Avec un peu de recul
Ce semestre j’enseigne un cours d’affaires publiques et internationales à l’IEP de Strasbourg intitulé ‘The War on Terror : The North American Perspective’. En faisant de la recherche pour ce cours, je suis tombé sur ce rapport du ‘Comité d’éminents juristes sur le terrorisme, la lutte contre le terrorisme et les droits de l’homme’ de la ‘Commission internationale de juristes’ (http://icj.org/news.php3?id_article=4453〈=en). Le document a été publié en mai 2009. Le travail premier d’une ONG est la cueillette et la dissémination d’information. Cette tâche est ici exécutée avec brio. Ce type de rapport est essentiel pour informer le débat.
De façon très concrète, le Comité suggère que la plupart des lois adoptées suites au 11 septembre 2001 ne sont pas nécessaires, qu’elles sont mêmes contre-indiquées. Je ne suis pas juriste, mais je trouve l’affirmation intéressante, pour ne pas dire provocante. Les lois, au Canada ou ailleurs, avant 2001 étaient-elles suffisantes pour faire face au ‘nouveau terrorisme’? Le Comité rejette l’exceptionnalisme de la ‘guerre au terrorisme’, comparant la menace à plusieurs situations nationales récentes dont celles en Algérie durant les années 1990. Le Comité reconnaît à plusieurs occasions que l’État à l’obligation de protéger ses citoyens. Il était nécessaire de le faire, cependant, avec les outils institutionnels et légaux existants, développés au fil des ans suites aux atrocités de la Deuxième guerre mondiale; ces outils prenaient en considérations les droits des individus. En gros, le Comité rejette l’évolution du droit international et du droit domestique qui résulte de la lutte au terrorisme. Les gouvernements fautifs doivent maintenant faire demi-tour; les approches doivent êtres revues.
Le Comité met beaucoup l’emphase sur le rôle des agences de renseignements dans le conflit actuel. Le secret nécessaire au monde du renseignement permet trop souvent aux autorités de cacher les excès et les abus. La lutte au terrorisme passe par le renseignement, ce qui n’enlève pas la nécessité d’agir à l’intérieur des lois.
Le constat comme quoi les droits de la personne ont été sacrifiés au nom de la lutte au terrorisme n’est pas nouveau. L’étendue de la faute à l’échelle planétaire n’en est pas moins frappante. L’équilibre entre sécurité et droits de la personne n’a pas été atteint dans le cadre de la ‘guerre au terrorisme’.
Pour ce qui est de la menace terroriste, je ne suis ni faucon, ni naïf. Je reconnais le terrorisme comme l’une des grandes menaces de notre époque, en sachant très bien que nous ne pouvons tout y subjuguer pour l’affronter. Ce qui a manqué de façon générale dans la ‘guerre au terrorisme’, on commence à le voir de plus en plus, c’est un effort de réflexion critique, que permet maintenant le recul aux événements du 11 septembre 2001. Ce rapport est à voir en ces termes, à prendre en considération avec sérieux.
Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.