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UE: méthode de crise, crise de la méthode

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UE: méthode de crise, crise de la méthode

“Lorsqu’une crise survient, les responsables politiques cherchent moins à résoudre la crise qu’à l’instrumenter pour faire avancer au mieux leurs pions”. Le propos est peut-être cynique mais il sort de la bouche d’un diplomate européen, lors d’une conférence commune voici quelque temps. Formé à la géopolitique, fort d’une expérience d’Ambassadeur, son propos mérite réflexion à la lumière de la crise de l’euro.

En effet, les dernières semaines ont vu s’affronter deux discours.

“Sortons de l’euro!” disent les uns

Le premier discours, minoritaire sur le plan médiatique, prend appui sur la baisse de l’euro par rapport au dollar pour en dénoncer les insuffisances congénitales… afin de tenter d’y mettre fin. Autrement dit, la crise est instrumentée pour sortir de l’Union monétaire. Le député souverainiste français Nicolas Dupont-Aignan appelle ainsi à “sortir de l’euro”. Il affirme que “le retour aux monnaies nationales est le préalable à un nouveau départ pour l’Union européenne“. Comment ? Nul ne le sait, mais l’histoire a démontré que tout est possible, le meilleur comme le pire. Aussi l’argument d’autorité – “c’est impossible” – manque-t-il… d’autorité. Reste à savoir quels seraient les coûts et avantages d’une telle procédure. Bien évidemment, personne ne le sait vraiment.

“Plus d’Europe !” répondent les autres

Le deuxième discours, majoritaire sur le plan médiatique, instrumente la crise grecque et la baisse de l’euro pour avancer d’une case dans la construction d’une Europe communautaire plus fédérale. Cela se fait à travers la mise en place progressive d’une gouvernance économique de la zone euro. Et le lancement d’un “débat” sur la nécessité d’un contrôle des budgets nationaux par la Commission européenne avant leur présentation devant les parlements nationaux. Le président de l’Assemblée nationale française, Bernard Accoyer, a ainsi déclaré: “C’est une période cruciale dans la construction européenne. Installer une gouvernance européenne, c’est forcément accepter une certaine forme de partage de souveraineté. Nous mettons les pieds sur une voie de plus grande intégration.” Et dans la foulée, nombre de gouvernements européens – y compris en dehors de la zone euro – annoncent des plans de rigueur budgétaire. Les déficits publics ne sont pas une nouveauté dans plusieurs pays européens, ils ont été patiemment construits par une série de gouvernements de tous bords… mais la crise offre l’opportunité d’une cure d’amaigrissement.

Bravo, bien joué.

Crise de la méthode

Nul n’en connaît à l’avance les résultats, mais il faut admirer la pirouette. Cependant, la technique qui consiste à instrumenter une crise pour aller plus avant dans la construction européenne souffre de quelques faiblesses.

D’abord, cette méthode renvoie à une pratique historique de la construction communautaire: externaliser la contrainte. Autrement dit, les dirigeants des pays membres de l’UE consentent en toute connaissance de cause des transferts de souveraineté au bénéfice d’organes communautaires afin de ne pas avoir à assumer devant leur opinion publique le prix politique d’une décision qu’ils jugent nécessaire, à tort ou à raison. Les pays fondateurs ont inventé voici longtemps cet usage que les nouveaux membres ont appris avec une facilité déconcertante: participer en comité restreint à une décision, puis revenir dans sa capitale et déclarer avec conviction: “Je me suis battu comme un lion pour défendre nos intérêts… mais Bruxelles nous impose de [compléter selon les circonstances]”. La dimension démocratique de cette pratique reste à démontrer. Bon courage à ceux qui s’y essaieront.

Ensuite, cette méthode contribue à diaboliser “Bruxelles”. Un lieu étrange voire mythique, une “créature” à plusieurs têtes… ce qui permet un flou présumé habile. Habile à court terme, sûrement, mais à long terme cette pratique concourt à faire de l’Union européenne un repoussoir. Et l’on s’étonne encore que les citoyens européens participent de moins en moins nombreux aux élections pour le Parlement européen ? Rappelons que le taux d’abstention aux élections pour le Parlement européen ne cesse de gonfler depuis 1979, passant de 38 % à 56%. Autrement dit, plus de la moitié des inscrits ne se déplacent plus pour désigner un député européen. Question intéressante: quelle est la légitimité politique d’une institution qui depuis trois législatures est élue avec moins de 50% de participation? Réponse – paradoxale mais à côté de la plaque – “le traité de Lisbonne donne de plus en plus de poids au Parlement européen.”

Après avoir été jusqu’au début des années 1990 dans le déni de ces difficultés, nombre de responsables politiques européens admettent que la méthode a trouvé ses limites… mais personne n’a trouvé mieux. Et à chaque crise, on ressort les mêmes pratiques. Avec des effets de plus en plus délétères.

L’image de l’Union européenne serait encore amoindrie auprès des opinions publiques si elle devait – de près ou de loin – être associée à des tensions sociales qui dégénéreraient en manifestations violentes. Parce que, c’est vrai, “L’Europe, c’est la paix”.

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celle de Global Brief ou de l’Ecole des Affaires publiques et internationales de Glendon.

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