À la caisse!!!
Doit-on payer les Talibans? C’est la question principale qui ressort de la Conférence de Londres sur le futur de l’Afghanistan. Le Plan Karzai, c’est de réintégrer les Talibans dits modérés dans la société afghane. Pour cela, il faut offrir l’amnistie, des opportunités économiques, pour ne pas dire des emplois, et peut-être même directement de l’argent. C’est la stratégie la plus vieille du monde, payer l’ennemi. Éventuellement, ces Talibans modérés devront aussi être inclus dans l’appareil politique. Le débat n’est pas clos mais les alliés sont prêts à se rallier de façon générale à cette approche. Après tout, il faut prévoir l’après 2011 lorsque les troupes occidentales, tout au moins c’est ce qui est prévu, se retireront progressivement du pays.
Je comprends qu’il faut trouver une option politique et négociée pour ramener la paix en Afghanistan. Je suis mal à l’aise, cependant, face à ce qui est proposé. Disons-le clairement, il s’agit de payer les Talibans. Je trouve l’idée inquiétante et je suis loin d’être convaincu que la stratégie permettra la stabilisation du pays. Je me permets cinq observations.
En premier lieu, la paix ne peut pas être instaurée même en se ralliant les Talibans modérés. Plusieurs des insurgés viennent de l’extérieur du pays. Ils mènent une guerre sainte. Ils n’ont pas intérêt à négocier. Ils ont intérêts à tenir tête à l’Occident. Ces guerriers n’ont déjà pas beaucoup d’appui à l’intérieur du pays; ils n’en ont jamais eu. L’achat des modérés ne réduit pas le problème des extrémistes venant de l’extérieur.
Deux, peut-on faire confiance aux ‘bons Talibans’? Pour une semaine, un mois, un an? Et, s’ils se retournent de bord, s’ils se retournent contre nous? S’ils achètent des armes avec notre argent et tuent nos soldats? Pire, s’ils utilisent notre argent pour financer un ou des actes terroristes à l’étranger? Les alliances sur le terrain en Afghanistan sont très fragiles.
Trois, l’Afghanistan fait face à plusieurs problèmes, dont celui de la gouvernance et de la corruption. Comment maintenant faire confiance à Hamid Karzai, surtout suite à la fraude électorale de l’automne passé? Les Talibans eux-mêmes auront-ils confiance en Mr. Karzai? L’un des objectifs premiers, au-delà de la croissance économique, doit être de rebâtir la structure de gouvernance en Afghanistan. Il s’agit de redonner confiance au peuple Afghan, et de démontrer au Taliban que le régime en place est solide.
Quatre, les Talibans ont déjà de l’argent. Ne font-ils pas le commerce de l’opium? Eux aussi, ils peuvent acheter du support. Il est même possible d’entrevoir une situation de surenchère.
Cinq, par l’entremise de drones, l’armée américaine intervient de plus en plus souvent au Pakistan. Il y a eu au moins onze attaques de drones sur des cibles pakistanaises en janvier. La situation au Pakistan, pays qui s’approche dangereusement de la guerre civile, ne tient qu’à un fil. Sans un Pakistan stable, il est difficile d’imaginer un Afghanistan stable.
Les américains dépensent cinq milliard de dollars par mois pour la guerre en Afghanistan. Les trente mille soldats supplémentaires promis par le Président Obama en novembre ne sont pas encore sur le terrain. Avant de payer, de négocier en position de faiblesse, il faudrait peut-être attendre un peu plus le développement de la situation pour voir si cet ajout de troupe calmera le jeu.
Il y a plusieurs questions en ce qui concerne l’Afghanistan; il n’y a pas de bonnes réponses, de réponses satisfaisantes. D’une certaine façon, c’est pourquoi les pays Occidentaux restent avec le Président Karzai et pourquoi ils sont prêts à accepter, voir même financer, son plan. Sauf que c’est risqué, très risqué… Malgré Londres, les pièces du casse-tête restent tout à fait éparpillées!
Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.