culture du secret) si lourdes.
En parlant directement aux victimes irlandaises, le Pape affirme, I know that nothing can undo the wrong you have endured. Faux! Il est vrai qu’il est impossible de refaire le passé. La phrase reste tout de même problématique – une échappatoire. La phrase, qui devrait être éliminée du vocabulaire des excuses peu importe lesquelles, justifie l’inaction puisque rien ne peut être fait pour corriger les torts. Au contraire, l’Église peut agir. Elle peut offrir des excuses senties, à toutes les victimes à travers le monde, sans qualificatifs; elle peut promettre de pourchasser les coupables, de coopérer avec les autorités pour qu’ils soient jugés devant des tribunaux (ce que ne fait pas cette lettre); surtout, elle peut promettre d’être plus à l’écoute, plus ouverte, plus sensible à ses fidèles.
Je suis catholique et je suis pratiquant. Ma foi va bien au-delà de l’Église. J’admets, cependant, qu’il est parfois difficile de faire la profession de foi, … Je crois en la Sainte Église Catholique … Pour le dire, il faut croire en l’institution, qu’elle est, malgré toutes ses fautes, vraiment guidée par Dieu, qu’elle est capable de se repentir, qu’elle saura se transformer, évoluer et grandir. Pour l’instant, le repentir, la transformation, ce ne sont que des vœux, que des prières.
Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.